Émancipation sociale et école publique

mardi 10 août 2021.
 

Par Claude Lelièvre

Elle a osé ! L’historienne Laurence De Cock a mis au centre de son dernier livre la problématique de « l’émancipation sociale », une vieille lune pour certains d’autant que les « néolibéraux » se sont efforcés de détourner le sens du beau terme d’ « émancipation » en « libre entreprise de soi ».

C’est en toute conscience que Laurence De Cock a relevé ce défi, comme on peut le voir dès son introduction : « Puisque celles et ceux qui œuvrent pour un projet égalitaire de transformation sociale semblent aujourd’hui cantonnés à une position défensive, peut-être est-ce le bon moment de se compter, de reprendre la main et de revitaliser le principe d’une école publique, de masse, au service de l’émancipation sociale. Comme nombre de mots galvaudés, celui d’émancipation est aujourd’hui récupéré jusque chez les néolibéraux. L’émancipation devient alors la libre entreprise de soi, à la manière d’un entrepreneuriat permettant de sortir de sa condition sociale par l’effort et le mérite […]. Rien d’étonnant à ce que le ministre de l’Education du gouvernement d’Emmanuel Macron soit le premier promoteur de cette redéfinition.[...]. Une véritable émancipation ne s’en tient pas à cette définition réductrice[...] . L’émancipation sociale, comme individuelle, fait le pari de l’utilité du collectif, non comme cadre d’émulation par la concurrence, mais pour construire une coopération guidée par l’impératif de justice sociale et donc au service de celles et ceux qui en ont le plus besoin »

Après deux chapitres consacrés à faire l’analyse au vitriol des réformes éducatives de ces dernières années, Laurence De Cock en vient à ce qui est la nouveauté essentielle de son projet : revisiter à sa façon l’histoire de l’Ecole de façon à s’appuyer sur certains de ses repères « émancipateurs’ » (notamment la « Révolution française », « Jean Zay », le « Plan Langevin Wallon », et surtout « l’Education nouvelle ») de façon à ce que cet historique en profondeur puisse mettre en perspective ses propositions (car elle a le mérite d’en faire) : « Pour un service public de la maternelle à l’université » ; « l’Ecole comme antichambre de la vie en société ? » ; « Dans l’école on travaille et on apprend » ; « L’Ecole comme un espace laïque et universel » ; « Des programmes pour penser » ; « Pédagogie et émancipation ».

Les intitulés de ces propositions peuvent être tout à fait évocateurs ou quelque peu énigmatiques selon que l’on est initié ou non à tel ou tel champ de référence ou domaine historique. Elles ont en tout cas le mérite d’ouvrir la discussion en vue de perspectives d’avenir en ne se cantonnant pas à des diatribes défensives et en assumant une ligne clairement définie.

« Ecole publique et émancipation sociale », aux éditions Agone-Contrefeux, 215 pages, 16 euros.


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