BILAN DU MOUVEMENT DE MAI JUIN 2003 Un mouvement qui a secoué les consciences !

samedi 3 septembre 2005.
 

Les points positifs

Il y a tout d’abord ce qui relève de l’ordre du culturel : une grève minoritaire mais partout présente portant un refus majoritaire d’une réforme traçant en filigrane un projet de société qui va accroître les inégalités et marchandiser le service public. Agir local et penser global. L’idée que l’on n’a pas le choix : ou on accepte ou on se bat, a conduit une nouvelle génération à débattre des problèmes de société. Par contre ceux qui se sont battus ont porté trop lourd en portant ce que les non grévistes passifs ont refusé de porter.

Le débat s’est décloisonné entre les écoles, entre écoles, collèges et lycées, avec les parents et les jeunes, en interprofessionnel ( partiellement ). Ce débat, cassant l’emprise de la pensée unique a porté loin. Le nombre de réunions de familles qui ont pris des allures de forum est impressionnant. Noua avons eu le culot de remettre en cause les évidences du libéralisme. De simples gens ont rabroué les experts. Et ça ça dérange. On a ressorti l’attirail de la division public - privé : « Les fonctionnaires sont payés pendant la grève. » Au début cela fait rire. Au début...Et la question des médias s’est posée en grand c’est à dire la perception de ce qu’ils sont : non un outil d’information mais un appareil de propagande. Le débat a eu lieu par dessus les clivages politiques et syndicaux. Il a fait resurgir la parole militante, la conviction. L’humain, par la visite des écoles a repris le dessus sur la civilisation du virtuel. Ce débat aura, a déjà, des prolongements. Combien de fois on entend : « Au fait, sur ce que tu m’avais dit le..., peut-être que tu n’avais pas tort... ». Ce débat est la véritable bombe à retardement du mouvement alors qu’arrive la deuxième étape : la « réforme » de la sécurité sociale.

Les points négatifs

Contrairement aux précédents ils sont souvent mesurables.

Mesurable est la perte sur la retraite. Chacun peut faire son calcul.

Mesurable est aussi la volonté du gouvernement de casser du gréviste en appliquant, ce qui n’a jamais été appliqué, l’arrêt « OMONT » sur les retraits de salaire c’est à dire en gros enlever par trentièmes aussi bien les jours non travaillés que les jours fériés.

Mesurable l’arrêt du transfert de 10 000 personnels de l’Education Nationale alors que 90 000 sont transférés ( encore que la suspension de l’expérimentation de l’autonomie des établissements ne soit pas inintéressante ).

De l’ordre du négatif aussi la responsabilité des non grévistes d’avoir diminué le rapport de forces et d’avoir, par contre - coup, donné la main au passage en force du gouvernement. La réaction devant nos raisonnements a trop souvent été de refuser de discuter et de se projeter dans l’avenir, comme si certains n’avaient ni enfants ni petits enfants. La tension entre ceux qui font grève et ceux qui les regardent ne vient pas des arguments qui ont été opposés : il n’y en a jamais eu. Elle vient, paradoxalement, de l’absence d’arguments. Après une réflexion chiffrée et approfondie il est usant de s ‘entendre répliquer : « I fo bin faire quéque chose. ». Et dans des professions dites intellectuelles, c’est difficilement supportable.

Les points d’interrogation

Chacun d’entre nous se pose une question centrale :

Pourquoi ça n’est pas parti ? Pourquoi un refus majoritaire de la réforme est resté majoritairement passif ?

La division public - privé n’a pas été surmontée. Les salariés du privé ont ressenti ce conflit comme un conflit de fonctionnaires. Dans leur fort intérieur ils n’étaient pas contre que tout le monde soit dans le même bateau, à 40 ans de cotisations.

Beaucoup de salariés sont endettés et la perspective qu’on leur proposait de grève générale reconductible ne leur paraissait pas réaliste.

La signature de la CFDT a jeté un grand trouble.

Les salariés n’ont jamais été convaincus que d’autres modes de financement réalistes des retraites aient vraiment été proposés.

Alors que nous avons diffusé des milliers de tracts, argumenté dans les réunions de parents, battu le pavé, c’est une affirmation terrible : le débat n’a été ni assez large ni assez argumenté. Nous ne disons pas cela pour culpabiliser ceux qui ont eu cet immense courage d’aller aux carrefours, devant les entreprises ou les marchés. Le mouvement leur doit tout. Le débat a été porté par une poignée. Une très grosse poignée. Le verre reste à moitié plein.

Une deuxième question porte sur la tactique de lutte.

Sur les journées de 24 h à répétition qui ont certes préparé la suite mais ont aussi épuisé des forces. Nous ne parlons pas de la surenchère sur « la grève générale, tout de suite » lancée à Marseille le 12 juin au moment de la descente du mouvement. Le mot d’ordre est en lui-même incantatoire puisque jamais il n’a été lancé dans un mouvement social dans notre pays. Par contre la question qu’il cache : la construction d’un rapport de forces, est une vraie question. Les difficultés de la mobilisation sont une donnée objective. C’est vrai qu’il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton. Pour autant l’intersyndicale nationale, pour la part qui lui revient, ne peut s’absoudre d’une réflexion sur les modes d’action et le calendrier de celle-ci. Il semble que nous ayons sous-estimé la détermination de ce gouvernement de type thatchérien.

Une troisième question porte sur le syndicalisme d’accompagnement.

La quatrième et dernière question porte sur la clarté dans les revendications. Certes il y a tout ce qu’il faut dans les brochures syndicales Pour autant des revendications chiffrées, unifiantes ( si ce n’est celle, défensive, sur les 37,5 annuités ), ont été peu avancées. Le mouvement est resté coincé dans : « Non au plan FILLON ! » . La proposition reste faible. Comme s’il n’y avait pas de marge entre la proposition et l’acceptation de la perte des acquis au nom de la modernité.

Quelques propositions immédiates

Elles sont au nombre de quatre :

Mener le débat de bilan. Il s’agit de tout sauf d’un exercice abstrait :

Diffuser largement la pétition - consultation des personnels. Cette pétition n’est pas le remplacement pâlichon de la grève reconductible mais une démarche en direction des salariés amplifiant le débat commencé et préparant de ce fait les mobilisations de demain. En lançant, avec notre argent, une lettre mensongère aux Français, JP RAFFARIN montre que la com ( nous disons-nous la propagande ), est l’arme décisive d’un pouvoir sans arguments. Ils ne sont pas si sereins qu’ils le disent.

Pérenniser les AG de secteur en définissant leur rôle par rapport à l’intersyndicale et leur mode de fonctionnement.

Réfléchir dès à présent à un travail prolongé sur l’Assurance maladie.

Ces quelques éléments sont donnés en discussion. La pratique du bilan, c’est à dire la réflexion théorique à partir d’une expérience sociale est constitutive des victoires de demain. Non le mouvement ne s’arrêtera pas .

Jean-Jacques Boislaroussie


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