Avant-propos à la réédition de l’ouvrage d’Otto Bauer : La question des nationalités

samedi 7 août 2021.
 

Avant-propos à Otto Bauer : La question des nationalités. Syllepse, Paris 2017, 660 pages, 28 euros [1].

Publié en 1907 à Vienne, la capitale de l’empire austro-hongrois, le livre d’Otto Bauer, dont le titre originel est La Question des nationalités et la social-démocratie, ne sera publié en français qu’en 1987 grâce aux efforts conjugués de deux éditeurs parisiens (Arcantères et EDI) et d’un éditeur de Montréal (Guérin).

« Aucune interrogation historique [n’étant] uniquement intrinsèque au sujet, [mais] toujours partiellement tributaire des sollicitations de l’actualité [1] », nous laisserons à Claudie Weill, qui a présidé à l’édition française de l’ouvrage, le soin de restituer le contexte historique et géopolitique dans lequel Otto Bauer publia son livre [2] [2]. Nous nous bornerons à expliciter le choix éditorial qui a conduit les éditions Syllepse à republier cet ouvrage. Oublié et négligé, ce livre nous a semblé pouvoir contribuer à élucider quelques-uns des défis auxquels les sociétés d’Europe occidentale (mais pas seulement), et particulièrement la société française, sont confrontées.

Ce faisant, nous faisons un choix délibéré : faire discuter à notre époque de la nation, des nations, de l’« ethnicité [3] », des regroupements communautaires, des minorités nationales, des peuples sans État ni territoire, etc. Faire discuter des manifestations polymorphes de la question nationale – qui ne peuvent être réduites à des « vestiges » du passé ni à un « retard historique » dans la marche tortueuse de l’émancipation humaine – et des politiques à mener en ce domaine. Nous formons en effet le vœu que les gauches de ce pays, souvent aveuglées par le messianisme républicain ou l’universalisme abstrait – abstrait mais souvent d’une extraordinaire brutalité – pourraient y voir l’occasion de penser ces questions qui nous percutent ici et maintenant.

Sous des formes variées et renouvelées, la question nationale frappe partout à nos portes : au sein même de l’Union européenne (en Écosse, en Irlande, en Catalogne, en Wallonie et en Flandres, en Euzkadi, etc.), en Europe centrale et orientale, dans les Amériques, en Asie et en Afrique. Elle se montre aussi dans les marches de l’Hexagone, dans les confettis de l’empire, dans ces îles que l’on dit françaises. Elle prend enfin forme dans nos « murs », au cœur de nos villes et de nos quartiers, au sein même de ce prolétariat dont la diversité et le multiculturalisme n’échappent à personne [4].

Dans le cadre forcément limité de cet avant-propos, nous avons choisi de mettre la focale sur la question des « minorités » extraterritoriales, celles qui, au sein des États constitués, se vivent, de manière plus ou moins consciente, plus ou moins aiguë, plus ou moins permanente, comme de groupes opprimés à dimension nationalitaire.

Évoquant la situation dans l’empire des Habsbourg et notant que la population de Vienne comptait un quart de Tchèques, Otto Bauer parle des « îlots linguistiques du capitalisme moderne [qui] doivent leur existence aux migrations sociales causées par le capitalisme ». « Tant que ces migrations complètent et renforcent les minorités nationales par un apport continu de même nature, ajoute-t-il, leur disparition est impensable. »

L’Organisation des nations unies (ONU) en propose une formulation. Une minorité est un groupe : 1) numériquement minoritaire dans un État (ou sur un territoire) ; 2) en position non dominante ; 3) dont les membres possèdent des caractéristiques – culturelles, « ethniques », religieuses, linguistique, « raciales » – qui diffèrent du reste de la population ; 4) qui manifestent, même de façon implicite, un sentiment d’appartenance, une solidarité, dans le but de préserver leur culture, leurs traditions, leur religion ou leur langue ; 5) dont les membres subissent diverses formes de domination et d’oppression et ont de ce fait une expérience sociale partagée [5].

