22 octobre 1941 Je lirai la lettre de Huynh Khong An ( par Alain Ruscio, historien)

dimanche 23 octobre 2011.
 

Je ne lirai pas la lettre de Guy Moquet à mes éléves, puisque j’ai quitté l’enseignement il y a bien des années. Mais oui,je lirai la lettre de Huynh Khong An,un patriote vietnamien, un communiste français et vietnamien. A mes proches,à mes amis...

Huynh comment ? Peu de français,peu d’historiens,peu de ses camarades de Parti connaissent son nom.

Il a pourtant avec Guy Môquet deux points,au moins,en commun :il était communiste et il a été fusillé comme otage,le 22 octobre 1941.Il était,par rapport au jeune Guy,un vieux.Pensez donc,il avait vingt-neuf ans.

Né à Saïgon ,dans ce Vietnam que les colonialistes s’obstinaient alors à appeler Indochine,il était venu en France,à Lyon, pour y pousuivre des études. Qu’il réussit brillament,au point de devenir professeur stagiaire de français. Non sans s’investir à fond dans la vie politique française.

Membre du PCF,secrétaire des étudiants communistes de la région lyonnaise,il milite beaucoup, en particulier au sein des Amis de l’Union Soviétique aux côtés de son amie et compagne Germaine Barjon.

En 1939,aprés l’interdiction du PCF,il participe à la vie clandestine de son parti. Nommé au lycée de Versailles,c’est là qu’il est arrêté(les sources divergenges :en mars ou en juin 41),puis envoyé à Chateaubriant.La suite,terrible,est connue.

VOICI SA LETTRE :

"Sois courageuse ma chérie.C’est sans doute la derniére fois que je t’écris. Aujourd’hui,j’aurai vécu.Nous sommes enfermés provisoirement dans une baraque non habitée,une vingtaine de camarades,prêts à mourir avec courage et dignité.Tu n’auras pas honte de moi.

Il te faudra beaucoup de courage pour vivre,plus qu’il n’en faut à moi pour mourrir.Mais il te faut absolument vivre.Car il y a notre chéri,notre petit,que tu embrasseras bien fort quand tu le reverras.Il te faudras vivre de mon souvenir,des cinq années de bonheur que nous avons vécues ensemble.

Adieu ma chérie."

Il y a,à Paris,au Pére Lachaise,un monument érigé aux martyrs de Chateaubriant.Sous le nom de Huyng Khong An,une simple mention,d’ailleurs anachronique :Annamite.

Je livre cette courte évocation à la réflexion.Et si la présence d’un immigré,d’un colonisé,aux côtés de martyrs français,était un clin d’oeil de l’histoire ?Et si elle prenait valeur de symbole ?le régime de Vichy qui a livré les otages ou les nazis qui les ont fusillés ont trés certainement considéré avec mépris cet étranger venu se mêler aux terroristes.

Lui ont-ils demandé de prouver,par son ADN,le droit de mourir mourrir pour la France ?

Je ne suis pas partisan du boycott de la lecture de la lettre de Guy Môquet. Mais lisons également,comme en écho,comme en réponse à la réponse à la xénophobie qui(re)pointe son mufle,celle de Huyng Khong An,un étranger et notre frére pourtant.

Alain Ruscio, historien.


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