Voter Strauss-Kahn en 2012 ? au premier tour ? au second tour ?

dimanche 15 mai 2011.
 

" - Moi, je ne voterai pas pour lui en 2012 au second tour

- Dis d’avance que tu veux garder Sarkozy à l’Elysée, cinq ans de plus

- Tu parles ! Tu crois, toi, que DSK mènera une autre politique que Sarko.

- Sur la politique économique et sociale, ce sont presque deux jumeaux, sinon Sarkozy ne l’aurait pas soutenu pour la présidence du FMI. Mais, nos luttes auront plus de chances de peser face à un gouvernement de gauche.

- Tu dis n’importe quoi ! Ce sera encore plus dur de lutter contre le libéralisme de DSK et d’un gouvernement majoritairement socialiste parce que leurs liens avec une partie des responsables syndicaux et cadres politiques de gauche sont beaucoup plus forts."

Cette discussion fait rage actuellement parmi les militants de gauche, parmi les antilibéraux, parmi les responsables syndicaux...

Cette discussion s’éternise parfois une bonne heure en réunion. Les arguments sont tellement nombreux pour et contre un vote Strauss Kahn au second tour s’il était investi par le PS que certaines personnes doutent de plus en plus.

Personnellement, plusieurs points me paraissent clairs.

1) Le nom du candidat compte

Gérard Filoche (gauche du PS), Susan George et Jean-Marie Harribey (ATTAC), Pierre Khalfa (Solidaires), Safia Lebdi (Insoumises), Gus Massiah (Cedetim), Willy Pelletier (Copernic) et quelques autres ont lancé un appel souhaitant un programme unique et un candidat unique de gauche pour 2012 considérant le nom de celui-ci très secondaire.

" Il ne doit jamais plus y avoir un nouveau 21 avril à gauche. Mais pour cela, le problème est moins la désignation d’un candidat que l’élaboration avant tout d’un vrai programme répondant aux besoins sociaux et écologiques, préparé et débattu par les citoyens. Il faut refuser le « concours de beauté » pour le choix du candidat qui dépolitise la société française et discuter des politiques à mener. Il faut que le « peuple de gauche » puisse débattre et décider de ces politiques avec pour objectif d’établir les priorités à satisfaire pour les mois et années à venir."

Cette orientation relève du conte de fées.

- Dans la réalité, nous sommes mi-mai 2012 ; le PG et GU ont pris position pour Mélenchon, les adhérents PCF votent début juin, le PS et Europe Ecologie entrent alors dans leurs primaires, le NPA est en standby.

- "Elaborer un vrai programme pour 2012 répondant aux besoins sociaux et écologiques, préparé et débattu par les citoyens " constituera la nature même du programme du candidat Front de Gauche. Par contre, comment croire que DSK ou Hulot puisse être investi comme candidat unique de gauche sur cette base ; et même s’il acceptait, ne serait-ce pas tromper les électeurs ?

- Il est évident que la nature des institutions donne une autonomie individuelle considérable au président élu, y compris vis à vis de son parti.

- L’attitude des proches de DSK comme de Hollande vis à vis du projet socialiste pour 2012 prouve qu’ils considèrent le programme comme un joujou pour amuser les militants mais absolument pas une plateforme d’action. " Sur les 30 mesures du projet, notre candidat pourra en choisir cinq ou dix. Il pourra aussi établir des priorités, en reporter d’autres et ajouter les siennes" (Pierre Moscovici). Que les adhérents socialistes acceptent cela, c’est leur affaire, l’imposer à toute la gauche serait aussi mortifère qu’en Italie.

2) Personnellement, je ne voterai pas pour Dominique Strauss-Kahn au premier tour

Solidaire des Portugais, des Grecs, des Irlandais, des Roumains, des Tunisiens et de tous les peuples étranglés par le système de la dette publique créé par le grand capital et le FMI (par les baisses d’impôt, les prêts bidons, les privatisations...) je ne vois pas pourquoi DSK ferait autrement comme président de la république.

Antifasciste de toujours et pour toujours, je n’accepte pas que Dominique Strauss-Kahn ait choisi de soutenir financièrement les putschistes du Honduras au moment où même l’Organisation des États américains (OEA), l’Organisation des Nations unies (ONU), l’Union Européenne et le président des Etats-Unis Barack Obama condamnaient (même sans implication concrète) ce régime dictatorial et illégal.

Militant pour un socialisme lié à la classe ouvrière, au salariat, aux couches populaires, je ne veux pas tromper les quelques personnes qui me font une petite confiance politique. DSK ne vit pas dans le monde concret des familles dont le compte en banque se trouve à découvert au 10 du mois. Dans ses rapports, revient sans cesse la nécessité de répondre aux attentes des marchés " "D’importantes réformes de long terme (en particulier concernant les retraites et le système de santé), ne produiraient que des économies limitées dans l’immédiat, mais auront des effets positifs et significatifs en termes de crédibilité auprès des marchés financiers et sur la demande intérieure" ! Confronté aux suppressions d’emploi et fermetures d’usine occasionnées par la primeur du profit dans le système capitaliste, DSK n’interviendrait ni plus, ni autrement que Sarkozy.