Ce sont autant les conditions historiques et matérielles (imbrication de rapports sociaux), que le travail d’invention et de réinvention, de résistance, effectué par différentes groupes sociaux ou institutions qui créent ces sentiments d’appartenance, « ethniques », « communautaires », « identitaires »… parmi des populations soumises à des conditions d’existence similaires : ségrégation, relégation, stigmatisation, discrimination, paupérisation tout en partageant ou se reconnaissant dans des traits culturels ou « raciaux » communs [6].

Les conditions de vie – individuelles et collectives, matérielles (y compris les dimensions idéelles ou symboliques), l’assignation identitaire subie et assenée, le racisme et la ségrégation sont évidemment de puissantes barrières à la modification substantielle de ces « phénomènes identitaires transitoires ».

Ces communautés plus ou moins cristallisées ne sont évidemment pas des « États dans l’État » (bien qu’elles puissent être perçues comme tels et être accusées de « communautarisme »), mais participent de processus plus ou moins durables, plus ou moins éphémères – encore qu’à l’échelle de nos vies, cela peut être un éphémère durablement installé – et ne sont pas strictement réductibles aux problèmes de classe. Ces « phénomènes identitaires transitoires » qu’incarnent ces communautés fonctionnent en autonomie relative vis-à-vis de ceux-ci. Ils doivent être donc abordés comme tous les autres rapports sociaux. Perception de soi, autodéfinition, autonomisation, « fait de conscience concret »

Qui d’entre nous n’a jamais entendu des personnes dirent d’elles-mêmes qu’elles étaient « Marocaines de nationalité française » ou « Françaises d’origine marocaine » ? Il faut bien entendre le caractère combiné d’une telle dualité. Elles ne sont pas simplement de nationalité et de citoyenneté françaises, elles sont également et en même temps marocaines ou africaines. Elles ne le sont évidemment pas de la même façon que leurs mères ou leurs frères restés « au pays ».

Tout cela sonne un peu à l’oreille comme « Afro-Américain » ou « Juif-Polonais ». Claudie Weill parle à ce sujet d’identité à trait d’union et évoque aussi des phénomènes de « dissimilation » dont on peut apercevoir certaines manifestations donnant lieu à des stigmatisations d’État supplémentaires.

Identité et conscience produisent un soi multiple et dévoilent un double assujettissement – sans oublier l’assujettissement de genre. Nous sommes dans la problématique de la co-imbrication des déterminants sociaux, de la « double conscience » qu’évoquait par W. E. B. Du Bois et qui est particulièrement riche du point de vue politique :

« C’est une sensation bizarre, cette conscience dédoublée. Chacun sent constamment sa double nature – un Américain, un Noir ; deux âmes, deux pensées, deux luttes irréconciliables ; deux idéaux en guerre dans un seul corps noir, que seul sa force inébranlable prévient de la déchirure. »

W. E. B. Du Bois continuait son propos en affirmant la chose suivante :

« Il faut rendre possible qu’un individu soit à la fois un Noir et un Américain, sans être maudit par ses semblables […], sans que les portes de l’Opportunité se ferment brutalement sur lui. »

Le marxiste trinidadien C. L. R. James indiquait en 1944 que le « nationalisme » du Noir américain lui permettait d’« acquérir la force et le respect de lui-même » et qu’il s’organisait en tant que Noir pour lutter pour son intégration en tant que Noir à la société américaine. Il ajoutait que leur prolétarisation massive et leur entrée tout aussi massive dans le mouvement syndical « multiracial », loin d’atténuer leurs aspirations démocratiques particulières les poussaient au contraire à s’affirmer plus puissamment encore en tant que minorité opprimée. Plus les Afro-Américains sont intégrés, écrivait-il, plus la conscience de leur oppression raciale est forte et plus fort sera leur ressentiment contre la situation qui leur est faite [7].

