Réchauffement climatique « Les 150 000 feux en cours dans le monde ont des impacts sur l’atmosphère »

mardi 10 août 2021.
 

Grèce, Turquie, Amérique du Nord… Alors que les incendies ravagent plusieurs régions autour du globe cet été, les fumées ainsi dégagées détériorent la qualité de l’air et la santé de la population, prévient Toussaint Barboni, membre du CNRS et maître de conférence à l’Université de Corse sur les feux de forêts.

Propulsés par une intense vague de chaleur, les feux de forêt gagnent le pourtour méditerranéen. Selon les données du service de surveillance de l’atmosphère Copernicus, les « émissions et l’intensité des incendies de forêt augmentent rapidement ». Dans un communiqué, le centre européen dit avoir relevé des « valeurs élevées » de concentrations de particules fines « en Turquie et dans la région de la Méditerranée orientale ». Au même moment, les fumées provenant des incendies en Sibérie se déplacent vers l’Amérique du Nord, territoire déjà parcouru par les flammes.

Toussaint Barboni, membre du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et maître de conférences à l’Université de Corse sur les feux de forêts, spécialisé dans leur caractérisation chimique, explique quelles peuvent être les conséquences des fumées pour la santé des êtres humains et de la planète.

Les fumées issues de feux de forêts, tels que ceux en cours en Méditerranée, en Sibérie ou en Amérique, sont-elles préoccupantes  ?

Oui, c’est un sujet grandissant. La fréquence des feux et leur puissance augmentent avec le changement climatique. Actuellement, 150 000 feux sont en cours dans le monde. Ils ont des impacts sur l’atmosphère, notamment en Afrique du Sud, sur les Etats-Unis et en Europe. Leur saisonnalité change aussi puisqu’il y en a désormais même l’hiver. Ils gagnent également le nord du globe. Or ces régions ne sont pas habituées aux feux et ont des pompiers moins bien préparés à ce risque. Il est important que les pays d’Europe se coordonnent à ce sujet. On parle aussi maintenant de « méga feux », quand ils sont hors normes, hors contrôle, avec une grande puissance. Cela est lié aux conditions météo de plus en plus favorables  : un temps sec et chaud avec parfois du vent.

Que dégage précisément un gros incendie de forêt  ?

Un grand nombre de composés chimiques sont émis. D’abord des gaz à effet de serre : principalement du CO2, du méthane, des NOx (oxydes d’azote). Ce dernier est toxique pour l’homme, comme les composés organiques volatiles (COV) également libérés. Enfin, les incendies dégagent des aérosols : des suies sont des particules extrafines, généralement inférieures à un micron (PM 1 à PM 0,1) et des goudrons autour de 2,5 microns (PM 2,5), dont certains composés chimiques sont eux aussi connus pour être toxiques comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP).

Aux Etats-Unis, la fumée dégagée par les grands incendies représenterait 25 % de la pollution dangereuse de l’air selon une étude publiée en début d’année. Quels peuvent être les effets sur la santé de la population et des pompiers mobilisés ?

Au Canada, une étude a démontré qu’il y avait bien des effets sur les risques de maladies cardiovasculaires. De 600 à 2 000 décès prématurés seraient liés aux particules fines provenant des feux de forêts, qui dégradent la qualité de l’air. Le sujet des conséquences des feux est davantage tabou pour les pompiers. Les gaz toxiques ont plutôt un effet aigu, à très court terme et provoquent des irritations des yeux par exemple. Les particules ont, elles, un effet chronique sur l’organisme. On peut potentiellement développer des maladies telles que des cancers.

Lors de grands feux, les seuils d’alerte de présence des particules fines dans l’air sont souvent dépassés. Généralement on retrouve trois catégories de particules fines quand on mesure la qualité de l’air. Les PM 10 [particules dont le diamètre est inférieur à 10 micromètres, ndlr], les PM 2,5 et les PM 1. Les deux dernières, présentes dans les fumées des feux de forêts, sont si petites qu’elles entrent forcément dans l’organisme. Plus c’est fin et plus ça va pénétrer les alvéoles des poumons et s’infiltrer jusque dans le sang et différents organes.


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