Très attaché à la retraite par répartition à 60 ans, je me rappelle du soutien exprimé par DSK à la réforme Sarkozy en 2010 "Le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite, inclus dans la réforme des retraites annoncée, constitue un facteur décisif de l’accroissement du taux d’emploi des seniors".

Dominique Strauss-Kahn est persuadé que la crise économique et sociale des pays européens est due au fait que les salariés sont des fainéants, qu’il faut donc les faire travailler plus. "Le niveau de vie de l’Europe a cessé de s’améliorer pour une raison clé : les citoyens ne sont pas à leur potentiel. Cela reflète un choix social conscient de travailler moins. Il n’y a rien de problématique là-dedans ; après tout le bonheur ne vient pas seulement du revenu. Mais il y a un côté sombre. Le chômage en Europe est chroniquement élevé et le taux d’activité est bas de manière persistante. » (intervention le 19 novembre devant le European Banking Congress). Dominique Strauss-Kahn propose une solution : "la réforme du marché du travail" qui consisterait en une baisse des droits sociaux dans un pays comme la France.

Dominique Strauss-Kahn est persuadé que le rôle de l’Union Européenne c’est d’imposer des politiques libérales aux dirigeants politiques nationaux qui n’arrivent pas à tordre suffisamment leurs salariés : "Quand l’agenda est conduit par le centre, les choses avancent. Voyez le programme du marché unique ou l’union monétaire. Mais quand l’agenda est laissé aux nations, les choses n’avancent pas. Voyez les réformes du marché du travail et des services, en particulier via l’agenda de Lisbonne... Le centre doit prendre l’initiative dans tous les domaines clés pour assumer l’avenir commun de l’union, en particulier en matière de politique financière, économique et sociale. Les Etats doivent être prêts à céder plus d’autorité au centre. » Pour DSK, le centre... c’est la Commission européenne.

Dominique Strauss-Kahn ne veut pas réorienter les politiques européennes dans un sens plus démocratique et plus social. Au contraire ! Il est persuadé comme tous les libéraux que les politiques ne doivent pas intervenir dans la concurrence libre et non faussée de l’activité économique capitaliste. Aussi, il a proposé fin 2010 à Francfort un système de contrôle autoritaire pour l’adoption des budgets nationaux. A l’Assemblée nationale, ses camarades locaux ont approuvé la mise en place du contrôle préalable de la commission européenne sur le budget de notre pays. Pire, il propose "d’enlever au Conseil la responsabilité principale du maintien de la discipline budgétaire et des réformes structurelles fondamentales. [...] Dans le contexte institutionnel existant, la Commission – en tant que gardienne des traités – pourrait jouer ce rôle. »

Meurtri par la sous-alimentation provoquée dans beaucoup de pays du monde par le libéralisme international et les politiques du FMI, je suis solidaire de l’enfant qui meurt de faim chaque six secondes dans notre monde, suite aux politiques menées par les sociétés transnationales, spéculateurs et FMI.

L’action politique socialiste ne relève pas du même rythme que les perspectives individuelles de carrière ; elle vise une transformation sociale pour mieux vivre.

L’action politique socialiste ne donne pas de l’importance à la seule tactique à court terme contrairement au social-libéralisme électoral ; elle veut réussir l’implication populaire et citoyenne dans le processus de transformation sociale. Cela demande de garder une autonomie vis à vis d’un "leader" comme Strauss-Kahn qui peut à tout moment agir de façon totalement contradictoire avec notre programme et notre éthique.

3) Candidature Strauss-Kahn et questions sous forme de poupées russes

Lors de discussions dans la rue, au travail comme en réunion, j’ai constaté que cette possible candidature Strauss-Kahn génère des réflexions en cascade :

- sur le bilan de 1981 à 2002

- sur la nature de la social-démocratie actuelle au niveau mondial

- sur la nature du PS lui-même

- sur le risque d’une sorte de "gouvernement des meilleurs" style ouverture de Sarkozy mais en plus crédible porté par DSK qui du coup, s’émanciperait de tout soutien nécessaire à gauche

- sur les garanties à nous donner si nous appelions à voter pour DSK ou un semblable pour qu’une fois l’élection passée, les citoyens puissent être informés, débattre et peser sur les choix politiques

- sur la participation au non à un gouvernement Aubry par exemple, DSK étant président

- sur la nécessité, de toute façon, quel que soit le nouveau président, de redonner du tonus au combat syndical.

Toutes ces questions sont évidemment pertinentes. Le Parti de Gauche a largement commencé à les aborder. Il va falloir les approfondir. Cependant, il faut éviter de tout mélanger dès à présent.

