La décroissance : un concept en forte croissance.

lundi 16 janvier 2023.
 

La crise climatique et la globalisation de la production et des échanges, la raréfaction des ressources avec leurs conséquences néfastes ont provoqué un regain d’intérêt pour la notion de décroissance.

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La décroissance : d’où vient ce concept politique qui fait débat à la primaire écologiste ?

Deux candidates à la primaire écologiste, Delphine Batho et Sandrine Rousseau, présentent la décroissance comme une solution à la crise climatique.

Source : Le Monde. Les décodeurs https://www.lemonde.fr/les-decodeur...[default]-[android]

Par Maxime Ferrer

Le mot n’apparaît nulle part dans le « projet 2022 », document de quatre-vingts pages esquissant le programme d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) pour la prochaine élection présidentielle. Pourtant, deux candidates à la primaire écologiste, Delphine Batho et Sandrine Rousseau, ont évoqué la décroissance comme solution à la crise climatique. Alors que Yannick Jadot préfère prôner une « croissance verte » et qu’Eric Piolle se déclare « ni pour ni contre la croissance », ce concept politique et philosophique, davantage qu’économique, devrait alimenter les débats entre les candidats.

Contre la croissance comme indicateur de bien-être

C’est dans les années 1970 qu’émerge le concept de décroissance. Le terme n’est pas pris dans son sens littéral (« état de ce qui décroît », c’est-à-dire qui diminue). Il s’agit plutôt de s’opposer à la croissance économique, en tant que but à suivre ou indicateur de bien-être.

Son origine est attribuée au rapport Meadows, publié en 1972 par le Club de Rome, un groupe de réflexion international. Intitulé The Limits to Growth (traduit en français sous le titre Halte à la croissance ?), ce document prédit l’effondrement inéluctable d’une civilisation dont la population, l’activité économique et les impacts sur l’environnement seraient en perpétuelle croissance.

« La croissance exponentielle de la population et du capital [sera] inévitablement suivie d’un effondrement [si] nous ne supposons aucun changement au système actuel »

Les auteurs du rapport ont créé un modèle simulant l’évolution à long terme de cinq indicateurs (population, alimentation, production industrielle, ressources naturelles non renouvelables, pollution). Ils montrent ensuite que « le comportement de base du système mondial est la croissance exponentielle de la population et du capital », qui sera inévitablement « suivi d’un effondrement » si « nous ne supposons aucun changement au système actuel, même si nous faisons l’hypothèse de nombreux progrès technologiques ». En clair, la finitude de la Terre – où les ressources naturelles, surfaces habitables ou agricoles sont limitées – empêchera à long terme de profiter d’une croissance permanente de la population, de l’économie ou de l’exploitation de ces ressources.

Les auteurs préconisent alors, pour les pays riches, de mettre un frein à la croissance pour atteindre un équilibre global et stable. Les pays en développement, eux, devraient poursuivre leur croissance pour couvrir leurs besoins essentiels jusqu’à atteindre aussi un niveau d’équilibre.

Le rapport Meadows a connu un certain retentissement lors de sa sortie avant de sombrer dans l’oubli avec l’avènement des crises pétrolières et la récession économique au tournant des années 1980, qui ont temporairement mis à mal les prédictions du modèle.

Il est toutefois revenu sur le devant de la scène dans la période récente, à la faveur notamment des conclusions alarmantes sur le réchauffement climatique des rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et des recommandations de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) sur l’abandon des énergies fossiles.

S’agit-il d’une théorie économique ?

Si, en économie, la décroissance ne constitue pas un corpus théorique en tant que tel, plusieurs auteurs ont réfléchi aux limites de la croissance, comme l’a rappelé l’économiste Jean-Marie Harribey dans un article paru en 2007 dans les Cahiers français.

Dès le début du XIXe siècle, l’économiste classique David Ricardo écrit que « le capitalisme est condamné à l’état stationnaire », alors que pour Thomas Robert Malthus la croissance économique à long terme est « condamnée ». Les deux auteurs déplorent le fait qu’une croissance linéaire de la production alimentaire ne puisse suivre la cadence de la croissance exponentielle de la population.

