Rome antique... comment finissent les régimes sociaux ? Partie I La république (par Isaac JOHSUA)

jeudi 18 octobre 2012.
 

Une introduction en forme d’avertissement

Fin de partie [1] ou comment finissent les régimes sociaux ? Voilà une question que je me pose depuis longtemps, et je ne suis pas le seul. J’ai eu envie de me pencher sur la question, de façon plus explicite et plus détaillée. Pour éclairer ma lanterne, en quelque sorte, et sans prétendre en aucune façon faire œuvre académique. L’exemple type dans ce domaine est celui de l’Empire romain. C’est le thème que j’avais l’intention d’aborder, et pour cela il fallait, logiquement, débuter par l’histoire de la République romaine.

Il ne s’agit que d’un ensemble de réflexions suscitées par mes lectures sur le sujet, réflexions cependant toujours habitées par la même interrogation : quelles leçons pouvons-nous tirer du passé ? Je suis économiste et non historien. Je dois donc de plates excuses aux historiens, qui pourront juger que je m’aventure sur un terrain qui n’est pas le mien, et des excuses encore plus plates aux historiens de l’Antiquité. A ma décharge je dirais que faire tomber les murailles qui, dans le cursus universitaire, séparent les disciplines peut être quelque chose de fructueux et qu’on peut toujours gagner à un regard venu d’ailleurs. Cela va de soi, je ne prétends pas faire œuvre d’historien, ou même de commentateur de l’œuvre des historiens. Simplement, je suis un partisan de la cause révolutionnaire et, en tant que tel, je suis légitimement fondé à m’interroger sur les conditions dans lesquelles meurent les régimes anciens et naissent les nouveaux. J’ajouterais que le résultat de cette méditation sur des faits historiques pourra peut-être alimenter le débat d’aujourd’hui. Et que je suis bien évidemment ouvert à toutes les critiques.

Ces précautions étant prises, il est temps d’entrer dans le vif du sujet. Non sans avoir auparavant indiqué que les dates communiquées dans la première partie du texte (la République) s’entendent (sauf indication contraire) comme étant celles d’avant J-C et qu’il s’agit du calendrier officiel romain. Dans la deuxième partie du texte (l’Empire), au contraire, elles s’entendent comme étant celles d’après J-C, sauf indication contraire. Lorsqu’il s’agit d’empereurs, les dates indiquées entre parenthèses à la suite de leur nom sont celles de leur règne.

Et vogue la galère… romaine.

Première partie, la République

La plupart des historiens datent le début du régime républicain romain de 509 [2], bien que certains proposent 470, 475 ou 450. Une révolution aurait chassé le dernier roi, Tarquin le Superbe. A une période aussi reculée que celle des premiers siècles de la République, l’univers romain est foncièrement agraire. Les propriétés paysannes sont en général de petite taille et la terre propriété publique joue alors un rôle essentiel, tout particulièrement pour l’élevage du bétail. Au Ve siècle, nous dit A. Piganiol, chaque paysan avait un lot de deux jugères (le jugère est environ un quart d’hectare), qui représentait le terrain héréditaire. Autour, s’étalaient les terres de la communauté, probablement redistribuées périodiquement [3].

Pourtant, on assiste déjà à un processus de différenciation progressive de la propriété foncière, bien que nous n’en soyons pas encore à l’époque des latifundia (c’est-à-dire les IIIe et IIe siècles). La petite propriété est détruite par les phénomènes habituels : la terre possédée en propre est trop exigüe pour pourvoir à l’entretien d’une famille, les rendements trop faibles, ce qui met le paysan à la merci d’une ou de quelques mauvaises récoltes. S’ensuit l’endettement (en nature dans la plupart des cas, semences ou bétail), la terre engagée en garantie et perdue. Le tout au profit du grand propriétaire foncier qui pourra prêter, récupérer la terre ou même s’en emparer, le tout sans oublier ses empiétements sur l’ager publicus, le domaine réputé public, dont il accapare de substantielles portions. Le paysan chassé de sa terre ou contraint de l’abandonner se retrouve à la ville, la Rome antique. A la fin du IIIe siècle, la population romaine est constituée pour moitié de gens qui ne possèdent aucune terre [4]. Nous sommes en présence d’un processus de prolétarisation, naturel en quelque sorte, qui s’est répété de nombreuses fois dans l’Histoire, et la seule chose étonnante est qu’il soit si précoce.

La forme dominante de la fortune est alors, sans conteste, la richesse foncière. Il s’agit surtout de produire pour son propre compte, d’autoconsommer, le commerce est réduit aux biens de première nécessité (qu’on ne peut fabriquer soi-même) ou aux articles de luxe, pour les riches. Cela n’empêche pas les rapports marchands d’exister et de se développer. La meilleure preuve en est fournie par l’usage grandissant de la monnaie. La tradition marque du milieu du Ve siècle une loi qui fixe une équivalence entre la valeur du bétail (composante essentielle du patrimoine) et un poids de bronze. On se sert d’abord de lingots de bronze, parfois estampillés. A la fin du IIIe siècle, la monnaie circule de façon régulière. La frappe d’argent s’installe après la guerre de Pyrrhus (280-275) et l’établissement d’un véritable système monétaire est à dater de 269.

La monnaie accompagne le développement des échanges marchands, mais aussi celui de la richesse marchande. Aux côtés de la possession foncière, une classe se forme peu à peu, dont la richesse est surtout mobilière. Le capital est là, dans le grand commerce, dans le prêt d’argent, dans les travaux publics : il s’agit de faire fructifier la valeur, dans un but de profit. On voit même se former de véritables sociétés, qui remportent les adjudications publiques, des sociétés avec un conseil d’administration, avec des actionnaires titulaires de parts cessibles et transmissibles (les socii) et des obligataires, qui ont droit à un revenu fixe. Dès 215, trois societates, groupant 19 personnes, apparaissent à Rome. A cette dernière date, nous sommes en pleine deuxième guerre punique (dite aussi guerre d’Hannibal), le trésor public est vide. Les capitalistes, groupés dans les sociétés, vont se charger des fournitures de guerre, avancer d’immenses sommes à la cité, escomptant bien empocher en retour d’immenses profits. D’ailleurs les grandes fortunes ne manquent pas. Scipion l’Africain avait plus d’un million de deniers (une pièce d’argent du poids de 4,55g) ; on a évalué à plus de 300 000 deniers la fortune de chacun des Gracques ; la richesse de Crassus est devenue légendaire, celle de César était éblouissante [5].

L’Antiquité livre donc (spontanément, si l’on peut dire) les conditions (ou les pré-conditions ?) du capitalisme. Nous avons, à un pôle, les prolétaires, paysans chassés de leur terre, démunis de moyens de production. Nous avons, à l’autre pôle, le capital, la mise en valeur de la valeur. Mais le mariage n’aura pas lieu, parce que sur la route se dresse un obstacle de taille : l’esclavage. Les IIe et Ie siècles sont ceux des latifundia, créés aux dépens de la petite propriété, des latifundia surtout consacrés à l’élevage extensif et sur lesquelles travaillent des armées d’esclaves, sous la surveillance d’intendants. La main-d’œuvre libre y est alors pratiquement absente, sauf pour des travaux d’appoint. Tous les auteurs tiennent pour établi, relève P. A. Brunt, que, sur les grands domaines, après la guerre d’Hannibal (218-201) la main-d’œuvre permanente était normalement constituée d’esclaves. Il estime qu’en 28, il devait y avoir environ 3 millions d’esclaves pour 4 millions d’hommes libres [6]. F. Hinard confirme le propos, puisqu’il nous dit qu’on évalue le nombre d’esclaves aux IIe et Ie siècles à 40% de la population totale de l’Italie, soit 3 millions environ [7]. P. A. Brunt ajoute que les hommes libres eux-mêmes comptaient parmi eux des centaines de milliers d’affranchis ou d’hommes en partie d’origine servile [8]. En ville aussi on trouve de nombreux esclaves [9], mais la population urbaine est surtout constituée d’anciens esclaves, des affranchis, fortement représentés dans les divers métiers artisanaux. Les inscriptions funéraires, nous dit également P.A. Brunt, semblent indiquer qu’à Rome il n’y avait guère plus de 10% des artisans qui étaient libres de naissance [10].

De son côté, M. I. Finley soutient qu’avec les grandes périodes « classiques » en Grèce et en Italie « nous nous trouvons confrontés aux premières sociétés authentiquement fondées sur l’esclavage ». Le même Finley ajoute que « le travail libre salarié était intermittent et saisonnier » et précise : « Chaque fois que nous entendons parler d’un établissement privé, à la ville ou à la campagne, utilisant de façon régulière les services d’un certain nombre de travailleurs dont le statut est spécifié, il s’agit d’esclaves. Tout simplement nous ne trouvons pas dans nos sources d’entreprises payant des hommes libres, même sur une base semi-permanente ». D’ailleurs, dans l’Italie d’Auguste (le premier empereur romain) « les riches fabriques de poterie d’Arezzo n’employaient que des esclaves, le plus grand nombre connu pour un seul établissement étant de cinquante-huit » [11].