Plus près de nous, Enzo Traverso décrit la « liaison dialectique » entre le développement massif de la culture yiddish et les pogromes qui isolaient les Juifs élevant ainsi « une barrière contre leur assimilation » et développaient ainsi leur sentiment d’appartenance alors même qu’ils étaient jetés dans la modernité capitaliste [8]. Étienne Balibar évoque quant à lui le « racisme de classe ». La deuxième génération, dit-il, si elle prend le relais de la précédente, celle des travailleurs immigrés, développera – si elle n’est pas exclue du travail – une combativité sociale forte, combinant les revendications de classe et les revendications culturelles [9].

Regardons maintenant nos quartiers, nos villes, nos entreprises, nos services publics, nos écoles : diversité de populations, segmentations sociales ethnicisées, communautés non territorialisées, expression d’aspirations et revendications à la fois démocratiques et « nationalitaires » pour reprendre un terme en usage dans les années 1970. La France compte 5,5 millions d’étranger·es (hors Union européenne et hors originaires des DOM), près de 12 millions si on compte leurs descendant·es immédiat·es (le « stigmate de l’étranger » se transmettant comme par héritage). La France urbaine est à la fois « noire », « arabe[10] » et « blanche » – et toujours genrée cela va de soi – et sa classe travailleuse a toujours été « plurinationale » avec une distribution « ethnicisée » et sexuée des emplois et des revenus.

Les désordres impérialistes d’aujourd’hui (guerres et crises économiques, crise écologique avec ses réfugiés climatiques [11]) accélèrent les flux migratoires massifs, d’abord sur un axe Sud-Sud et de façon moindre Sud-Nord. Les identités nationales ou culturelles se déplacent avec les individus et doivent trouver de nouvelles modalités d’existence dans les nouveaux environnements d’accueil. La tragédie de la migration avive alors, sous de nouvelles formes, « le sentiment national ou l’appartenance culturelle d’origine », même si la conscience de chacune des diasporas s’entrelace plus ou moins rapidement avec la culture du pays d’accueil. Elles ne peuvent pas disparaître, même réprimées ou stigmatisées. Ces nouvelles configurations nationales (et de fait inter-nationales) exigent des réponses adaptées qui ne doivent pas ajouter au désespoir de l’éloignement contraint la mutilation culturelle, le renoncement de son soi originel. Ces mutations démographiques objectives exigent des sociétés d’accueil une capacité consciente et collective à les reconnaître et les accepter sous peine de voir se développer en leur sein un prurit nationaliste de rejet qui déstructura leurs fondamentaux démocratiques.

Dans les pays du Nord, les phénomènes migratoires sont des moments de prolétarisation (au sens de disponibilité pour l’entrée dans le salariat), d’urbanisation des migrant·es et des processus constitutif de groupes ethnoculturels, de « minorités », de « communautés nationales » au cœur même des métropoles capitalistes. La France a connu différentes vagues d’immigration. Notons ici qu’à la différence des vagues migratoires précédentes, polonaise, italienne, espagnole, juive, etc., l’immigration maghrébine et africaine ne peut être abordée hors du passé colonial et des luttes de décolonisation.

À ce stade, un petit retour à Karl Marx s’impose [12]. À propos des Irlandais émigrés et installés en Angleterre, il notait :

« Chaque centre industriel d’Angleterre possède maintenant une classe ouvrière divisée en deux camps hostiles : les prolétaires anglais et les prolétaires irlandais ; l’ouvrier anglais moyen déteste l’ouvrier irlandais en qui il voit un concurrent qui dégrade son niveau de vie ; par rapport à l’ouvrier irlandais, il se sent membre de la nation dominante et devient ainsi un instrument que les capitalistes de son pays utilisent contre l’Irlande ; ce faisant, il renforce donc leur domination sur lui-même ; il a des préjugés religieux, sociaux et nationaux contre les Irlandais ; l’Irlandais lui rend avec intérêt la monnaie de sa pièce et voit dans l’ouvrier anglais à la fois un complice et un instrument de la domination anglaise en Irlande. »

Après ces considérations, il ajoutait :