4) Nous souhaitons que soient réunies les conditions nécessaires pour une dynamique unitaire de second tour derrière le candidat de gauche arrivé en tête au premier tour

L’éventualité que le candidat du Front de Gauche sorte en tête du premier tour est une hypothèse ni inutile ni à exclure. Le Parti Socialiste et son candidat devront donc dire clairement dans les mois à venir qu’ils sont prêts à se désister pour lui dans ce cas de figure.

Le Parti de Gauche est un creuset essayant de revivifier et réunifier plusieurs traditions théoriques et historiques différentes.

La question du désistement pour un candidat socialiste au second tour ne doit poser problème :

- ni en référence à la tradition d’Union de la Gauche des années 1970. Le Parti Socialiste n’a pas changé au point qu’on ne le compte plus dans la gauche. Ceux qui disent le contraire ont des raisons tactiques de surestimer ce qu’était le PS des années 1970.

- ni à celles et ceux qui se réclament d’un socialisme républicain et du "désistement républicain" pour les seconds tours d’élections uninominales. Le Parti Socialiste d’aujourd’hui est évidemment le prolongement de celui de Blum, Mollet et Mitterrand même si un processus de social-libéralisation est en cours, processus qui a déjà mené plusieurs organisations de l’Internationale Socialiste dans le camp de l’ordre établi.

- ni à celles et ceux qui se réclament d’un socialisme fondé sur des références marxistes. Le Parti Socialiste doit être analysé encore aujourd’hui comme un parti ouvrier (avec les caractéristiques d’un parti ouvrier bourgeois), donc un parti par rapport auquel nous travaillons si possible sur une démarche de Front Unique.

Les dernières élections cantonales ont montré que la logique du "vote utile" n’est plus suffisante pour empêcher l’abstention d"une forte partie des milieux populaires de gauche. Les désistements s’opèrent très bien et permettent de larges victoires :

- si le candidat de second tour montre sa capacité à être celui de toute la gauche par ses relations avec les autres partis, par son programme...

- si, dans ce contexte, une dynamique unitaire se crée

5) Il faut attendre avant de prendre une position publique définitive concernant un désistement pour le second tour

Premièrement, DSK ne s’est pas encore déclaré lui-même candidat à l’investiture socialiste.

Deuxièmement, les primaires du PS ne sont pas jouées d’avance. Si la non candidature de Martine Aubry se confirme, il sera intéressant de connaître les choix opérés par Hamon, Lienemann, Cherki et quelques autres.

Troisièmement, si Dominique Strauss-Kahn se présente effectivement aux présidentielles au nom du Parti Socialiste, il sera intéressant d’analyser :

- son discours et son programme

- son rapport au Front de Gauche : réunion unitaire ? mépris ?

Ceci dit, nous ne mettrons à la poche ni les intérêts des salariés et couches populaires, ni notre objectif de révolution citoyenne.

Ceci dit, le Parti de gauche et le Front de Gauche ont tout intérêt à se montrer unitaires vis à vis du peuple de gauche et des électeurs socialistes. Notre but consiste évidemment à les convaincre que nous sommes les plus utiles au peuple et à la gauche. Annoncer que nous ne voterions pas pour un candidat socialiste lors du second tour des présidentielles les éloignerait de nous au lieu de les rapprocher ; ce serait tout à fait contre-productif.

Jacques Serieys le 13 mai 2011

Dominique Strauss Kahn, Haïti, la faim, Marx et le FMI (Jacques Serieys)

Strauss Kahn est allé se faire voir chez les Grecs pour imposer plus de privatisations

DSK "se lève chaque matin en se demandant comment il pourra être utile à Israël" (Jacques Serieys)

DSK jugé pour « vol des valeurs de gauche, privatisation à outrance..."

DSK en majesté G20 FMI Présidentielles 2012 (par Jean-Luc Mélenchon)

DSK enterre sans hésitation la souveraineté budgétaire des peuples (par Jean-Luc Mélenchon)

Dominique Strauss Kahn, le FMI et les retraites (par Jean-Luc Mélenchon)

Qui est Strauss-Kahn ? (par Raoul Marc Jennar)

Pour DSK, c’est la réduction du temps de travail qui est la cause du chômage (par Jean-Luc Mélenchon)

Pour DSK, le smic ukrainien à 66 euros (18 fois moins que le smic français), c’est trop !

Le Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers monde demande au Parti Socialiste d’exclure Dominique Strauss-Kahn pour financement d’une dictature militaire

Avant le FMI : Dominique Strauss-Kahn et le « socialisme du réel », (par Jean-Jacques Chavigné et Gérard Filoche)

Dominique Strauss Kahn : Chien de garde ou idiot utile ? (par Pascal Cherki, membre du CN du PS, adjoint au maire de Paris)


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message