L’abondance d’esclaves s’oppose à un quelconque développement du salariat, sauf de manière marginale et épisodique. Sur place, à la campagne, ou à la ville à laquelle elle émigre, la paysannerie, petite ou moyenne, ne peut trouver un débouché dans le salariat, car elle se heurte à la prolifération d’une main-d’œuvre servile abondante, qui peuple les grands domaines agraires et qui continue à concurrencer les prolétaires à la ville, sous la forme d’affranchis. Elle est prise entre le marteau (les grands propriétaires fonciers) et l’enclume (les esclaves). Le premier la prolétarise, la seconde l’empêche d’accéder au salariat. Le processus débouche sur une impasse : prolétarisation sans doute, mais une prolétarisation inaboutie. Il ne s’agit pas ici d’une simple pièce manquante sur l’échiquier. Toute la structure sociale est complètement déséquilibrée par un esclavage de masse constamment renouvelé. La polarisation sociale est extrême, entre grands propriétaires fonciers, d’un côté, et plèbe, rurale et urbaine, de l’autre. La plèbe urbaine est une masse flottante, sans cesse gonflée par de nouveaux apports, sans avenir, car ayant perdu son ancien statut mais incapable d’en trouver un nouveau. Ce qui montre l’extrême originalité du capitalisme, qui n’a pu apparaître qu’une fois l’esclavage disparu et la corvée remplacée par le salariat [12].

La guerre de conquêtes

Malgré tout, l’état des choses aurait pu être maintenu, si un facteur décisif n’était intervenu : la guerre de conquête, une guerre incessante, sans fin, qui a fait passer le territoire romain des étroites limites d’une cité à l’espace d’un immense empire. C’est cette guerre qui a accéléré le processus que nous venons de décrire et l’a mené à son terme. Le recensement des conflits dans lesquels Rome était engagée serait interminable. Le IVe siècle est celui de la conquête de l’Italie. Rome en achève l’occupation avec la guerre contre Pyrrhus (280-275). De 264 à 241 nous avons la première guerre punique [13]. De 241 à 227, la Sicile et la Sardaigne deviennent provinces romaines. La deuxième guerre punique, dite aussi guerre d’Hannibal, se déroule de 218 à 201.

Entre 168 et 146, la Macédoine et la Grèce sont soumises. La troisième guerre punique s’étale de 149 à 146. La guerre d’Espagne est particulièrement longue, allant de 197 à 133. Puis, de 91 à 88, nous avons une sorte de guerre civile, dite « sociale ». S’ensuivent trois guerres successives contre Mithridate, roi du Pont [14]. Dans la foulée, nous passons à la guerre des Gaules, de 58 à 50 (défaite et reddition de Vercingétorix en septembre 52, hélas !), puis aux campagnes d’Orient, en 48 et 47 et à la campagne d’Afrique en 47 et 46. En 47, soumission de l’Egypte. En 509, lors de l’avènement de la République, le territoire romain ne couvrait guère plus de 800 k2 ; en 28, les possessions romaines s’étendent de la Manche au Sahara et du détroit de Gibraltar à l’Euphrate [15].

La guerre fournit d’abord l’esclave. Dans les temps reculés de la République, l’esclavage avait une origine endogène, le nexum. C’est ainsi que la loi des XII tables (datée de 451-450) prévoit l’appropriation par le créancier de la personne du débiteur qui fait défaut ; celui-ci peut alors être vendu comme esclave au-delà du Tibre. Mais, en 326, le nexum est aboli : la source interne de l’esclavage disparaît, bien que subsiste pendant quelque temps l’obligation pour le débiteur insolvable de travailler pour son créancier jusqu’à extinction de sa dette. En fait, c’est la guerre de conquête qui est la grande pourvoyeuse d’esclaves. D’énormes quantités de captifs de guerre sont vendus et le flot monte en proportion des conflits de plus en plus longs. Tel est le cas en particulier avec les guerres puniques, surtout la deuxième, celle d’Hannibal. Le mouvement se poursuit une fois Hannibal vaincu. Entre 200 et 150, 250 000 combattants auraient perdu la liberté [16]. En 209, le magistrat Fabius Maximus Verrucosus asservit 30 000 tarentins [17] ; en 167, Paul-Emile [18] après avoir soumis l’Epire [19], enlève brusquement en pleine paix, 150 000 habitants, qu’il vend aussitôt [20]. La Corse, l’Espagne, les territoires récemment conquis, tous fournissent des esclaves.

César s’est vanté d’avoir réduit en esclavage un million de gaulois. Exagération, sans doute, mais on a quand même pu estimer qu’il a ramené de Gaule 400 000 captifs en 10 ans [21]. Le commerce des esclaves est florissant, alimenté par les prises de guerre, mais aussi par la piraterie. L. Harmand cite Strabon [22], qui estimait que 10 000 têtes alimentaient journellement le commerce des esclaves à Délos [23], plaque tournante de ce trafic. Un trafic qui englobe progressivement toute la méditerranée et connaît son apogée entre 200 et 50.

Les conquêtes fournissent les esclaves (et, dans la foulée, les affranchis), qui barrent la route aux paysans prolétarisés, mais elles fournissent également le blé, qui pourra alors être distribué à ces paysans désormais installés en ville. On organise à Rome des distributions de grains à bas prix, en 203, 201, 200, 196. Pour faire face aux besoins, une double dîme en nature est prélevée sur la Sicile et la Sardaigne, en 191, 190, 189. En 203, de grosses quantités de céréales espagnoles sont déversées sur le marché pour faire baisser les prix. Même opération en 196, avec les apports de la Sicile. Après 123, les subventions pour les distributions de blé à Rome deviennent systématiques, même si elles sont parfois supprimées ou fortement réduites. En 62, on étend les distributions de céréales bon marché à tous les habitants libres de Rome. Ces distributions deviennent gratuites en 58. Vers 46, le nombre de bénéficiaires s’élevait à 320 000 hommes âgés de plus de 10 ans, César le réduit à 150 000, mais dès l’été 44 on est à 250 000 et vers 5 à nouveau à 320 000. La Sardaigne, la Sicile et l’Afrique comptent parmi les principaux fournisseurs du blé à destination de la capitale. La seule dîme de Sicile permettait de nourrir 4 légions en campagne, déchargeant le trésor romain des frais de ravitaillement [24].

On le voit : tout le système est sur le mode extensif, à coups de victoires militaires. Il faut une extension continue en surface, pour renouveler les esclaves, pour aller toujours plus loin mettre en culture de nouvelles terres pour le blé. La guerre (la guerre victorieuse) devient une dimension constitutive de la reproduction matérielle elle-même. On ne peut, à Rome, subventionner le blé ou le fournir gratuitement qu’en prélevant butin, dîme, taxes sur les provinces conquises. Caius Gracchus, élu tribun en décembre 124, décide que les pauvres de Rome auront droit à des rations mensuelles de céréales à prix fixe, subventionnées par l’Etat. Mais les finances publiques ne peuvent faire face aux nouveaux frais, et Caius doit, pour l’essentiel, se tourner vers les provinces. Secourir la plèbe romaine signifiait nécessairement des prélèvements accrus sur les territoires conquis et, au-delà, le pillage de nouveaux espaces à conquérir. D’ailleurs, nous dit P.A. Brunt, le trésor public était principalement alimenté par les revenus des provinces [25]. De 200 à 150, Carthage paie annuellement une somme évaluée à 1 200 000 deniers. De 188 à 175, Antiochos [26] paie annuellement 6 millions de deniers. Il faudrait ajouter les 6 millions de la Macédoine, les 3 millions de Nabis, les 3 millions et demi des Etoliens [27]. De 200 à 157, en indemnités de guerre et butin, il est rentré au trésor de Rome plus de 600 millions de deniers [28]. De retour d’expédition, Pompée (106 – 48), grand vainqueur des guerres d’Asie, remet au trésor public 480 millions de sesterces ; grâce aux redevances nouvelles, il fait passer le budget de Rome de 200 à 340 millions de sesterces [29]. Le domaine public s’étend prodigieusement, à proportion de l’avancée des troupes et fournit à son tour des revenus, terres louées ou taxes de pacage. L’apport des conquêtes est tel qu’il permet même, en 167, de supprimer le tributum, l’impôt sur le patrimoine perçu jusque-là sur les romains.

