Covid-19 (France) : un confinement trop tôt ou trop tard, quel est le pire ?

vendredi 19 mars 2021.
 

Le gouvernement a tenté de repousser autant que possible l’arme anti-coronavirus la plus drastique, mais pour quels effets ?

SCIENCE - Emmanuel Macron va-t-il faire le choix d’imposer un confinement à l’Île-de-France et/ou à d’autres régions un an jour pour jour après le début du premier confinement le 17 mars 2020 ?

Lundi 15 mars, le président de la République évoquait de “nouvelles décisions” dans les jours à venir, avant de consulter le Conseil scientifique et des réanimateurs le lendemain. Le premier ministre l’a clairement laissé entendre ce mardi soir sur BFMTV. Ce mercredi, le Conseil de défense évoquera la situation épidémique en France, qui n’est globalement pas bonne, et notamment celle de la région francilienne, où la tension hospitalière est très importante. Et ce depuis des semaines.

Alors que de nombreux chercheurs et médecins plaident pour des mesures drastiques depuis longtemps déjà, Jean Castex a réaffirmé dimanche que “chaque jour qui passe est un jour de gagné pour éviter ce confinement”. Le lendemain, le directeur médical de crise de l’AP-HP Bruno Riou rétorquait que chaque semaine sans confinement “est une semaine de perdue”.

“Il faut prendre les décisions ni trop tôt ni trop tard et pas de confinement préventif”, a répété le chef du gouvernement ce mardi soir. Confiner tôt ou tard est évidemment un choix politique, mais il a des impacts sur la propagation de l’épidémie ainsi que sur son bilan humain, économique et social. Mais quel choix est le pire ?

Ce que la date de départ change à la durée du confinement

Il n’y a évidemment pas de réponse stricte à cette question, mais il est possible de s’aider de modélisations théoriques, rappelle au HuffPost Samuel Alizon, directeur de recherche au CNRS, spécialiste de la modélisation des maladies infectieuses, qui a travaillé sur la question avec son équipe dès les premiers temps de la pandémie.

“Si vous confinez plus tard, il faut confiner plus longtemps pour revenir au seuil auquel vous avez confiné”, précise le chercheur. Logique : vous avez laissé le nombre de contaminés croître de manière exponentielle pendant plus longtemps. Pour autant, “si votre seuil de déclenchement d’un confinement est faible, vous déclenchez les réponses plus souvent”. En Australie par exemple, les confinements sont réguliers, mais localisés et plus courts qu’en Europe.

Cela ne veut pas dire que les deux options sont égales. “La somme du temps confiné est la même, mais vous avez plus de morts et plus vous attendez tard, moins vous avez de mesure à votre disposition”, affirme Samuel Alizon.

Une “deuxième vague” pire que la première

Si vous laissez en effet l’épidémie progresser, ne serait-ce que lentement, le bilan humain augmente. En France, la mortalité et les hospitalisations n’ont pas tant baissé que ça avec le second confinement et le couvre-feu qui a suivi, une mesure hybride à l’efficacité moindre.

L’épidémiologiste Dominique Costagliola, qui prônait un confinement rapide en février pour faire face à la dominance du variant anglais plus contaminant, comparait ainsi le bilan de la première vague, qui dura de mars à mai, et celle qui nous touche depuis la rentrée et n’a jamais vraiment disparu. Si le “pic” fut moins fort en novembre, le bilan global est près de deux fois pire.

C’est pour éviter ce bilan que de nombreux épidémiologistes et médecins, une fois quasiment certains de la contagiosité accrue du variant anglais, avaient recommandé dès la fin janvier des mesures fortes pour endiguer sa propagation et éviter une troisième vague.

Ce que Jean Castex a reconnu ce mardi 16 mars, affirmant devant l’Assemblée nationale que la France est entrée dans “une forme de troisième vague” de l’épidémie de coronavirus, “caractérisée par des variants nombreux”.

Course perdue...

Mais alors, pourquoi avoir attendu ? Il y a évidemment un élément clé qui a pu pousser Emmanuel Macron, en février, à décider de ne rien décider. “S’il y avait un rythme de vaccination extrêmement élevé, on pourrait imaginer que la vaccination puisse diminuer la durée du confinement”, rappelle Samuel Alizon.

Quand le président demandait aux jeunes le 1er mars de “tenir 4 à 6 semaines” avant de possibles assouplissements, c’est au vaccin qu’il faisait référence. Car une fois la population à risque vaccinée, les courbes des morts et des hospitalisations devraient drastiquement baisser. Or, pour l’instant, les premiers timides effets possibles des vaccins ont plutôt tendance à brouiller la tendance.

En clair, la course entre variants et vaccins évoquée par le Conseil scientifique dès le 12 janvier semble plutôt perdue pour le moment. Dans cette même note, les chercheurs imaginaient différents scénarios pour comprendre comment ces deux éléments pourraient jouer dans le futur.

...mais marathon en cours

On y comprenait notamment que plus on contenait la propagation du nouveau variant, plus la vaccination avait le temps de réduire la future troisième vague. À l’époque, le Conseil scientifique recommandait le couvre-feu à 18h doublé de confinements localisés.

Si cette solution était sanitairement plus adaptée que de prolonger au maximum avant de rajouter de nouvelles mesures, Emmanuel Macron a pourtant choisi d’attendre le plus possible. Ce en raison du possible impact social et économique d’un confinement.

En confinant tard, la France a fait le choix d’aggraver lentement mais sûrement son bilan sanitaire tout en tentant de préserver son bilan socio-économique. Sauf qu’un confinement aurait été plus intense, mais aussi plus court que les demi-mesures déjà très restrictives qui sont imposées. Cela fait 5 mois que plusieurs grandes agglomérations, à l’instar de Paris, sont sous couvre-feu.

Alors que la porte de sortie des vaccins se dessine, elle est encore loin et des confinements, locaux à minima, commencent à être décidés. La course entre vaccination et variants est clairement perdue. Mais Emmanuel Macron peut encore espérer ne pas finir dernier au marathon.

L’Allemagne, qui a pris le chemin d’un prolongement du confinement fin 2020, voit ses cas de coronavirus ré-augmenter ces derniers jours, rendant de plus en plus difficile la décision de lever les mesures encore en place. Logique : avant la vaccination et le possible effet d’une météo plus clémente, il était assez clair que l’épidémie de coronavirus n’allait pas s’arrêter en plein milieu de l’hiver sans mesures pour l’endiguer.

En repoussant autant que possible des décisions difficiles, la France a peut-être réussi à éviter de passer tout l’hiver confiné. À condition que la campagne de vaccination soit un véritable succès et au prix d’un bilan sanitaire élevé.

Grégory Rozières


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