« Royal est la première responsable de la défaite, mais pas la seule » (Marie Noelle Lienemann)

vendredi 12 octobre 2007.
 

Votre ouvrage est titré « Au revoir Royal ». Que voulez-vous dire ?

Je crois utile que le PS tourne définitivement une page et achève le cycle des défaites successives. La candidature de Ségolène Royal a été le dernier avatar de dérives bien plus anciennes qui ont écarté la gauche des couches populaires de ses fondamentaux politiques. Le sous-titre de mon livre d’entretiens est révélateur : "Comment la gauche en est arrivée là, pourquoi il ne faut pas désespérer".

Allègre, Jospin, puis vous : Ségolène Royal est vraiment le bouc-émissaire de la rentrée. Est-elle la principale responsable de l’échec du PS aux dernières élections ?

A l’évidence, elle est la première responsable, mais elle n’est pas la seule. Mon livre se distingue de celui d’Allègre et de Jospin car il cherche les raisons profondes de l’échec et surtout à expliquer comment le PS a pu désigner Ségolène Royal. J’avais été déjà très sévère sur Jospin en 2002, car le PS avait renoncé à assumer une identité de gauche, refusait de voir des problèmes majeurs comme l’insécurité ou la crise des banlieues, et n’assumait pas suffisamment le projet républicain de la France. Mais la candidate en a rajouté dans les insuffisances et erreurs alors que la gauche pouvait gagner.

« Mon livre se distingue de celui d’Allègre et de Jospin car il cherche les raisons profondes de l’échec »

Comment cette femme, accusée aujourd’hui par tous les cadres du PS d’être incompétente, a pu être désignée candidate du PS ?

Pour moi, le pire se trouve là. Il y a eu un emballement médiatique. Il fallait du neuf, car l’insatisfaction sur les leaders de la gauche demeurait, depuis 2002, et le changement de cap politique était insuffisamment lisible. Il fallait donc changer de casting !

Ensuite, tous les médias qui avaient milité (et c’est rien de le dire) pour le Non, sur le traité européen, voulaient prendre leur revanche en soutenant un candidat du Oui. Ils jouaient la carte d’une gauche "européaniste" contre la gauche du Non. Ségolène Royal, admiratrice de Blair, collait à cette ligne. Du coup, les sondages ont grimpé pour elle, elle pouvait battre Sarkozy. Les militants, surtout avec l’afflux des nouveaux adhérents qui venaient détruire « le vieux PS », se sont égarés. Ce fut d’autant plus possible que le PS avait déjà perdu beaucoup de ses repères d’où l’urgence de le reconstruire et avec lui la gauche unie.

« Le PS est délabré, en état d’implosion, sans pilote dans l’avion »

Pourquoi a-t-on qualifié cette élection « d’imperdable », comme si tout était décidé d’avance, avant même le début de la campagne présidentielle ?

Rien n’est jamais décidé d’avance. Mais les conditions politiques permettaient raisonnablement d’espérer la victoire de la gauche. Les élections régionales, cantonales et européennes, le Non au référendum européen, les préoccupations prioritaires des Français étaient économiques et sociales (pouvoir d’achat, salaire, santé, logement). Or ce sont des terrains privilégiés pour la gauche.

Les mouvements sociaux, la mobilisation de la jeunesse devaient être des points d’appui. Il y avait une attente de rupture, et donc de changement de majorité. Fallait-il encore que la candidate socialiste donne corps et contenu à une alternative crédible de la gauche, ce qu’elle a refusé de faire laissant le champ libre à Sarkozy. Erreur fatale, mais évitable !

« Les autres partis de gauche vont mal aussi »

Comment décririez-vous l’état du PS actuellement ?

Délabré, en état d’implosion, sans pilote dans l’avion et sans réelle dynamique collective. Mais c’est encore au PS que se trouvent les énergies mobilisables majoritaires à gauche. Les autres partis vont mal aussi. Ma thèse est que la gauche ne se réveillera qu’en ouvrant une nouvelle dynamique unitaire avec la perspective d’un congrès de l’unité pour créer un nouveau parti réunissant toutes les forces de gauche sans sous-estimer quiconque. Les étapes seront peut-être longues, mais là est le cap d’avenir. Pour démarrer, il faut redéfinir l’identité contemporaine de la gauche et travailler ensemble à une chartre de l’unité de la gauche.

« La gauche n’a jamais gagné que rassemblée »

Selon vous, quel est l’avenir de François Hollande après le congrès du PS décidé pour après les municipales ?

A mon avis son avenir est plus qu’incertain, d’autant que dans cette phase qui aurait dû être celle du sursaut et du travail collectif, il continue, comme avant, à jouer la montre. Ce n’est pas ainsi qu’on s’impose comme un grand leader.

On parle souvent de la nécessité de constituer une alliance plus large à gauche : mais pour aller vers qui ?

Première évidence, il faut tordre le cou à la tentation d’une alliance au centre et d’accords avec l’Ovni politique qu’est le Modem. Ce genre de dérives a toujours amené bien des déconvenues et des reniements. La gauche n’a jamais gagné que rassemblée. Mais il nous faut inventer une nouvelle dynamique unitaire qui dépasse tous les partis actuels de la gauche et des Verts, car ils vont tous mal. Le cycle de l’union de la gauche avec des alliances électorales, sur de vagues accords programmatiques, est à bout de souffle.

« C’est d’un dépassement des partis existants dans un nouveau parti de la gauche unie que viendra le renouveau »

Je plaide pour la réalisation d’un grand congrès de l’unité de la gauche où toutes les organisations de gauche, partis, mouvements et clubs se réuniraient pour créer une nouvelle organisation, comme cela fut le cas en 1905 avec le congrès du Globe. Ce cap stratégique ne sera pas atteint du jour au lendemain, il faut des étapes. La première serait de réaliser une charte de l’unité en donnant de la force aux fondamentaux de la gauche, en définissant les bases d’une alternative au système capitaliste financier transnational et à l’ultra libéralisme. Mais surtout ne nous laissons pas piéger par des calculs d’apothicaires. Si le PC est faible, son poids politique et culturel va au-delà de son chiffre électoral et puis il est une masse de militants syndicaux associatifs ou de citoyens mobilisés qui ne se sentent ni représentés, ni attirés par les partis existants.

Aussi, c’est d’un dépassement des partis existants dans un nouveau parti de la gauche unie que viendra le renouveau. Sur le fond aussi, car le PS n’est plus aujourd’hui au centre de gravité de la gauche et ce problème est majeur.


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