La désintégration de la paysannerie

Cependant, de toutes les retombées de la guerre incessante, la plus redoutable est certainement la progressive désintégration de la petite et moyenne paysannerie [30]. Celle-ci est la base de l’armée romaine, qui est une armée de conscription. Les citoyens doivent le service et pour de longues années, même si (nous le verrons) tous ne sont pas appelés sous les enseignes. Les niveaux de mobilisation exigés atteignent souvent des sommets, pour des durées qui s’éternisent, et les guerres s’enchaînent les unes aux autres. Pendant une grande partie de la seconde guerre punique, la moitié des hommes de 18 à 46 ans reconnus aptes pour le service sont sous les armes, en moyenne pour une durée de 7 ans [31]. Rome fait alors passer le nombre des légions de 4 à 25. Les soldats sont encore retenus à l’armée après la fin de cette guerre d’Hannibal : ils se mutinent en 199, en 180, en 169 [32]. L’armée romaine est en réalité une sorte de milice, composée surtout de paysans-soldats [33]. Ceux-ci permettent la conquête, mais la conquête les détruit [34]. En effet, ils sont longtemps à l’écart de leur exploitation, et celle-ci, même confiée à la famille, est mal entretenue, les sols se dégradent, le bétail est malade ou se disperse, un puissant voisin a pu s’emparer de la terre, il a fallu s’endetter et donc s’apprêter à perdre la propriété. En 104, le tribun Marcius Philippus, proposant une loi agraire, affirme qu’il n’y a pas dans tout l’Etat romain plus de 2 000 propriétaires [35]. Exagération sans doute, là encore, mais qui montre bien dans quel sens les choses évoluent. La guerre de conquête mène à son terme le processus de prolétarisation, elle donne une puissance explosive à ce qui n’était qu’une tendance de longue durée, mais, en même temps, fournissant en masse les esclaves, elle empêche que cette prolétarisation débouche sur le salariat. La guerre a fait la puissance de la République romaine, la guerre prépare sa mise à bas.

Dès lors, la république romaine cherche son salut dans la fuite en avant. La conquête, poussée de plus en plus loin, permet de colmater les brèches, qu’il s’agisse du paysan-soldat ou du paysan resté aux champs. En effet, elle fournit aux soldats le butin, permet de distribuer aux vétérans soldes, primes de démobilisation et terres (toutes trois souvent fournies par la conquête elle-même), et ainsi contient la révolte des mobilisés. Le butin est surtout la proie des généraux et de ceux qui les entourent, mais les soldats sont aussi de la fête. En l’an 200, les vétérans de Scipion l’Africain reçoivent une dotation de terre pour chaque année passée dans les légions en Espagne ou en Afrique. Sylla, de son côté, autorise le pillage des cités, distribue aux soldats primes et récompenses, attribue des terres à 120 000 de ses vétérans. Les soldats de César ont leur part de butin, et leur solde est pratiquement doublée. A leur départ de l’armée, ses vétérans reçoivent, non seulement des parcelles de terre (c’est le cas de 50 000 d’entre eux), mais aussi, lors de son triomphe en 46, des primes de 5 000, 6 000 deniers ou davantage, proportionnellement, pour les officiers. Au temps d’Auguste, le premier empereur romain, les soldats recevaient désormais régulièrement des primes ou des terres à leur démobilisation [36].

Des terres, pour remplacer celles qu’il a perdues ou qu’il risque de perdre, telle est également la récompense que le paysan en voie de prolétarisation attend de la conquête. Ici aussi, c’est de prélèvement qu’il s’agit, on s’empare des terres comme on s’empare du butin. Déjà, alors qu’il ne s’agissait que de la péninsule, « il n’était pas rare, selon P.A. Brunt, que Rome s’approprie un tiers des territoires italiens conquis et une partie de ces terres était distribuée entre des romains dépourvus de terre », ajoutant : « Tout au long du IIIe siècle, la création de colonies permit, quoique insuffisamment, de faire face au désir qu’avaient les gens de posséder des terres » [37]. Au IVe siècle, une partie importante du sol du pays vaincu est confisquée, parfois le tiers ou la moitié. C’est là un ager publicus qui s’ouvre aux troupeaux des grands propriétaires romains mais où on installe aussi des colonies de ceux qui ont faim de terre [38]. En 290, quand les Romains occupent la Sabine, de nombreuses portions du territoire sont enlevées aux Sabins ; on se contente alors simplement de disperser les prélèvements, pour éviter un dépouillement exagéré [39] et, sans doute aussi, pour prévenir un soulèvement. En 232, des terres conquises dans la Gaule et le Picenum (c’est-à-dire les actuelles Marches italiennes) sont distribuées à 60 000 citoyens démunis [40]. Cette pratique se poursuivra tout au long de la République. Sous César, 80 000 pauvres trouvent des terres à l’étranger, une grande partie venant de Rome. Encore faut-il préciser qu’ils n’occupent pas seulement les terres libres, il faut exproprier la population locale [41].

Mais la fuite en avant ne fait, au bout du compte, qu’aggraver les choses. Les divers apports de la conquête contribuent eux-mêmes, en définitive, à l’approfondissement de la contradiction qui mine la République. Le butin approprié par le soldat, les terres et primes de démobilisation attribuées aux vétérans vont dans le sens d’une armée de mercenaires, dévouée à un homme plutôt qu’à la République, et ainsi frayent la voie à Sylla et César, donc au renversement du régime républicain. Le grain distribué à Rome, bien qu’insuffisant pour assurer la subsistance des pauvres, contribue à attirer dans la cité de nombreux paysans ruinés, alimentant une plèbe urbaine qui fournira une masse de manœuvre pour tous les apprentis dictateurs, à commencer par César. Quant à la terre distribuée dans les provinces nouvellement conquises, souvent prélevée sur les exploitants locaux, elle aiguise les contradictions (déjà particulièrement vives) entre Rome et les populations des nouvelles possessions. Nous sommes toujours sur le mode extensif, et celui-ci doit nécessairement trouver à lui-même ses propres limites.

Appropriation de la force de travail, rente foncière et capitalisme inabouti

Au total, il apparaît que les rapports sociaux dans le cadre desquels la richesse est produite dans la Rome antique sont, dans une large mesure, ceux de prélèvement. Une grande partie de la main-d’œuvre est celle d’esclaves et ceux-ci sont obtenus par voie de prélèvement, soit par la guerre dans les régions conquises, soit par razzias en périphérie du territoire romain. Le propriétaire des grands domaines achète l’esclave, il est vrai, mais celui-ci est prélevé dans le milieu, par un acte d’appropriation et de violence. L’accaparement des terres dans les provinces conquises, aux dépens d’une population locale expulsée, vient compléter le dispositif. Le prélèvement, telle est aussi l’une des formes importantes sous laquelle la richesse, une fois acquise, circule. Tel est le cas du butin, des indemnités de guerre, du tribut (ou la dîme) dus par les provinces soumises, des taxes versées par les portions de l’empire, qui fournissent une part essentielle des revenus de l’Etat romain. A l’évidence, nous ne sommes pas dans le cas de l’échange marchand, où une valeur sous une certaine forme est échangée contre une valeur égale sous une autre forme. Pour autant, l’accaparement n’est pas toujours sans contrepartie : nous pouvons être dans le domaine du « donnant-donnant » bien qu’il n’y ait pas échange marchand. Ainsi, un flux de richesses circule dans l’autre sens, des grandes familles vers les pauvres, car celles-ci doivent entretenir une clientèle, qui viendra conforter leur pouvoir quand le besoin s’en fera sentir.

Il y a un lien évident entre cette façon d’obtenir (et de distribuer) la richesse, d’une part, et la faiblesse du changement technique, de l’autre. La main-d’œuvre salariée sera économisée par le capitaliste, car elle est payée, ce qui n’est pas le cas de l’esclave. Ce qui ne veut pas dire que l’esclave ne coûte rien, car outre les frais d’achat, il y a ceux d’entretien quotidien. De façon plus générale, les régimes basés sur le prélèvement, l’appropriation (à commencer par l’appropriation de la force de travail) sont inévitablement peu intéressés par le changement technique. Un régime tel que celui de la République romaine est donc condamné à l’extensivité, condamné à s’étendre en surface, pour s’emparer de biens et de moyens de production qu’il n’a pas lui-même produit : butin, tribut, dîme, redevances, taxes, esclaves, terres. Ce qui fait sa magnificence, mais signe en même temps son arrêt de mort, à échéance plus ou moins rapprochée. Du coup, il apparaît que les régimes sociaux de l’Antiquité connaissent, pour l’essentiel, deux grandes façons de prélever le surplus : l’appropriation de la force de travail ou la rente foncière. Le premier cas de figure couvre toutes les formes de dépendance de la personne, de l’esclavage au corvéable, en passant par la servitude asiatique. Le second couvre tous les rapports du propriétaire de la terre à celui qui la travaille, métayage ou fermage. Dans les deux cas, l’incitation au changement technique est particulièrement faible. Dans le premier, le maître n’est pas très tenté de faire des efforts pour économiser une main-d’œuvre qu’il ne rémunère pas. Dans le second, l’occupant du sol n’a pas les moyens d’investir, alors que le propriétaire, qui, lui, les aurait, n’en voit pas l’intérêt et se contente de prélever sa rente.

