Aurélie Filippetti : pour une gauche "résolument audacieuse"

samedi 12 juin 2021.
 

Aurélie Filippetti, ancienne députée de Moselle (2007-2017) et ministre de la Culture (2012-2014) a été une socialiste « frondeuse » avant de quitter le PS en 2017. Elle est tête de liste pour l’Appel inédit dans le Grand-Est avec d’autres dont Caroline Fiat, députée LFI.

D&S : Quelle a été le point de départ de l’Appel inédit en décembre dernier ?

AF : Le point de départ se situe avant décembre. Il réside dans la volonté de trois femmes engagées à gauche : Caroline Fiat à la France insoumise, Pernelle Richardot au PS et moi. On s’est retrouvées pour éviter la catastrophe de 2015 aux élections régionales. Pour nous, cela a été très douloureux. L’éclatement de la liste de gauche, la division... Fallait-il se retirer pour faire barrage au FN ? Fallait-il se maintenir ? À vrai dire, il n’y avait pas de bonne solution, puisque nous n’avions pas fait un score suffisant.

Notre idée, c’est de faire l’union de la gauche dès le premier tour. L’Appel inédit (AI) a rencontré un franc succès, puisque, vous, à la GDS, vous l’avez très vite rejoint. Puis, nous avons vite dépassé les 1 000 signataires de cet appel à l’union de la gauche et des écologistes.

Malheureusement, ceux qui ne nous ont pas entendues, ce sont ceux d’EELV, qui ont toujours cette stratégie de dire « Nous, on veut prendre la place du PS dans l’hégémonie à gauche ». Je suis en désaccord avec cette vision, alors qu’au début de mon engagement, j’étais chez les Verts, puis longtemps au PS. Je connais très bien ces deux mouvements. Aujourd’hui, vu la situation politique du pays, il n’y aura plus de victoire de la gauche si elle n’est pas unie dans sa diversité. Ça veut dire qu’aucun des partis politiques ne peut avoir l’hégémonie politique. C’est dans l’union que l’on peut l’emporter. Notre AI a eu le mérite d’obliger les écolos à bouger. Début mars, ils se sont alliés avec certains socialistes au sein d’un Pacte. Malheureusement, ils l’ont fait un peu contre nous. Ce que je ne m’explique pas. Mais après avoir bien discuté très longtemps avec eux pour essayer de trouver un moyen de nous unir, j’ai constaté qu’ils n’en n’ont pas l’envie.

Donc, nous portons le projet de la gauche dans le Grand-Est. Une gauche résolument audacieuse sur ses principes. On le voit encore aujourd’hui, il n’y a jamais eu autant d’inégalités, autant de pauvreté que depuis la crise du Covid. Les solutions et les analyses de la société de la gauche sont plus que jamais d’actualité. C’est cela que je veux porter dans cette élection.

D&S : Quel bilan tires-tu de la gestion du Grand-Est par les LR ?

AF : D’abord, le fait que c’est un échec sur l’unité de la région. Le Grand-Est aujourd’hui n’existe pas en tant qu’unité culturelle. Chacun est encore très fortement attaché à son ancienne région. Pour quelle raison ? En fait, les Républicains issus de la droite alsacienne a voulu plaquer sur la Lorraine et la Champagne-Ardenne leur manière de gérer l’Alsace, notamment avec une politique d’agences. On vide les responsables de terrain, les responsables associatifs, les élus aussi de leur rôle essentiel dans le pilotage des politiques publiques. On plaque depuis l’extérieur un certain nombre de méthodes qui ne sont pas adaptées aux territoires. C’est ma première critique. On le voit dans le domaine culturel, associatif, dans l’économie sociale et solidaire. On a oublié que chacun des territoires avait son histoire et aussi son expérience politique, et qu’il ne fallait pas tout jeter au nom de la grande région.

Moi, je veux plus de proximité dans la gestion des fonds régionaux. D’autant plus que l’on sait que l’État a été appauvri par les politiques néo-libérales. Mais les régions, à travers les contrats de plan État-régions, à travers la gestion de fonds européens, ont les moyens d’agir. Les régions sont de plus en plus importantes pour les transports, la formation professionnelle, mais aussi l’investissement économique. Il faut le faire d’une manière qui soit proche des besoins des habitants et pas par du saupoudrage. Voilà ma principale critique concernant la politique de la droite qui n’a pas de visions stratégique, de vision d’avenir.

D&S : Quels sont les points essentiels qui marqueront la campagne de l’Appel inédit ?

AF : Tout d’abord nous sommes dans une crise sanitaire dont nous ne sommes pas encore sortis, une crise sociale terrible et une crise écologique qui reste devant nous. Alors comment faire ?

D’abord, investir :

dans la formation (par exemple pour aider les soignants dans leur parcours professionnel ; quant aux jeunes, il leur faut un plan Marshall pour l’emploi) ;

dans la gratuité des transports et bien sûr réfléchir à la façon de financer cette gratuité, car c’est comme cela que l’on fera changer les comportements.

Ensuite, la région Grand-Est a laissé les anciennes régions Lorraine et Champagne-Ardenne en proie à la désindustrialisation. Il faut donc retrouver une région stratège en matière de pilotage économique, accompagner les industries en reconversion et soutenir les nouvelles filières (bois, énergies renouvelables, la sidérurgie qui a encore toute sa place).

Enfin, il faudra adapter le concordat avec nos nouvelles règles sur la laïcité.

D&S : Comment, avec cette pandémie, faire campagne ?

AF : Nous avons tout d’abord mis en place les jeudis inédits qui, chaque semaine sur des thèmes précis et avec des intervenants différents, permettent au plus grand nombre d’écouter les avis des uns et des autres et d’élaborer collectivement des solutions.

Nous organisons aussi des Facebook Live chaque dimanche après-midi avec des discussions à bâtons rompus. Nous reprendrons aussi, dès que les conditions sanitaires le permettront, des campagnes de terrain pour aller à la rencontre des habitants.

Des groupes de travail ont aussi été mis en place dans lesquels chaque citoyen a toute sa place (groupes mobilités, démocratie, économie, culture…).


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