« [L’Internationale] doit s’attacher […] à éveiller dans la classe ouvrière anglaise la conscience que l’émancipation nationale de l’Irlande n’est pas pour elle une question abstraite de justice ou de sentiments humanitaires, mais la condition première de sa propre émancipation sociale. Lorsque les membres de l’Internationale appartenant à une nation conquérante demandent à ceux appartenant à une nation opprimée […] d’oublier leur situation et leur nationalité spécifiques, d’« effacer toutes les oppositions nationales », etc., ils ne font pas preuve d’internationalisme. Ils défendent tout simplement l’assujettissement des opprimés en tentant de justifier et de perpétuer la domination du conquérant sous le voile de l’internationalisme. »

Karl Marx parlait ici, non pas de l’indépendance de l’Irlande, il en parlait par ailleurs, mais du rapport entre les prolétaires anglais et irlandais en Angleterre même. Ce qui doit nous intéresser ici, c’est la méthode : 1) la classe ouvrière d’Angleterre est divisée en deux camps hostiles [donc il faut avancer des propositions politiques et sociales unifiantes] ; 2) L’internationalisme ne peut être une abstraction ni réduit à des bons sentiments ou à de la solidarité ; 3) Karl Marx soutient le droit des Irlandais à l’auto-organisation, à l’autodétermination. Il faut tenter de déduire de ces principes quelques éléments de réflexion pour l’action aujourd’hui afin d’avancer vers la construction d’un bloc social hégémonique.

Qu’entend-on par « droit à l’autodétermination » ? 1) le droit de séparation entre par exemple la Catalogne et l’Espagne ; 2) le droit de décider de son sort, de ses propres affaires – culturelles et linguistiques notamment ; 3) l’autogouvernement, l’autogestion des intéressé·es sur leurs « affaires » propres.

C’est ainsi qu’on peut comprendre le sens de l’aspiration au Black Power des années 1960 et 1970, des propositions politiques et organisationnelles formulées par Claude McKay au congrès de la 3e Internationale [13] et qu’exprimait Léon Trotsky en 1938 pour les Noirs aux États-Unis, ce que le Bund juif revendiquait alors que les populations juives étaient à la fois dispersés et concentrés dans les villes dans l’Empire russe. C’est ainsi qu’on peut comprendre ce que le pouvoir révolutionnaire a accordé à la minorité juive après Octobre, en appliquant – cela mérite d’être relevé – la politique que les bolcheviks avaient toujours critiquée et combattue, à savoir l’autonomie culturelle interne [14].

Otto Bauer formule ainsi sa théorie : 1) la nation est une réalité historique en perpétuelle mutation ; 2) les nations sont des communautés de culture et de destin ; 3) comprendre l’apparition des diverses formes des groupes sociaux à travers les mutations des forces productives et des rapports de production ; 4) chaque individu est inclus dans l’un de ces innombrables groupes sociaux ; 5) il faut constituer les groupes humains en « personnalités juridiques extraterritoriale » ; 6) c’est par autodésignation que l’on se déclare appartenir à tel ou tel groupe ; ce n’est évidemment personne, ni l’État ni les groupes, qui désignent qui appartient à quoi15. Otto Bauer s’oppose donc à l’idée, commune à son époque, d’un substantialisme de la nation, puisque celle-ci ne s’identifie ni à la langue ni à la communauté économique, ni au territoire, ni a fortiori à l’État. Il développe une conception d’auto-administration de ce qu’il appelle des « corporations nationale » en envisageant les cas où celles-ci occupent de manière homogène une ville ou un territoire et les cas où il en va différemment :

Les nations sont à constituer non en tant que corporations territoriales, mais en tant qu’associations de personnes. La répartition intérieure des nationalités devrait naturellement se faire d’après la densité de peuplement, les co-nationaux […] d’une circonscription formeraient une communauté nationale, c’est-à-dire une corporation de droit public et privé […]. Ce n’est pas à l’État de décider qui doit être allemand ou tchèque [mais c’est] à partir d’une libre déclaration de nationalité des citoyens.