Pourtant, dans cette Rome républicaine, le capital est à l’œuvre, les rapports marchands s’étendent, de prodigieuses fortunes mobilières s’accumulent. Mais il s’agit d’un capital tel qu’il existe depuis la plus haute antiquité, c’est-à-dire sous la forme commerciale ou usuraire, et non sous celle d’un capitalisme de production, auquel l’esclavage fait obstacle. A la prolétarisation inaboutie fait donc pendant un capitalisme inabouti. Ce capitalisme (qui se développe à partir de la fin du IIIe siècle), celui des societates, vit en réalité en parasite de l’Etat, levant son profit dans les trous que celui-ci laisse vacants. Il s’agit de ceux qu’on appelle publicains. On trouve parmi eux des prêteurs sur gages, mais les publicains sont ainsi nommés parce qu’ils se chargent, sur adjudication, de percevoir les revenus publics ou bien d’exécuter des travaux publics. Ils lèvent droits de douane, impôts, taxes (dont la taxe de pacage sur l’occupation du domaine public), ils font des avances à l’Etat. Auprès des vaincus, ils exigent au nom de l’Etat, indemnités, réparations, tributs. Tel est l’essentiel de leur activité et la source première de leur profit. C’est un capitalisme, sans doute (car c’est une mise en valeur de la valeur) mais un capitalisme parasite, qui s’alimente dans ou autour de l’Etat. En réalité, à y bien regarder, ce capitalisme est tout entier basé sur la conquête : préparation et entretien de la machine de guerre, exploitation des victoires, etc. Il s’agit au fond, là encore, de prélèvements, prélèvements sur l’ennemi vaincu, prélèvements ensuite sur les provinces conquises. Dès la première guerre punique, l’Etat charge des citoyens riches du soin d’équiper ses bateaux. N’est-il pas significatif que l’apparition précoce des societates, en 215, porte précisément sur les fournitures de guerre, à un moment de la guerre d’Hannibal où la République romaine est aux abois ? Les publicains sont avant tout des fournisseurs aux armées, et leur profit marche au pas de la conquête. Le capital ici mis en œuvre n’est pas orienté vers le financement de la production, mais vers celui de la destruction. Loin d’offrir une alternative à une structure sociale en décomposition, ce capitalisme véreux rajoute au contraire à la décomposition ambiante. Il prélève sa dîme sur les ressources de la République, sans apporter quoi que ce soit aux autres couches de la société.

Une nation inaboutie

Un capitalisme inabouti, pendant d’une prolétarisation inaboutie, mais aussi (troisième contradiction) une nation inaboutie. En effet, les institutions romaines (et tout l’équilibre politique et social qui les accompagne) sont celles d’une ville ; elles ne peuvent être celles d’un empire. La conception du Sénat, nous disent A. Clerici et A. Olivesi, était celle d’une cité-Etat unifiée, aux limites bien définies [42]. Même quand il s’agit de lois concernant le monde rural, on ne vote qu’à Rome. D’où, le dilemme de la citoyenneté, que la tradition veut étroitement borner, mais que revendiquent les habitants des provinces soumises. L’extension des territoires conquis s’accompagne d’une extrême diversité des statuts, à commencer par la distinction entre droit romain et droit latin. Les populations des nouvelles possessions ont les devoirs des citoyens romains, mais pas les droits, une injustice d’autant plus durement ressentie lorsque s’accroissent les avantages réservés aux seuls citoyens romains. Souvent, l’inégalité est flagrante : ainsi, en 173, les terres de Cispadane (Emilie) sont assignées à des colons en lots de 10 jugères pour les romains, mais de 3 jugères pour les « alliés » [43]. De façon plus générale, à charge militaire égale, les Italiens reçoivent une part de butin plus petite, ont des concessions de terres moins importantes. « Alors que le tributum n’était plus levé chez les romains, le stipendium, qui était son équivalent chez les Italiens, continuait d’être exigé, et d’autant plus lourdement que la mobilisation était plus grande chez eux », signale F. Hinard, ajoutant : « Les projets agraires agités depuis l’époque des Gracques se faisaient presque toujours sur des terres italiennes et sans que les italiens puissent en profiter » [44]. D’où les révoltes, les soulèvements, et finalement la guerre, dite « sociale », en fait des socii, des alliés. De 91 à 88, la quasi-totalité de l’Italie se lève contre Rome et exige le droit de cité, d’ailleurs massivement accordé au lendemain du conflit. En 27, sauf quelques exceptions, la totalité des habitants libres d’Italie sont citoyens [45], mais cela ne règle pas le sort des provinces sujettes.

La question était simple, mais redoutable : comment gérer la mutation d’une ville se créant un empire ? Faut-il étendre la citoyenneté romaine à toutes les populations vivant dans l’empire, au risque de perdre la spécificité de Rome ? Faut-il alors généraliser à tout l’empire les institutions politiques romaines, au risque de les rendre ingouvernables ? Ou faut-il au contraire réserver strictement la citoyenneté romaine et réduire les populations conquises, au mieux, au statut de citoyens de seconde zone ? Dès lors que, par la conquête, on englobe de nouveaux territoires, la question se pose inévitablement : quel est le statut des populations vivant sur le territoire conquis ? La question s’est aussi posée pour les empires coloniaux du XIXe siècle, et n’a pas peu contribué à les miner de l’intérieur. Pour Rome, l’avènement de l’Empire est une façon, incomplète et dévoyée sans doute, de répondre à la question, en soumettant l’ensemble des possessions romaines à une seule autorité commune.

Les institutions républicaines

Comment les institutions de la République romaine parvenaient-elles à contenir l’effet dévastateur d’une prolétarisation sans débouché, d’un capitalisme sans production et d’un empire sans citoyenneté ? Aux premiers temps de la République, l’unité sociale fondamentale est la gens, qui peut être définie comme « l’ensemble des individus remontant à un ancêtre commun et portant son nom » [46]. Quant à la grande division de la société, c’est celle entre patriciens et plébéiens (la plebs). Le rapprochement entre patriciens, d’un côté, et patres, pater familias, de l’autre, est assez évident. Etre patricien, c’est appartenir à une lignée, entrent en jeu des liens de sang. « Nul ne pouvait être patricien s’il n’avait pas une ascendance mâle entièrement patricienne », nous dit P.A. Brunt [47]. La loi des XII tables (451-450) va même jusqu’à interdire le mariage entre patriciens et plébéiens. Mais ces rapports de personne à personne se redoublent de rapports économiques (sans que les uns coïncident avec les autres), car la terre, l’accès à l’ager publicus, etc. sont très inégalement répartis entre les deux catégories. Pourtant, fortement marquée au Ve siècle, cette différenciation ne résistera pas au passage du temps… et aux pressions de la plèbe. L’interdiction de mariages mixtes est abolie en 445. A partir de 367, la plèbe accède aux charges publiques et sa place ira grandissant. Mais ne sont concernés que les éléments les plus riches et les plus influents. La fusion de ces éléments avec le patriciat donnera naissance, aux IIIe et IIe siècles, à la nobilitas, prédominante au Sénat et dans la gouvernance publique de façon générale.

Mais, puisqu’il s’agit d’une République, c’est qu’il y a des assemblées du peuple. Il s’agit d’abord du rassemblement des centuries (qui étaient à l’origine des bataillons de combattants), c’est-à-dire des comices (assemblées) centuriates, que la loi des XII tables qualifie de maximus comitiatus (assemblée souveraine) [48]. Fondées sans doute au milieu du Ve siècle, elles votent les lois, déclarent la guerre ou la paix, ratifient les traités, élisent les magistrats [49], et en particulier (pour une durée d’un an) les deux consuls, véritables chefs d’Etat. Peu à peu, on procédera à l’élection annuelle d’autres magistrats : questeurs (pour les affaires financières), édiles (pour veiller à la tranquillité publique), préteurs (qui rendent la justice), censeurs enfin (qui recensent la population, établissent la liste des citoyens, afferment les contrats publics). Dans les situations d’extrême péril, un dictateur peut être désigné, détenteur de tous les pouvoirs, mais pour une durée maximale de 6 mois.

