Débat à l’Université du Parti Socialiste à La Rochelle : Les recompositions de la gauche en Europe

mercredi 5 septembre 2007.
 

Nous mettons en ligne ce compte-rendu comme illustration de l’orientation développée lors des débats socialites 2007 de La Rochelle. Il doit être comparé à l’article de Laurent Maffeis sur la recomposition de la gauche en Allemagne.

Patrick Le Galès :

Blair a commencé son mandat en considérant que les temps avaient changé, que l’on ne pouvait pas revenir en arrière, que la mondialisation aurait des conséquences sur l’Europe, qu’il fallait donc s’adapter aux contraintes du moment. Il était donc déterminé à exercer le pouvoir durablement. Pour lui, le rôle de l’Etat était très important mais il était indispensable de changer la manière de gouverner. C’est la raison pour laquelle il était pour un État actif, conscient du besoin d’un investissement massif dans le secteur public, moyennant une excellente gestion de l’économie.

Blair n’a jamais eu totale confiance dans les individus ; il a ainsi « manié la carotte et le bâton ». Exemple : lorsqu’un chômeur refuse quatre offres d’emploi, son allocation est supprimée.

Pour Blair, le rôle de l’Etat n’est pas de gérer la crise mais de piloter et de contrôler la marche de l’économie.

Autre élément important, le gouvernement Blair a analysé de façon rationnelle le système des services publics, en évaluant les effets produits, l’efficacité et la performance.

Ce travail lui a permis d’améliorer le système britannique et de transformer ainsi profondément le parti travailliste. Son obsession : développer des indicateurs de contrôle afin d’obtenir la performance.

Toutefois, il a trop misé sur la machine électorale et la communication. Tout était devenu slogan. Il a rendu l’Etat performant, mais la performance a été obtenue au détriment de la réflexion de fond.

C’est cette méthode qu’applique parfaitement Nicolas Sarkozy : il lance des annonces sans suivi détaillé, sans réformes sur des sujets essentiels. Il utilise les médias fort brillamment mais avec une dette à 65 %, combien de temps va-t-il tenir ? Les slogans ne durent qu’un temps... Les sujets sur lesquels s’expriment Sarkozy sont « populistes » ; il fait l’impasse sur les sujets essentiels, d’où une perte de crédibilité probable à moyen terme.

En France, on a vraiment échoué sur le long terme des politiques publiques, on est incapable de mobiliser l’Etat alors qu’il faut le repositionner et revoir la redistribution des ressources publiques. Il faut penser la France au-delà du national, c’est-à-dire au niveau européen voire mondial. Le Parti socialiste doit réfléchir en approfndissant le type de société qu’il souhaite.

Bernard Poignant prend la parole.

Il établit une cartographie des différents partis sociaux-démocrates européens de l’Union européenne :

10 pays gouvernent avec des alliances socialistes-libéraux-centre droit.

3 pays sont socialistes, l’Espagne, le Portugal et le Royaume-Uni.

14 sont dans l’opposition.

Il maintient qu’il faut prendre en compte toutes les particularités :

Le rapport au communisme. Il rappelle que la France partage avec l’Italie, ce lien historique toujours présent avec le communisme. Il ne faut pas oublier que la France est le seul pays européen qui présente aux élections, trois candidats Trotskistes !

Le rapport au syndicalisme. La faiblesse syndicale et le manque de lien entre le syndicalisme européen et les syndicats français marquent une faiblesse de la gauche.

Le rapport au libéralisme : les pays de l’Est ont un rapport au libéralisme complètement différent. Exemple : pour eux, les services publics sont synonymes de corruption ou de mauvais fonctionnement de l’Etat, alors que pour les autres Européens, ils sont des éléments essentiels.

Le rapport à la religion. La laïcité pourrait être une exception européenne encore faut-il clarifier la notion de laïcité selon les différents pays européens. Il précise : « Pour moi, la laïcité correspond à la séparation de l’Église et de l’État ».

Il conclut que tous ces éléments nous conduisent à accepter que les rapports à l’Etat, bien que très importants, restent très différents dans les pays de l’Union européenne. On doit obligatoirement se confronter aux autres. Il faut trouver un nouveau stock de grandes libertés et de conquêtes, sinon le Parti socialiste français risque de « s’étioler doucement ».

La parole est donnée à Harlem Désir

Pour lui, l’impact de la mondialisation joue un rôle sur les recompositions de la gauche en Europe. Au regard des exemples des autres pays européens, de leurs succès, il faut s’interroger sur les réponses qui ne sont pas toujours transposables d’un pays à l’autre, et prendre en compte la question suivante : « pourquoi s’attacher à certains sujets comme, par exemple, la défense des services publics ? ». Ici, il insiste sur l’idée de ne pas percevoir les services publics comme une spécificité française mais bien comme un principe d’intérêt général, un bien universel.

Pour lui aussi, le regard de nos partenaires européens est essentiel, car il n’existe pas un unique modèle de référence.

Son approche du Blairisme diffère de l’intervenant précédent. Pour lui, le Blairisme constitue un succès économique impressionnant, il y a sûrement des leçons à tirer. Mais côté social, il n’y a toujours pas de réponse à la précarisation du salarié. Il considère que l’économie est importante, mais il ne faut pas faire l’impasse sur la redistribution pour préserver les mécanismes de cohésion sociale et de solidarité.

À noter que, selon lui, le Parti socialiste français s’est marginalisé après le - Non - au référendum européen. Il faut retrouver dorénavant de nouveaux compromis sur le plan social et sur l’économie de marché à l’échelle de la planète. La stratégie de Lisbonne ouvre cette possibilité.

La parole est donnée à Benoît Hamon.

Il relance le débat avec l’idée qu’il faut réconcilier individus, marchés et entreprises, en tenant compte des différents rapports de force au sein du PSE. Le modèle social français n’est pas le seul possible, précise-t-il. Le député européen affirme que partout, en Europe, il y a crise des modèles sociaux : les mécanismes de solidarité et les instruments de redistribution sont déficients.

Si l’Europe veut rester démocratique, elle doit avoir la capacité à construire un modèle social européen avec un haut niveau de service public et un haut niveau de protection sociale.

À l’heure actuelle, au Parlement européen, on tente de limiter les dégâts et de gagner du temps (les sociaux démocrates sont minoritaires...).

En rappelant qu’un Européen sur quatre est menacé de pauvreté, la question du modèle social européen est bien la lutte contre les inégalités. Pour Benoît Hamon, il faut trouver impérativement des systèmes qui permettent de les combattre.

Patrick Le Galès reprend la parole sur le service public en invitant à ne pas exagérer l’exception française. Bien sûr, l’histoire des pays est différente, mais il y a des combinaisons possibles. Savoir anticiper reste une difficulté et l’intervenant pense que l’on a raté la construction d’un marché européen. En ce qui concerne les inégalités, il est obligatoire de penser en amont, notamment pour les besoins de ressources du service public : pour qui, et pour quoi faire.

Bernard Poignant signale qu’après le vote du non au référendum européen, on a parlé de mini traité. Il n’existe pas de mini traité mais il s’agit d’un traité réformateur qui a été présenté à Lisbonne. Le président de la Délégation française militera pour que le PS vote en sa faveur. Il relève que l’on a beaucoup travaillé depuis le référendum notamment en votant contre la résolution Bolkestein, pour trois raisons :

pas d’engagement pour les services publics ;

contre l’affirmation du principe des pays d’origine ;

contre la libéralisation des services.


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