En 1848, John Stuart Mill est le premier à se réjouir d’une telle perspective :

« J’espère sincèrement pour la postérité qu’elle se contentera de l’état stationnaire longtemps avant d’y être forcée par la nécessité. »

Dissocier le progrès humain de la croissance économique, empêcher le développement illimité de l’agriculture et diminuer le temps de travail

Le penseur libéral estime qu’il faut dissocier le progrès humain de la croissance économique, empêcher le développement illimité de l’agriculture et diminuer le temps de travail dans l’industrie. L’idée de réduire le temps de travail (une des formes possibles de la décroissance) est ensuite reprise à gauche par John Maynard Keynes. En 1930, le célèbre économiste pronostique la semaine de quinze heures de travail dans Perspectives économiques pour nos petits-enfants.

Avant même le rapport Meadows, le mathématicien et économiste d’origine roumaine Nicholas Georgescu-Roegen a été le premier à faire le lien entre l’activité économique et les limites physiques de la planète. Dans les années 1960, il élabore une théorie qui applique à l’économie les lois de la thermodynamique et montre que « l’entropie d’un système clos augmente continuellement (et irrévocablement) vers un maximum ; c’est-à-dire que l’énergie utilisable est continuellement transformée en énergie inutilisable jusqu’à ce qu’elle disparaisse complètement ». Toutefois, Roegen ne s’est jamais prononcé en faveur de la décroissance.

La décroissance est-elle de gauche ou de droite ?

Dans les années 1970, le philosophe norvégien Arne Naess développe la notion d’écologie profonde (deep ecology). Son projet : décroître pour réduire l’impact de l’activité humaine sur l’environnement. Ce mouvement, qui ne se revendique d’aucun parti politique, continue aujourd’hui à mobiliser des adeptes partout dans le monde.

Politiquement, en France, c’est à gauche que le concept s’est largement répandu. Comme l’expliquait au Monde en 2018 l’économiste Serge Latouche, spécialiste de la décroissance :

« Fondée sur une critique de la société de consommation et du libéralisme, [la décroissance] est par essence de gauche et d’inspiration socialiste, mais en y ajoutant la dimension écologique. »

La mouvance décroissante à gauche, née à la fin des années 1990, n’est plus aujourd’hui un mouvement politique à proprement parler. Y compris parmi les écologistes, où le mot « décroissance » suscite des déclarations alambiquées. Invité de la matinale de France Inter en juillet 2021, M. Piolle, candidat à la primaire d’EELV, renvoyait « croissancistes » et « décroissancistes » dos-à-dos :

« La croissance est devenue une religion. Je ne suis ni pour ni contre : je n’y crois pas. »

Dans la rhétorique écologiste, le terme est donc souvent abandonné. On lui préfère souvent celui de « sobriété », qui permet de cibler des secteurs dont il faut réduire l’activité (« sobriété énergétique », « sobriété numérique »…).

On trouve aussi la mouvance de l’écofascisme, qui se fonde sur un discours écologiste et décroissant

Des mouvances plus conservatrices se sont aussi emparées de la décroissance. En particulier l’extrême droite et ses mouvements survivalistes portés sur l’effondrement du capitalisme. On trouve aussi la mouvance de l’écofascisme, qui se fonde sur un discours écologiste et décroissant et qui conçoit les « populations comme des groupes ethniques essentialisés se partageant des territoires qui leur seraient propres », selon Stéphane François, historien des idées au Groupe sociétés, religions, laïcités (Ecole pratique des hautes études-CNRS-université PSL).

Sans affiliation partisane, l’ingénieur Jean-Marc Jancovici est devenu ces dernières années un des principaux porte-voix de la décroissance en France. Sa conférence « CO2 ou PIB », donnée à Sciences Po Paris en 2019, a atteint 1,7 million de vues sur Internet. Il est aussi l’un des fondateurs du Shift Project, un think tank qui espère peser dans le débat de l’élection présidentielle avec son plan de transformation de l’économie française fondé sur la sobriété et la décroissance.