L’ensemble des citoyens romains (mâles, cela va sans dire) sont intégrés dans ces centuries. Il y en a au total 193, regroupées en 5 classes, plus une. Les 5 classes s’égrènent selon l’importance de la fortune, des plus riches aux plus pauvres. 98 centuries sur 193 forment ainsi la classe la plus riche. Les classes qui suivent le sont de moins en moins. Quant à la classe qui ferme la marche, après la cinquième, elle regroupe les plus démunis. Classement ploutocratique, dira-t-on, aristocratie de la fortune ? En réalité, nous sommes en présence d’une démocratie militaire, ce qui en dit long sur la place de la guerre dans cet univers. L’armée de la République romaine est une milice, où les soldats doivent s’équiper eux-mêmes et contribuer à la chose guerrière à proportion de leurs moyens. Inutile de demander le service à ceux qui, matériellement, ne peuvent y faire face. Il est logique, par contre, de demander plus à ceux qui ont plus. En tête, nous avons 18 centuries de cavaliers (equites), car, ne l’oublions pas, le cheval est alors le symbole même de la richesse. Viennent ensuite 80 centuries de fantassins lourdement armés, et voilà les 98 premières centuries. Les classes qui suivent, de plus en plus pauvres, sont aussi de plus en plus légèrement équipées, en dégradé, jusqu’à la cinquième. La fortune de l’époque étant, pour l’essentiel, foncière, les 5 classes en question regroupent des propriétaires fonciers, ceux qui, à des degrés extrêmement divers, possèdent un bien. En dessous, dans une seule classe, nous trouvons l’immense masse des démunis, qui, n’ayant rien, ne doivent pas le service, proletarii, (définis comme « citoyens qui peuvent avoir des enfants ») ou capite censi (sans autre possession que leur personne).

Les romains devaient le service militaire comme nous devons l’impôt sur le revenu, en fonction de leurs capacités contributives. C’était, curieusement, une forme de démocratie sociale avant la lettre, mais qui avait des conséquences redoutables à partir du moment où le régime politique suivait le même ordonnancement. Dans les institutions romaines de cette époque, on lit la lutte des classes comme dans un livre ouvert. La grande ligne de démarcation ne se dissimule pas : elle sépare clairement les propriétaires des moyens de production (de la terre, en l’occurrence) des non-propriétaires. Ceux qui sont appelés à défendre la cité sont les vrais citoyens, les autres sont des citoyens de seconde zone. Et sont considérés comme les vrais citoyens ceux qui ont du bien, alors que les prolétaires sont justement ceux qui en sont totalement dépourvus. Un bien qui est, pour l’essentiel, foncier, mais on est bien obligé d’admettre à ses côtés la place de la fortune mobilière, celle de l’argent. Or, lors des comices centuriates, on vote par centurie et non par tête : on vote à deux degrés, d’abord à l’intérieur de la centurie, puis celle-ci, à son tour, apporte son suffrage global à l’assemblée. Il s’ensuit que les 98 premières centuries, les plus riches, ont à elles seules la majorité absolue, puisqu’il y a 193 centuries au total, et ce, alors que la dernière centurie, celle des prolétaires, dépasse en nombre de membres, à elle seule, la totalité des autres centuries. P. A. Brunt estime qu’à l’époque des guerres puniques, les prolétaires constituaient la majorité des citoyens [50]. De surcroît, une centurie équestre (tirée au sort parmi les équestres) commence toujours par voter en premier, puis l’on suit, en décroissance, l’ordre des cinq classes, la centurie des prolétaires votant en dernier. Si bien qu’en général le résultat est acquis bien avant d’atteindre l’unité civique qui ferme la marche, laquelle, du coup, ne vote même pas.

Une réforme introduite au IIIe siècle réduira le nombre de centuries accordées aux plus riches, obligeant ces derniers à s’appuyer sur une partie des classes suivantes pour obtenir une majorité. Le système est, du coup, un peu plus démocratique, mais cela ne change pas grand-chose. Malgré leur nombre, les prolétaires sont toujours rassemblés dans une seule centurie, le vote est toujours à deux degrés et on demande toujours aussi peu leur avis à la dernière classe ou aux capite censi. Que ce soit avant ou après la réforme, les esclaves, les affranchis et les étrangers ne sont pas pris en compte, le jeu se joue entre citoyens (mâles, machisme oblige !) et, au sein de cette catégorie, la part de très loin la plus nombreuse, celle des prolétaires, est écartée. Les choses ne sont pas masquées, le pouvoir est ouvertement détenu par la nobilitas, grands propriétaires fonciers et publicains. Ceux-ci doivent, il est vrai, parfois faire appel à la paysannerie, moyenne ou petite (à condition qu’elle dispose d’une terre) et, éventuellement, à des citoyens de la cité, artisans ou commerçants. Cette combinaison est cruciale, car c’est elle qui fait que le pouvoir n’est pas strictement limité à celui d’une petite minorité. Là-dedans le rôle de la paysannerie est essentiel. C’est sur elle que repose l’équilibre des institutions et surtout de la première d’entre elles, l’armée. Il y a là une contradiction majeure parce que c’est justement cette catégorie qui est progressivement détruite et transformée en plèbe, le mot n’ayant plus le sens des débuts de la République (plèbe comme opposée au patriciat) mais celui de multitude, de gens du commun.

La nobilitas se regroupe au sein du sénat, et, du coup, celui-ci détient l‘essentiel du pouvoir, bien qu’il n’ait, en principe, qu’un rôle consultatif. D’ailleurs, le sénat doit avoir donné son autorisation (auctoritas) à la tenue des comices centuriates ; il accepte ou refuse les projets de loi. A l’origine, le sénat devait être constitué par les chefs de famille, les patres. On en était membre à vie. A partir du IIIe siècle, ce sont les censeurs qui, pour combler les vides, désignent les nouveaux promus parmi les magistrats sortis de charge : anciens consuls, anciens censeurs, etc. La nobilitas se ferme déjà : de 284 à 254, 9 familles nouvelles accèdent au consulat ; de 254 à 224, 6 seulement ; et 5 de 223 à 195 [51]. En réalité, nous dit J. Rouvier, la noblesse se réservait le consulat, qu’elle se passait de main en main. Entre 233 et 133, les quelques 200 consuls proviennent de 58 familles. Les préteurs ne sont pas en reste : de 218 à 167, sur 270 d’entre eux, 155 appartiennent aux familles de la noblesse. Parmi celles-ci, on recense de nombreux membres des grandes familles [52]. Alors qu’il traite de la période s’étalant de 200 à 165, A. Piganiol affirme : « une coterie nobiliaire écarte les hommes nouveaux », ajoutant que les sénateurs sont « une aristocratie de propriétaires fonciers », mais également « un conseil d’anciens officiers », car il faut avoir servi à l’armée de longues années pour accéder aux magistratures [53]. A l’évidence, la République romaine n’est pas, dans ses institutions mêmes, le pouvoir du peuple. Elle est un curieux mélange, tout à la fois aristocratique (le pouvoir des « meilleurs », de ceux qui, par filiation, sont appelés à gouverner) et oligarchique (le pouvoir d’une minorité privilégiée au nom de la majorité démunie). D’ailleurs, ainsi que nous l’explique J. Rouvier, le mot démocratie n’apparaît dans la langue latine qu’en plein IVe siècle après JC. Cicéron lui-même n’emploie que « popularis » ou « civitas popularis » (un gouvernement populaire) [54].

Un Etat bicéphale

Pourtant, menacée d’être écrasée, la plèbe réagit. A plusieurs reprises, elle fait sécession, se retirant sur l’Aventin. En 494, succès décisif, elle obtient la création du tribunat. La population est répartie en divisions locales du territoire (les tribus), certaines dans la cité même, d’autres dans la proche ruralité. Une assemblée de l’ensemble de la plèbe (concilium plebis, devenue ensuite comices tributes) élit pour un an des tribuns (2 sans doute au départ, chiffre porté ensuite à 10), qui sont censés protéger les petites gens et peuvent présenter devant l’assemblée des résolutions. Une révolte de 449 aboutit sans doute à la reconnaissance officielle par l’Etat patricien de ces représentants. Ils deviennent de véritables magistrats de la cité. Le tribun peut opposer un veto à la décision d’un magistrat ; seule l’intercession d’un de ses collègues peut s’opposer à sa propre décision. L’approbation des résolutions par l’assemblée (plebiscita) ne vaut dans un premier temps que pour la plèbe. Mais, Hortensius étant dictateur en 287, la loi Hortensia de la même année va représenter un tournant décisif : les plebiscita ont désormais force de loi pour l’ensemble de Rome, même si l’autorité des tribuns est circonscrite aux limites de la cité.