Une telle proposition s’articule évidemment avec l’ensemble des processus citoyens « généraux » (locaux, régionaux, nationaux…), avec l’existence d’assemblées élues au suffrage universel articulées à des assemblées d’intérêts particuliers. La Hongrie révolutionnaire s’était ainsi dotée de structures ad hoc pour les Allemands et pour les Ukrainiens dans le cadre de la république fédérée des conseils dans une sorte d’autonomie très peu liée au territoire.

Mondialisation et migrations constituant des enchevêtrements de communautés, Daniel Bensaïd utilisait la métaphore de la mosaïque [16]. Il nous faut à la fois construire un cadre et composer le ciment qui permettent à cette mosaïque de ne pas être recouverte d’un goudron baptisé « universalisme » qui n’est, dans ce cas, que le masque du chauvinisme de la communauté majoritaire [17]. Jacques Bidet et Gérard Duménil soulignent la nature du défi : forger l’unité, l’alliance du « peuple-monde [qui] a désormais pris la forme bigarrée de classes populaires diversement situées dans le dispositif de la société capitaliste [18] ».

Dans certains pays, des droits sont reconnus à ces groupes nationalitaires : des droits linguistiques, culturels, démocratiques, parfois ils élisent même leurs propres députés. D’autres pays, comme la France, ne leur accordent que peu de droits collectifs, voire aucun, même si la République française n’interdit plus de cracher par terre et de parler breton. Est-il nécessaire de le dire, une telle politique est sous-tendue par le principe d’égalité et d’universalisme, mais une égalité qui se construise par des mesures politiques, sociales, économiques et culturelles qui s’attaquent aux racines de la discrimination et au racisme systémique (affirmative action [19]), mais un universalisme concret toujours en construction, et non pas le pseudo universalisme des dominants.

Pour « traiter » de la situation dans laquelle nous évoluons ce n’est donc pas à la « tradition française » qu’il faut faire appel, mais aux diverses traditions marxistes non polluées par le stalinisme ou le républicanisme hérité de la 3e République bourgeoise et coloniale. Le débat reste évidemment très ouvert sur toutes ces questions mais une chose est certaine, celles et ceux qui ont l’ambition de formuler et de tracer les voies de l’émancipation des travailleur·ses et des peuples doivent agir concrètement et programmatiquement dans le sens général de l’autodétermination en s’inspirant de quelques-unes des politiques rapidement évoquées ici.

Une république autogérée devrait sans aucun doute intégrer dans son édifice institutionnel les différentes chambres d’intérêts particuliers de manière notamment à ce que les « minorités » ne soient pas confinées en toutes choses à rester démocratiquement minoritaires.

« Mettre les contradictions au service des besoins pratiques », c’est ce à quoi nous invite Otto Bauer.

Didier Epsztajn, Patrick Le Tréhondat, Patrick Silberstein

Notes

1. Claudie Weill, L’Internationale et l’autre. Les relations inter-ethniques dans la 2e Internationale, Paris, Arcantères, 1987 ; Claudie Weill, Les Cosmopolites. Socialisme et judéité en Russie (1897-1917), Paris, Syllepse, 2004.

2. Né en 1881 à Vienne, Otto Bauer meurt en exil à Paris en 1938. En 1907, l’année où l’ouvrage paraît, le Parti socialiste autrichien obtient 87 sièges aux élections législatives et Otto Bauer entre au secrétariat d’un groupe parlementaire composé de députés de langues, de cultures et de nationalités différentes. Il rédige alors pour certains d’entre eux en allemand notes d’information et discours. Désigné comme rapporteur au congrès de la 2e Internationale qui aurait dû se tenir à Vienne en août 1914, il est mobilisé et fait prisonnier en novembre 1914. Interné en Sibérie, libéré après la Révolution russe, il rentre à Vienne. L’effondrement de l’empire des Habsbourg le porte au secrétariat d’État aux affaires étrangères de la minuscule Autriche de langue allemande. Devenu partisan du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, il se prononce pour un Anschluss pacifique de la nation allemande pour parachever la révolution de 1848 et qui donnerait naissance à un grand ensemble socialiste. Au sein de la Société des nations, la France de Clemenceau s’opposera avec force à l’« unification » allemande. Pour une évocation du parcours politique d’Otto Bauer, voir Yvon Bourdet, « Bauer, Otto », dans Jean Maitron et Georges Haupt (dir.), Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, t. 1, L’Autriche, Paris, Éditions ouvrières, 1971, p. 43-47 ; et Yvon Bourdet, Otto Bauer et la révolution, Paris, EDI, 1968.