[Tout de même cet ingénieur est un fervent partisans du nucléaire et sous-estime les solutions pouvant être apporté par les énergies renouvelables]

Pour un retour à l’âge de pierre ?

C’est la principale critique adressée à la décroissance : s’opposer à la croissance revient à s’opposer au développement humain. Argument balayé par ceux qui préfèrent se nommer « objecteurs de croissance », emmenés par le politologue Paul Ariès. Dans le texte « Leur récession n’est pas notre décroissance », publié en pleine crise financière de 2008, il affirme :

« La décroissance, ce n’est pas faire la même chose en moins, même en beaucoup moins, c’est faire tout autre chose, c’est renouer avec une utopie concrète. (…) Ce n’est donc pas en apprenant à se serrer la ceinture qu’on résoudra à la fois la crise sociale et environnementale, mais en redevenant des usagers maîtres de leurs usages. »

Les décroissants s’opposent aux travers de la société de consommation : le gaspillage des ressources naturelles et l’impact de l’activité humaine sur l’environnement. « La décroissance n’est pas la croissance négative, expression antinomique et absurde qui voudrait dire à la lettre : “avancer en reculant” », écrivait Serge Latouche, l’un de ses principaux penseurs français, dans Le Monde diplomatique en 2003.

Des pistes pour vivre mieux avec moins

Parmi les pistes évoquées pour vivre mieux avec moins : limiter le transport des humains et des marchandises, lutter contre l’obsolescence des objets qui alimente la surconsommation, remettre en question l’utilité de certains secteurs d’activité, comme la publicité… Ces idées résonnent avec le « projet 2022 » des écologistes, qui propose de « remettre la publicité commerciale à sa place » en réduisant la part qui lui est consacrée dans l’espace public, de « décarboner les transports » en supprimant les avantages fiscaux sur le carburant des avions ou des camions de marchandise. Autant de mesures déjà préconisées l’an dernier par les 150 citoyens tirés au sort de la convention pour le climat, qui n’ont été reprises que partiellement par le gouvernement.

Lire : Que sont devenues les propositions de la convention pour le climat, qu’Emmanuel Macron s’était engagé à reprendre « sans filtre » ? Il est à peu près certain qu’un « programme décroissant », s’il devait être appliqué strictement, dans un seul pays, et du jour au lendemain, conduirait à une contraction du produit intérieur brut (PIB) – l’instrument de mesure de la richesse le plus répandu. Mais l’objectif assumé des décroissants, volontiers critiques à l’égard de cet indicateur, est de sortir du capitalisme et de trouver une autre voie pour assurer le progrès humain, en particulier dans les mécanismes de redistribution des richesses et de solidarité sociale.

Comme le résume Paul Ariès, « le capitalisme est un régime d’accumulation qui fonctionne un peu à l’image d’une bicyclette (…), c’est-à-dire que, s’il cesse d’avancer, le système tombe. Le système capitaliste est, parmi tous les systèmes économiques, celui qui a le plus besoin pour fonctionner de produire et de consommer toujours plus, alors que les humains ont besoin pour vivre de savoir se limiter. »

Maxime Ferrer

Une conférence organisée par LFI

Cette conférence s’est déroulée lors des AMFiS 2019 avec :

Vincent Liegey (ingénieur et essayiste)

Martine Billard (équipe Planification écologique)

Julien Armijo (chercheur, consultant en hydrogène renouvelable)

https://lafranceinsoumise.fr/2019/0...

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La décroissance : une utopie au présent.

Source : Cairn info. Revue Mouvement

https://www.cairn.info/revue-mouvem...

Article Décroissance dans Wikipédia

https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%...

Article : Décroissance dans wiki libre

https://fr.wikibooks.org/wiki/D%C3%...

Article : La décroissance (revue) dans Wikipédia

https://fr.wikipedia.org/wiki/La_D%...

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HD


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