Contrairement à l’Etat bourgeois – qui se présente comme étant celui du peuple entier, celui de citoyens mis sur un pied d’égalité – cet Etat romain traduit de façon transparente la structure sociale sur laquelle il repose, organisant de part et d’autre nobilitas et plèbe, tout en assurant ouvertement la prédominance de la première. D’ailleurs, cette nobilitas est – dans un premier temps – la seule à dire la loi, la plèbe ayant un rôle d’obstruction, de résistance. Nous sommes en présence d’un double pouvoir étrange, conflictuel mais institutionnalisé, ce qui est malgré tout une façon de reconnaître le conflit et de le canaliser. Quand, aux côtés des comices centuriates, pouvoir sera donné aux assemblées tributes d’édicter aussi des règles ayant force de loi – donc, comme nous venons de le voir, à partir de 287 – nous aurons une sorte d’Etat bicéphale, où le conflit ne peut être géré qu’avec le compromis des deux adversaires, donc toujours menacé d’implosion. Un équilibre précaire, progressivement détruit par le travail de sape qui, en profondeur (la guerre perpétuelle aidant) en corrode les fondations, c’est-à-dire la petite et moyenne paysannerie.

Le péril est d’autant plus grand que le régime est sans doute républicain, mais nullement démocratique. Et ce, y compris dans ses modalités de fonctionnement les plus élémentaires. En ce qui concerne les comices centuriates, ils ne peuvent se réunir que sur convocation de l’un des plus hauts magistrats, ne votent que sur des propositions préparées par ces magistrats, des propositions qu’ils ne peuvent amender, ni même commenter, et qu’ils doivent se contenter d’accepter ou de rejeter. S’il s’agit d’élire des représentants, ces comices se prononcent sur une liste établie à l’avance. Si les auspices sont défavorables, le magistrat président de séance peut dissoudre les comices et renvoyer les gens chez eux. Ainsi en est-il également en cas de mauvais présage, éclair, coup de tonnerre, etc. Il donne la parole à qui lui plaît, peut interrompre le vote, laisser l’assemblée sans résultat, la renvoyer, faire voter de nouveau. Il peut déclarer un candidat inéligible, bien qu’il ait déjà été élu, sans avoir à se justifier. Les choses ne sont guère meilleures du côté des comices tributes, qui ne peuvent se convoquer et n’ont pas l’initiative de la loi. Quant aux tribuns, ils sont eux-mêmes souvent issus de la noblesse ou sinon à son service. De son côté, le sénat n’est pas en reste : lui non plus ne peut se réunir sans convocation d’un magistrat, il n’a pas l’initiative des propositions qui lui sont soumises (dont il peut débattre cependant, contrairement aux comices centuriates), et d’ailleurs les résolutions qu’il adopte ne lient pas les consuls.

Au fond, la Rome républicaine est allée très loin, dans l’avoir et dans l’espace, mais elle n’a jamais pu… changer de base. Celle-ci est demeurée celle des origines, avec sa milice-armée, son assemblée de propriétaires et son sénat aristocratique. Le mieux qu’elle ait pu faire a été de rajouter un deuxième pouvoir aux côtés du premier, dispositif chancelant et condamné, tôt ou tard, à l’effondrement. Seul l’Empire représentera une tentative de dépassement de la contradiction, tentative elle-même, au bout du compte, avortée.

Un entrelacement de rapports sociaux

L’Etat bicéphale est d’autant plus instable qu’il doit gérer un extraordinaire entrelacement de rapports sociaux. Il y a une grande multiplicité des coordonnées par l’intermédiaire desquelles les individus se situent dans la société romaine : le statut personnel (homme libre, esclave, affranchi) ; les liens de personne à personne (liens du sang, liens de clientèle) ; l’appartenance à une communauté (citoyens, alliés, étrangers) ; le rapport à la fortune (ceux qui ont du bien ou ceux qui sont dénués de tout, les prolétaires) ; le rapport à la terre (la vraie fortune est celle du sol, et on distingue ceux qui sont propriétaires fonciers des autres) ; le rapport à l’argent (les publicains et les autres). La place du clientélisme au sein de cette palette bigarrée doit être soulignée, car il s’agit de rapports où intervient, bien évidemment, la fortune, mais également de rapports de subordination personnelle, d’ailleurs doublés de rapports de reconnaissance réciproque.

Le sénat, dit-on, est aristocratique. Y a-t-il dans la Rome républicaine une aristocratie, se combinant avec l’esclavage et un capitalisme à peine ébauché ? La nobilitas n’est pas une véritable aristocratie, puisqu’elle n’est pas, à proprement parler, héréditaire. Mais il y a le culte des grandes familles et l’esprit aristocratique est, lui, bien présent. Ainsi, alors qu’il traite des comices centuriates et de leur façon bien particulière de voter, Cicéron affirme : « Personne n’était exclu du droit de suffrage, mais la prépondérance appartenait à ceux qui avaient le plus d’intérêt à la prospérité de la République » [55]. Face aux mutins de Plaisance, en 49, César aurait déclaré : « la nature a éternellement divisé l’humanité en deux groupes inégaux : ceux qui sont faits pour obéir ; et ceux qui sont faits pour commander » [56]. Dans un tel contexte culturel, la propriété foncière est autant un marqueur de noblesse qu’une source de richesse. « Le modèle prégnant de l’honorabilité est celui de la possession d’une terre », dit F. Hinard [57] et M. I. Finley parle de « la propriété foncière en tant qu’absence de profession » [58].

La diversité des rapports sociaux est donc bien présente et elle va croissant. Ainsi, aux origines de la République, l’appartenance au sénat avait partie liée avec des liens de sang, avec la famille au sens large. L’évolution ultérieure a fait de cette appartenance plutôt une question de statut, si nous entendons par statut l’appartenance à un milieu, du fait de la naissance, mais aussi du fait de l’éducation, des relations familiales, des relations sociales au sens plus général. Originellement, statut et fortune se recouvrent : les sénateurs sont les grands propriétaires fonciers, donc les plus riches à une époque où la seule richesse est foncière. Avec le développement des publicains, donc avec le développement de la richesse marchande, le recoupement n’est pas intégral : l’importance croissante de la richesse mobilière aux côtés de la foncière fait que les mieux dotés ne sont pas nécessairement sénateurs. A la fin du IIe siècle, les plus riches membres de l’ordre équestre possédaient une plus grande fortune que les sénateurs les plus pauvres, signale M. I. Finley [59].

Nous avons ici une différenciation, qui sépare statut et fortune. Mais nous avons en même temps une autre évolution parallèle, qui, de la fortune crée un statut. Ainsi, une partie des citoyens les plus riches avaient la possibilité d’accéder à l’ordre équestre, équipés du fameux cheval, symbole de richesse. C’est au sein de cet ordre que se sont recrutés une grande partie des publicains, pour des raisons faciles à comprendre, car ils étaient ceux qui, lors des adjudications, pouvaient offrir le maximum de garanties pécuniaires, souvent sous forme de terres, car ils étaient, eux aussi, de grands propriétaires fonciers. Si bien qu’aux derniers siècles de la République, il est arrivé qu’on confonde chevaliers et publicains, et on est passé cette fois de la fortune à un ordre, parlant des chevaliers quand on désignait les publicains. Toute cette diversité est, somme toute, assez logique et elle montre bien, parmi les régimes sociaux, le caractère exceptionnel du capitalisme, c’est-à-dire son caractère unidimensionnel, qui ramène tout à la seule valeur et aplatit toutes les autres facettes de l’être social.

Il n’en demeure pas moins que, dans la Rome républicaine, l’équilibre institutionnel est de plus en plus difficile à maintenir. En effet, la pierre angulaire sur laquelle cet équilibre repose est la paysannerie, moyenne et petite. C’est sa participation qui fait des comices centuriates autre chose qu’une chambre d’enregistrement. C’est elle qui donne leur portée aux comices tributes, comme les réformes des Gracques l’ont bien montré. C’est sur elle que repose l’institution romaine première entre toutes : l’armée. Or, cette paysannerie est prise en tenailles, entre une nobilitas qui la chasse de ses terres et un esclavage qui lui barre l’accès au salariat. La guerre de conquête accélère l’évolution et la précipite dans les rangs de la plèbe, qui gonfle sans cesse. Les comices centuriates, nous l’avons vu, sont une assemblée de propriétaires. La paysannerie, petite ou moyenne, y a sa place tant qu’elle peut s’adosser à sa terre. Quand elle ne le peut plus, elle rejoint la plèbe, masse grandissante, mais flottante, non enracinée, sans véritable statut social, souvent sans emploi, entretenue, achetée par les liens de clientèle, prête à tout moment à se révolter mais aussi à se vendre, soutien rêvé des apprentis dictateurs et des démagogues. Toutes choses bientôt illustrées par le fonctionnement des comices tributes. L’empire de la République romaine n’a pu être bâti que par la guerre de conquête ; mais c’est cette même guerre qui a finalement détruit la République qui l’avait impulsée.

