La droite doit partir, la gauche doit s’unir !

vendredi 19 mai 2006.
 

La motion de censure ne pouvait pas être adoptée par cette Assemblée dominée hégémoniquement par l’UMP. Le départ du gouvernement n’aurait pas suffi à sortir d’une crise si avancée. Sans retour aux urnes, il n’y aura désormais plus de gouvernement légitime. Mais cela aurait au moins permis d’en finir avec l’irresponsabilité absolue qui règne au sommet des institutions. Faute de cela, l’échec de la censure étale une nouvelle fois devant nos concitoyens l’incroyable décalage qui existe entre un pays à bout de nerfs et sa représentation, où une majorité écrasante de députés soutient un premier ministre délégitimé après qu’il leur ait proposé de continuer comme avant. Il est urgent d’en finir !

Comment tout cela va-t-il se terminer ? Se pose ici une question : qui peut prendre la tête du processus de contestation du système ? Qui les Français choisiront-ils pour flanquer par terre ce régime agonisant ?

Il y a l’extrême-droite. Le FN vient de réapparaître sur les murs de France en sortant la première affiche de la campagne présidentielle. Sa stratégie n’a pas changé : se poser un unique recours en faisant exploser alternativement la droite et la gauche. La proportion croissante de Français qui se déclarent « ni de droite, ni de gauche » conforte ses espoirs.

Il y a Bayrou, qui parle d’en finir avec la Cinquième République et le « système UMP-PS ». Sa stratégie est d’abord d’imposer l’UDF comme une force équidistante entre la droite et la gauche. Sur le plan politique, l’UDF est clairement à droite. Mais Bayrou a besoin de cette fiction pour monnayer son soutien aux partis dominants. Après avoir expliqué que ni les socialistes ni l’UMP n’étaient ses ennemis, il déclare dans son discours de censure : « j’envisage, lorsque viendra le moment de reconstruire notre pays, de travailler avec des gens qui sont différents de moi, non pour sanctionner mais pour construire. » Puis il rend hommage à ceux qui ont voulu des gouvernements incluant la droite et la gauche : de Gaulle, Schumann et Giscard d’Estaing d’un côté, Mendès-France, Rocard et Delors de l’autre. Puis il vante la grande coalition allemande et regrette que la synthèse socialiste interdise toute alliance avec le centre. L’appel du pied est sans détours.

Et puis il y a la gauche. En 2007, elle sera divisée entre plusieurs candidats. La question qui lui est posée est donc celle de son union. Tout change selon la nature du candidat socialiste et selon le nombre de candidats de gauche à côté de lui. Le scénario qui a les faveurs de la direction du PS est suicidaire. Ce calcul imbécile est le suivant : le PS désigne un candidat issu du « oui » et la gauche non socialiste du « non » se disperse en une multitude de candidatures. Ainsi l’humiliation du référendum serait vengée et la question des rapports de force à gauche supposée réglée par l’élimination électorale de la gauche des ruptures au nom du vote utile.

C’est une double erreur. La première est de croire qu’un candidat du « oui » serait bien placé pour rassembler la gauche au deuxième tour de l’élection présidentielle, surtout lorsque rien n’a été fait depuis le 29 mai pour demander le respect du vote des Français. La deuxième erreur, tout aussi tragique, est de croire que l’union pourrait résulter de l’explosion de la gauche en une myriade de boutiques. Cette vision a conduit à l’échec de la gauche plurielle et au désastre du 21 avril 2002. Si la gauche non sociale-démocrate, qui a été électoralement majoritaire en 2002 comme en 2005, et socialement décisive dans la bataille contre le CPE et en 2003 pour les retraites, n’est pas dignement représentée, elle ne participera pas pleinement à la dynamique de rassemblement contre la droite. Qui se chargera alors de rallier les couches populaires qui se sont détournées du PS depuis plusieurs années ? En faisant de tels calculs, la gauche prendrait le risque d’ouvrir la voie à l’extrême-droite.

C’est pourquoi nous sommes à la fois favorables à ce que le PS désigne un candidat issu du « non », donc Laurent Fabius, et à ce que la gauche qui ne se reconnaîtra pas dans le candidat socialiste se rassemble. L’union exige l’un comme l’autre. Lorsque plusieurs éminents responsables de PRS nous ont fait part de leur volonté de signer un appel unitaire pour des candidatures communes de la gauche des ruptures, soutenu notamment par le PCF et deux minorités de la LCR, nous leur avons donc dit notre approbation. Car ce texte inscrit cette union dans l’objectif plus large d’une union sans exclusives pour battre la droite en 2007. Cette « union dans l’union » fait déjà réagir les hégémonistes et les sectaires de tous bords. Julien Dray, porte-parole du PS, et Patrick Menucci ; lieutenant de Ségolène Royal, ont ainsi demandé si deux membres du Bureau National du PS peuvent soutenir un tel texte sans être sanctionnés. Mais ni Jean-Luc Mélenchon ni moi-même ne leur avons offert par notre signature ce prétexte idéal pour aggraver les fractures à gauche. On notera d’ailleurs que le même Julien Dray a déclaré que la censure n’était « déjà plus une motion de censure de la gauche contre la droite ou une confrontation traditionnelle entre la gauche et la droite ». Pour notre part, c’est cette « confrontation traditionnelle » que nous préparons sans relâche.

François Delapierre (A Gauche)


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