VIH/Sida : un gouvernement insoumis mettrait fin à l’épidémie

samedi 4 décembre 2021.
 

Le 1er décembre est la journée mondiale de lutte contre le SIDA. Elle a été créée en 1988 par l’Organisation Mondiale de la Santé, alors que l’épidémie est avérée depuis 1981, aujourd’hui plus de 40 ans. En 2020, dans le monde, 1,5 millions de personnes ont été infectées par le VIH, 37,7 millions vivent avec le virus, et 680 000 sont décédées des suites de l’infection. Au total, 36,3 millions sont décédées depuis le début de l’épidémie, l’équivalent de la population du Canada. Plus de la moitié des personnes vivant avec le VIH dans le monde sont des femmes et des filles.

Le VIH (virus de l’immunodéficience humaine) est le virus à l’origine du SIDA. Il s’attaque au système immunitaire. Le dernier stade de l’infection constitue le stade SIDA (syndrome d’immunodéficience acquise) : les maladies qui découlent de la destruction du système immunitaire peuvent mener à la mort. Aucun vaccin n’existe à ce jour, et aucun traitement ne permet la guérison, à savoir l’élimination du virus dans l’organisme. Le VIH se transmet de trois manières : la voie sexuelle, la plus courante ; la voix sanguine (seringues contaminées, transfusions…) ; et de la mère à l’enfant, pendant la grossesse ou l’allaitement.

Mettre fin à l’épidémie, c’est possible

La situation actuelle relève du paradoxe : malgré l’absence de vaccin, les moyens techniques pour mettre fin à l’épidémie existent. La recherche sur les traitements et les médicaments a progressé à un point historique. Des traitements existent aujourd’hui, capables d’empêcher que des personnes contaminées par le VIH puisse le transmettre. D’autres traitements, préventifs, permettent d’empêcher d’être soi-même contaminé.

La PrEP, un traitement préventif associé à un protocole de dépistage régulier, permet aux personnes qui n’ont pas le VIH d’éviter d’être contaminés. C’est un simple médicament, pris de façon quotidienne, ou même à la demande dans certaines situations. Elle s’adresse prioritairement aux populations particulièrement exposées. À San Francisco, le nombre de nouveaux cas a baissé de 49 % entre l’introduction de la PrEP en 2012 et 2016.

D’autre part, les traitements modernes pour les personnes atteintes du VIH, s’ils n’éliminent pas le virus, permettent de maintenir la charge virale à un niveau quasi indétectable. Or, une personne séropositive qui a une charge virale indétectable grâce à son traitement peut avoir des relations sexuelles sans risque de transmettre le VIH. C’est le « Indétectable = intransmissible », nouveau slogan de prévention depuis quelques années, grâce à trois grandes études menées entre 2007 et 2016 sur des milliers de couples.

Une personne atteinte du VIH, mais dépistée et traitée correctement n’est donc plus contaminante. Dès lors, il y a un enjeu à ce que toutes les personnes séropositives le sachent et soient traitées. En France aujourd’hui, seuls 25 % des dépistages sont « précoces », c’est-à-dire ont lieu avant que les personnes contaminées aient pu contaminer d’autres personnes.

C’est l’absence de stratégie politique qui fait perdurer l’épidémie. Selon les modèles épidémiques de l’ONUSIDA, si l’on dépiste et soigne suffisamment avec les techniques actuelles, les taux de contamination deviennent si bas que l’épidémie disparaît. C’est l’objectif du 90-90-90 : 90% des personnes séropositives doivent le savoir, 90% de celles-ci doivent suivre un traitement, et 90% de ces dernières doivent avoir une charge virale indétectable. Pour un pays et une économie comme la France, ces chiffres sont à notre portée. Un gouvernement insoumis aurait pour objectif de mettre fin à l’épidémie en quelques années.

Une épidémie inégalitaire, un objectif d’intérêt général

L’épidémie de VIH/SIDA est inégalitaire. Elle touche principalement les personnes les plus précaires et les plus éloignées du système de santé. Les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, les migrantes et migrants (qui se contaminent majoritairement après leur entrée sur le territoire Français), les travailleuses et travailleurs du sexe, les usagères et usagers de drogues ou les femmes transgenres constituent les populations clés de l’épidémie. Ces populations sont pour la plupart victimes de politiques répressives qui empêchent la prévention : on ne met ainsi pas en place les stratégies spécifiques pour les atteindre, et elles sont exclues des politiques publiques généralistes. Si le VIH/SIDA perdure encore aujourd’hui, c’est parce qu’on accepte que ces populations discriminées en soient victimes.

L’histoire de la lutte contre le SIDA doit beaucoup au militantisme des personnes concernées par l’épidémie, qui ont été en première ligne : des associations comme Act Up-Paris, fondée en 1989, ou AIDES fondée en 1984 par Daniel Defert à la mort de son compagnon Foucault, ont été pionnières de nombreuses luttes encore actuelles. La lutte contre le SIDA est ainsi depuis longtemps une lutte face aux laboratoires pharmaceutiques pour l’accès aux traitements (on se souvient, en 1996, des tirages au sort pour accéder aux premières trithérapies), pour la transparence sur les données cliniques et l’information scientifique, notamment sur les effets secondaires, contre les pénuries régulières et les prix excessif des traitements. Le développement d’approches centrées sur l’expérience des patients, et avec leur participation active aux protocoles de soin, a enseigné au monde de la santé de nouvelles pratiques.

Néanmoins, le VIH concerne tout le monde : quand bien même le reste de la population est moins touché, des générations entières ont vu leurs modes de vie bouleversés par cette épidémie. Le VIH est donc un sujet d’intérêt général. Il soulève les enjeux universels de démocratie sanitaire, de souveraineté économique et scientifique, de recherche, de lutte contre les inégalités territoriales d’accès aux soins, d’autonomie, et tout simplement de bien-vivre. La question du SIDA croise des sujets politiques multiples de vieillesse, de migrations, de handicap, d’éducation sexuelle et de lutte contre toutes les discriminations. Mais la solution pour mettre fin à l’épidémie est là, elle est accessible, alors pourquoi la France n’a-t-elle toujours pas atteint ces objectifs sur l’entièreté de son territoire ?

Par Jill Maud Royer.


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