« La France peut être le fer de lance d’une diplomatie du peuple humain »

lundi 19 avril 2021.
 

Après la décision du Japon de déverser dans l’océan de l’eau irradiée de Fukushima, le chef de file de La France insoumise plaide, dans une tribune au « Monde », pour que la France soutienne la création d’un tribunal international de justice climatique et environnementale.

Cette tribune a été publiée dans Le Monde, le 14 avril 2021. Elle a été rédigée par Jean-Luc Mélenchon.

Le Japon a décidé de déverser l’eau irradiée de Fukushima dans l’océan. Cette décision nous concerne tous. Où que nous soyons, tout ce qui est déversé dans l’océan global finit par nous arriver, par les courants marins ou par la pluie. Le cycle de l’eau est un bien commun mondial. C’est ce qu’a reconnu l’Assemblée générale des Nations unies le 28 juillet 2010, sur proposition de la Bolivie. Dès lors, comment un pays peut décider seul d’y introduire une pollution ?

Le 22 septembre 2009, le président de la République de Bolivie proposait cette fois aux Nations unies la création d’un tribunal international de justice climatique et environnementale. Les représentants officiels de cet Etat ont depuis remis sur la table plusieurs fois cette proposition.

En guise de réponse des Etats-Unis, des pays de l’Union européenne dont la France, ils n’ont reçu qu’un silence méprisant. Mais à l’heure où des points de non-retour climatiques risquent d’être franchis, n’est-il pas temps d’entendre cette proposition avec plus de sérieux ?

Cinq ans après l’entrée en vigueur de l’accord de Paris sur le climat, il faut constater une faille béante dans l’action internationale contre le changement climatique. Personne, ou presque, ne respecte ses engagements : ni les Etats ni, surtout, les multinationales. Ces dernières sont les principales responsables de la destruction de nos biens communs environnementaux. Dans leur logique de profit maximal pour les actionnaires, elles cherchent à faire reposer tous les coûts sociaux et écologiques sur les sociétés. Rompre avec les tribunaux d’arbitrage privés

La trajectoire climatique des quarante plus grosses entreprises françaises nous conduit droit vers une augmentation de la température de 3,5 degrés, bien au-delà des objectifs de l’accord de Paris. Les conséquences de leur irresponsabilité écologique sont immenses. Ainsi, trois banques françaises ont chacune une empreinte carbone plus grande que celle de la France. Souvent, le rappel du caractère mondial des problèmes écologiques fonctionne pour les dirigeants comme une justification de leur inaction dans leur pays. Ils ont tout faux. Nous avons les moyens d’agir en France en mettant en place une écologie de rupture avec le capitalisme.

La dimension internationale du défi climatique doit ensuite nous conduire à mettre en place des solutions fondées sur le droit et l’Organisation des Nations unies. Je plaide donc pour que la France reprenne la proposition de la Bolivie, la soutienne et cherche des alliés afin de la faire progresser au sein des institutions internationales. Les multinationales sont à l’origine de nombreuses mutilations irréversibles de notre écosystème commun. Leur impunité doit cesser. Le gouvernement français doit rompre avec son soutien actif aux traités de libre-échange et leur tribunaux d’arbitrage privés. Il en existe actuellement plus de 3 000. Ils fournissent un moyen pseudo-juridique aux firmes transnationales pour écraser toute velléité des peuples de leur imposer la force de la loi.

En plus du tribunal international climatique, je souhaite que la France change d’attitude dans la négociation à l’ONU autour d’un traité contraignant les multinationales à respecter les droits humains et l’environnement. Cette discussion a été ouverte en 2014, sur proposition de l’Equateur et de l’Afrique du Sud. Les gouvernements français de François Hollande et d’Emmanuel Macron se sont alignés sur l’Union européenne dans une stratégie visant à ralentir puis à diminuer les ambitions du traité. Les Français ont tellement mieux à faire. Trouver des alliés dans le monde

Leur pays est présent à des points-clés de l’écosystème mondial : la forêt amazonienne, l’Antarctique, l’Arctique et la Méditerrannée. Il a le deuxième territoire maritime du monde. Il a des capacités pour agir à travers le haut niveau de qualification de son peuple, le nombre et la qualité de ses ingénieurs et ouvriers, son ample réseau diplomatique. La France doit mettre sa formidable puissance au service de l’intérêt général humain. Il est aligné avec l’intérêt propre des Français. Elle trouvera des alliés dans le monde pour porter au plan mondial l’objectif d’harmonie des êtres humains entre eux et avec la nature.

La question du vaccin contre le Covid le démontre. De nombreux pays du monde portent la revendication de la levée des brevets pour sa diffusion la plus rapide possible à l’humanité tout entière. Deux Etats, l’Inde et l’Afrique du Sud, ont déposé cette demande auprès de l’Organisation mondiale du commerce. Depuis, une cinquantaine d’Etats s’y sont joints. Ils ont reçu le soutien public du secrétaire général de l’Organisation mondiale de la santé.

La France pourrait jouer un rôle de premier plan dans les coalitions qui défendent les biens communs mondiaux : santé, climat, eau, air, océans. Mais il lui faut d’abord rompre avec son alignement systématique sur les Etats-Unis et la Commission européenne. Le changement climatique, l’érosion de la biodiversité comme la pandémie nous montrent que les êtres humains sont tous semblables. Nos conditions d’existences individuelles et collectives sont les mêmes en tous les points de la terre.


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