De l’armée citoyenne à l’armée mercenaire

Car la guerre détruit les institutions de la république, mais elle transforme aussi radicalement l’armée. Milice de propriétaires, celle-ci intègre désormais, contrainte et forcée, de plus en plus de prolétaires. Le niveau de fortune exigé pour faire partie de la cinquième classe (la plus pauvre) est abaissé, probablement entre 214 et 212 : nombreux sont alors les prolétaires, jusque-là non appelés sous les enseignes, qui sont intégrés. Une seconde réduction de ce niveau intervient, sans doute vers 129-128. La prolétarisation de l’armée se poursuit pendant toute la durée du IIe siècle. Les citoyens de la première classe (la plus riche) peuvent encore s’armer à leurs frais ; mais pour toutes les autres classes, une aide de l’Etat s’avère indispensable.

Malgré ces mesures, la conscription est rejetée. On assiste à des refus massifs d’enrôlement, on recherche la dispense, les tribuns font exempter leurs amis, le sénat lui-même s’éloigne du service militaire [60]. « Dans le peu qui reste de la classe moyenne, pratiquement personne ne veut plus défendre cette cité que les nobles ont confisquée et qu’en fait exploitent déjà conjointement avec eux les chevaliers », souligne J. Rouvier [61]. En 134, Scipion Emilien doit aller combattre en Espagne ; mais il ne peut compter sur la conscription pour lui fournir les troupes dont il a besoin : il part donc avec 500 cavaliers pris dans sa clientèle et 4 000 fantassins volontaires (payés, bien sûr) [62]. César constituera une armée de volontaires, payés par lui-même sur le butin ou sur sa fortune personnelle, des volontaires attirés par ses succès et les perspectives de rapines [63]. La grande mutation intervient sous Marius, élu consul pour l’année 107 : il rompt avec la conscription, recrute des volontaires parmi les pauvres, qui espèrent la victoire, la bonne solde, le butin, la gloire.

L’armée romaine a complètement changé de nature. « Ces soldats, dévoués à leur chef, éloignés de Rome pendant de longues années, attendant une récompense pour services rendus au combat, ont déjà une mentalité de mercenaires », nous disent A. Clerici et A. Olivesi [64]. L’armée attend de son chef, solde, primes, butin, allocation de terres. Cela change évidemment la position des généraux. Scipion l’Africain a exercé le commandement en chef pendant 9 ans en Espagne, Sicile, Afrique (210-201) : une fois de retour, à la légitimité des anciennes institutions républicaines, il a opposé à de nombreuses reprises, avec succès, celle conquise à la guerre. On le voit : César n’est pas loin. En 102, Marius est élu consul pour la cinquième fois. On lui porte la nouvelle sur le champ de bataille, ce qui déclenche les acclamations des soldats, alors que ses officiers le couronnent de laurier. Pour la première fois, ceux qui sont placés à la plus haute magistrature sont également adoubés par l’armée. On entrevoit déjà le moment où ce seront les légions qui proclameront le titulaire du pouvoir [65].

La République est morte du fait de déséquilibres sociaux poussés à leurs conséquences extrêmes, mais aussi parce que la guerre de conquêtes a fabriqué l’armée qui la mettra à bas. Les troupes romaines ne sont plus celles de petits paysans mobilisés, défendant leur territoire, mais celles de vétérans, qui comptent avant tout sur le butin, les récompenses diverses ou la gratification d’une terre et sont amenées, de ce fait, à lier leur sort à celui de leur général. C’est ainsi qu’en 88, nous entrons dans un nouveau monde. Car c’est la date de la première marche de Sylla et de son armée sur Rome. On devine déjà la fin d’une République qui n’était certainement pas basée sur le pouvoir du peuple mais malgré tout sur celui d’instances délibératives, collégiales et non sur le pouvoir d’un seul.

Spartacus

L’édifice est délabré et les révoltes d’esclaves en accentuent la fragilité. On enregistre des révoltes d’esclaves en 198 dans le Latium, en 196 en Etrurie, en 185 en Apulie [66], où 7000 esclaves révoltés sont massacrés. En Sicile, le soulèvement des esclaves commence en 135. Un esclave, Eunoos, se fait proclamer roi sous le nom d’Antiochos. Un autre esclave, Cléon, s’empare d’Agrigente et rejoint Eunoos. Les révoltés prennent Taormine, Catane, Messine. En 134, les troupes du consul Fulvius Flaccus sont battues. Après lui, le consul Calpurnius Piso prend Messine et commence le siège d’Enna (en 133). L’année suivante, le consul Rupilius prend cette ville, tue Cléon et Eunoos. « Les prolétaires de Sicile étaient d’accord avec les esclaves pour traiter les riches en ennemis, affirme A. Piganiol. Ils espéraient, ajoute-t-il, réaliser cette Cité du Soleil (Héliopolis) où tous seraient égaux » [67]. Malgré cet échec, un autre soulèvement d’esclaves a lieu en Sicile en 103 ; les révoltés battent à nouveau les légions romaines ; ce n’est qu’en 101 que le consul Aquilius parvient à écraser l’insurrection.

Cela non plus ne suffira pas, car, de 73 à 71 a lieu le soulèvement de Spartacus et des siens. Tout débute par une fuite de gladiateurs, parmi lesquels Spartacus. 7000 hommes le rejoignent, il s’empare de villes, la troupe des révoltés gonfle. Spartacus bat le préteur Claudius Glaber, le préteur P. Varinius, puis les consuls Clodianus, Publicola et le préteur Arrius. Il disloque les 10 000 hommes du proconsul Cassius Longinus, non loin de Modène. Crassus mène enfin l’offensive. La bataille a lieu : Spartacus, blessé d’une flèche à la cuisse au début de l’action, aurait lutté à genoux jusqu’à son dernier souffle. On ne peut identifier son corps parmi les innombrables cadavres qui jonchent le sol. Pour l’exterminer, il avait fallu, en 6 mois, mobiliser autant de légions qu’en aura César, pendant 8 ans, pour conquérir les Gaules. Fin mars 71, la révolte est domptée [68], et 6 000 prisonniers sont crucifiés le long de la via Appia.

Les Gracques

Les révoltes d’esclaves ont ébranlé le régime, mais ne sont pas parvenues à le renverser. En réalité, une menace bien plus grande pèse sur la République romaine : l’usure, jour après jour, des fondations qui soutiennent tout, c’est-à-dire de la petite et moyenne paysannerie. Pourtant, ils sont nombreux ceux qui ont tenté d’arrêter la course à l’abîme. A commencer par les Gracques. Le 10 décembre 134, Tiberius Sempronius Gracchus est élu tribun. Il a pour objectif de sauver ce qui reste de la petite propriété, voire même de faire revenir à la campagne ceux qui l’ont quittée, et de restreindre l’emprise des latifundia. D’énormes portions de la terre publique ont été accaparées par les grands propriétaires fonciers ; ceux-ci ont souvent intégré dans leur patrimoine des surfaces dont ils n’avaient, en principe, qu’une jouissance précaire. Le 31 janvier 133 Tiberius fait voter une Lex Sempronia, sous forme de plébiscite. Elle fixe un maximum à la partie de l’ager publicus que tout occupant peut avoir. Le surplus doit être restitué et sera distribué aux citoyens sans terre. Il y a interdiction de vente de ces lots et une redevance (le vectigal) est due à l’Etat pour bien marquer qu’il s’agit toujours d’une propriété publique. Une commission de 3 membres est instituée pour opérer la répartition. Devant les comices tributes, présentant sa rogatio (proposition de loi), Tiberius aurait déclaré : « Les bêtes sauvages ont leur tanière, et ceux qui meurent pour la défense de l’Italie n’ont d’autres biens que l’air qu’ils respirent. Sans toit où s’abriter, ils errent avec leurs femmes et leurs enfants. Les généraux les trompent quand ils les exhortent à combattre pour les temples de leurs dieux, pour les tombeaux de leurs pères. Ils ne combattent, ils ne meurent que pour nourrir l’opulence d’autrui. On les appelle les maîtres de l’univers et ils n’ont pas à eux une motte de terre ! » [69].