3. Les termes « ethnie », « race », « ethnicité », « racial », etc. doivent ici être compris dans leur sens de rapport socio-politique, à savoir des constructions sociales et non des essences a-historiques

4. Cris Beauchemin, Christelle Hamel et Patrick Simon (dir.), Trajectoires et origines. Enquête sur la diversité des populations en France, Paris, INED, 2015.

5. Nous soulignons.

6. Michel Cahen, Ethnicité politique. Pour une lecture réaliste de l’identité, Paris, L’Harmattan, 1994.

7. Cris Beauchemin, Christelle Hamel et Patrick Simon observent les phénomènes suivants dans la France contemporaine où, écrivent-ils, « la diversité des origines de la population atteint un niveau sans précédent » : « Les trajectoires de réussite à l’école côtoient les sorties précoces du système scolaire, le niveau de qualification des immigrés augmente considérablement depuis trente ans, la concentration spatiale n’est pas nécessairement synonyme de relégation, et les représentations de repli communautaire ne correspondent pas aux observations de la croissante mixité des mondes sociaux dans lesquels évoluent les immigrés et leurs descendants », op. cit., p. 21.

8. Enzo Traverso, Les Marxistes et la question juive, Paris, Kimé, 1997.

9. Étienne Balibar et Immanuel Wallerstein, Race, nation, classe, Paris, La Découverte, 1997 ; Immanuel Wallerstein, « La construction des peuples : racisme, nationalisme, ethnicité », dans idem.

10. Nous employons volontairement la désignation « arabe » et non de « musulman·e » pour que la question religieuse, même si elle est connexe, ne nous éloigne pas du sujet principal.

11. 22 millions en 2013, ils seront 250 millions en 2050.

12. Sur la construction de la pensée de Marx sur la question nationale, voir Kevin Anderson, Marx aux antipodes, Paris, Syllepse, 2015 ; Karl Marx, Abraham Lincoln, Une Révolution inachevée. Sécession, guerre civile, esclavage et émancipation aux États-Unis, préface de Robin Blackburn, Québec/Paris, M Éditeur/Syllepse, 2012.

13. Internationale communiste, Manifestes, thèses et résolutions des quatre premiers congrès mondiaux de l’Internationale communiste (1919-1923), Paris, François Maspero, 1972.

14. Michael Löwy, « Le rêve naufragé », Critique communiste, n° 150, automne 1997.

15. Par parenthèse, aux États-Unis le recensement se fait par « groupe ethnique ». Chacun peu ou non déclarer appartenir à tel ou tel groupe : Noir, Latino, etc., voire déclarer n’appartenir à aucun groupe ou à plusieurs.

16. Daniel Bensaïd, « Métissages et mosaïques », postface à Alexis Nouss, Plaidoyer pour un monde métis, Paris, Textuel, 2005.

17. Saïd Bouamama, « Relativisme culturel et chauvinisme de l’universel : des dérives dangereuses », Les figures de la domination, n° 3, 2010. Léon Trotsky réclamait ainsi que les fonctionnaires soviétiques affectés en Ukraine apprennent l’ukrainien.

18. Jacques Bidet, Gérard Duménil, Altermarxisme. Un autre marxisme pour un autre monde, Paris, PUF, 2007.

19. Patrick Le Tréhondat, Patrick Silberstein, Vive la discrimination positive. Plaidoyer pour une République des égaux, Paris, Syllepse, 2004.

• Entre les lignes entre les mot. Publié le 1er mai 2017 avec l’aimable autorisation des Editions Syllepse :

Notes

[1] https://www.syllepse.net/lng_FR_sru...

[2] Disponible sur ESSF (article 59058), Introduction à la réédition de l’ouvrage d’Otto Bauer : La question des nationalités.


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