Dès le départ, le projet de Tiberius se heurte à l’opposition farouche de la nobilitas. J. Rouvier nous fait le récit suivant du déroulement de la séance au cours de laquelle la loi est adoptée. Tiberius demande au greffier de lire le texte de la rogatio. Le tribun Marcus Octavius (qui possède de grands biens sur le domaine public) ordonne au greffier de se taire. Son intervention interdit, jusqu’aux prochaines élections tribunitiennes, tout examen du projet. Dans l’assemblée, l’émeute menace, les riches se livrent à des voies de fait, les partisans de Tiberius se regroupent. De nombreux paysans sont venus spécialement à Rome. Par une mesure inouïe, Tiberius demande aux comices la révocation d’Octavius, tribun « ennemi du peuple ». 18 tribus votent la révocation. Octavius disparaît, un autre tribun est élu à sa place, la rogatio Sempronia est votée, Tiberius est reconduit chez lui par le peuple [70]. Mais le succès est de courte durée. A l’été 133, Tiberius est de nouveau candidat au tribunat. Le grand pontif Cornelius Scipion Nasica prend la tête d’une troupe de sénateurs, et se rend à la réunion. Tiberius est tué, frappé d’un premier coup par son collègue le tribun P. Satureius et d’un coup de grâce par son cousin Nasica. 300 de ses partisans sont assassinés ; le soir même leurs corps sont jeté dans le Tibre. Les consuls de 132, Popilius Laenas et Rupilius seront ensuite chargés par le Sénat d’exécuter les partisans de Tiberius.

Malgré la mort de Tiberius, le Sénat n’osera pas intervenir pour faire abroger la loi. Cependant, en 130, on enlève à la commission (qui organise la confiscation et redistribution des terres) ses pouvoirs judiciaires. Elle interrompt ses opérations : c’en est fait de la loi Sempronia. Le frère cadet de Tiberius, Caius (tribun en 123 et 122) reprend la loi en 123, en augmentant la taille des lots récupérés et octroyés aux démunis, tout en restituant aux triumvirs leur juridiction. Il réussit à se faire réélire en 122, mais veut un nouveau mandat. Le Sénat vote l’état d’urgence. En avril 121, Caius se retranche sur l’Aventin avec ceux qui le suivent. Il est poursuivi, tué, et 3 000 de ses partisans sont exécutés. F. Hinard affirme que les têtes de Caius et d’un autre tribun, Fuluius Flaccus, ont été payées à leur poids d’or après le massacre [71].

Dès la mort de Caius, les riches rachètent les terres accordées aux pauvres ou les accaparent sous des prétextes divers, avec violence. Puis, une série de mesures détruisent l’œuvre des Gracques. La redevance (signe de l’appartenance au domaine public) est supprimée, les lots distribués deviennent propriété privée et on autorise les bénéficiaires à vendre le leur. La commission est dissoute [72]. Tiberius et Caius ont été traités par leurs contemporains comme des révolutionnaires car –scandale suprême – ils avaient osé s’en prendre aux possessions des puissants. Ils étaient pourtant nobles, tous deux fils d’un censeur, descendants par leur mère de Scipion l’Africain. En réalité, ils n’avaient pas en vue le renversement de l’ordre existant, mais la restitution des bases de la puissance romaine et le sauvetage d’une société en perdition. Il s’agissait donc, curieusement, de réactionnaires au sens propre du terme, cherchant à faire tourner à l’envers la roue de l’Histoire.

Sylla, César, Octave

La défaite des Gracques montre que la République romaine ne peut que s’enfoncer dans l’impasse. Le délabrement des institutions s’accélère. Les assemblées sont désertées, le clientélisme domine, les votes sont achetés, on emploie des « figurants », hommes de main et soldats s’imposent lors des comices. Le pain et les jeux, telle est de plus en plus la règle. La violence a toujours accompagné la vie politique romaine, mais elle connaît un développement spectaculaire. L. Appuléius Saturninus fait assassiner publiquement, en plein comices, son compétiteur au tribunat, Nonnius. En 100, à leur tour, Saturninus (et son acolyte, Glaucia) sont assassinés. On assomme en pleine assemblée populaire le tribun opposant, un tribun est mis en pièces par la foule. En 91, le Sénat casse par un décret l’ensemble de la législation du tribun Marcus Livius Drusus ; le lendemain il est trouvé assassiné à son domicile. Son assassin ne sera jamais inquiété. En 89, un préteur tente de remettre en vigueur une loi, tombée en désuétude, qui interdisait le prêt à intérêt. Il est assassiné sur le forum même par des usuriers et des créanciers exaspérés ; aucune enquête n’a lieu. En janvier 88, la nobilitas fait assassiner le préteur Asellio en public. Sulpicius Rufus, tribun en 88, est assassiné. En 57, le tribun Sestius est laissé pour mort dans les rues. Les années 50 sont celles d’une explosion de la violence. En 54, le désordre est tel qu’on ne peut élire les consuls pour l’année suivante. « Dans la ville la violence et les effusions de sang deviennent la règle », nous dit P. A. Brunt, ajoutant qu’en une occasion, « la foule en furie allume un immense bûcher funéraire et tue tous les hommes portant de riches vêtements ou des anneaux d’or » [73]. L’usage généralisé de la force pour régler les conflits fraye la voie pour l’usage de la force qui est au-dessus de toutes, l’armée, et appelle son intervention, car elle est désormais seule capable de rétablir la paix civile.

Sous l’enveloppe de la République, l’Empire pointe déjà. Il a deux ancrages ; à l’extérieur, une profonde transformation de l’armée, passée d’une armée de citoyens à une armée de mercenaires, dévouée à leur chef, instrument de coup d’Etat ; à l’intérieur, la plèbe, qu’on peut acheter, toujours désireuse de s’en prendre au patriciat ou aux riches, toujours prête à suivre les aspirants dictateurs. Ainsi, César prétend se battre pour « l’inviolabilité tribunicienne et la liberté du peuple » [74], il fait passer des lois de réforme agraire, distribue le blé, allège la charge des débiteurs, multiplie les fêtes, organise à l’automne 65 des jeux d’un extraordinaire faste. Rien d’étonnant, du coup, à ce que la fin de la République s’énonce sous la forme de trois noms de généraux : Sylla, César, Octave.

En 88, Sylla (nommé consul, puis proconsul) marche sur Rome avec ses légions. Il conduit son armée jusqu’au Forum, en s’ouvrant un chemin par l’incendie [75]. Il faut bien mesurer l’ampleur de l’affront : Rome a toujours été démilitarisée, et les comices centuriates eux-mêmes se tiennent au Champ de Mars, en dehors de l’enceinte sacrée (le pomerium), car il s’agit d’une institution militaire. Dans la guerre civile qui s’ensuit, Sylla l’emporte en novembre 82 et dans les derniers jours de 82, il est nommé dictateur pour une durée indéterminée. Nouvel affront, car aucun des dictateurs nommés jusque-là ne l’a été pour une durée supérieure à 6 mois. Sylla abdique pourtant vers la fin de l’année 81, mais auparavant une répression féroce s’abat sur ses adversaires : on exécute publiquement plus de 40 sénateurs, 1 600 chevaliers, peut-être plus de 5 000 hommes en tout [76], les têtes sont exposées au Forum.

Fondé en juillet 60, le premier triumvirat comprend Jules César, Pompée, Crassus, mais l’élément dominant est déjà César. Il est élu au consulat en août 60. Fin 51, la Gaule (où César a mené bataille) est proclamée province romaine. Il demeure en Egypte d’octobre 48 à juin 47, la soumission du pays est acquise en avril-mai 47. César a alors 52 ans et Cléopâtre 20 environ. Selon l’historien A. Piganiol, « elle était spirituelle et de parler suave, savait plusieurs langues et même l’égyptien (!) ; elle avait séduit le fils aîné de Pompée, envoyé par son père en 49 et séduisit César » [77] (Décidément, il arrive que la petite histoire égale - voire dépasse - la grande…). César franchit le Rubicon à l’aube de 12 janvier 49, suivant la route que Sylla avait déjà tracée. Avec lui, vers Rome, il emmène une armée aguerrie par 8 années de campagnes en Gaule, « fanatisée de reconnaissance et d’admiration pour ce chef » [78]. Il est tué le 15 mars 44.

Le petit neveu de César, Octave, adopté par testament, devient Octavien César à la mort de Jules. En août 43, il marche sur Rome avec son armée (its becoming a very bad habit) et se fait élire consul. Il passe alors un accord avec Antoine et Lépide, fonde avec eux le second triumvirat et se dépêche d’éliminer par la terreur ses ennemis politiques. Une des premières victimes est Cicéron, mais on trouve aussi le nom du frère de Lépide, celui de l’oncle d’Antoine, celui d’un vieillard qui avait été le tuteur d’Octave lorsque celui-ci avait perdu son père [79]. Octavien et Antoine rompent en 33. Au début de septembre 31, la bataille d’Actium donne la victoire à Octavien, qui devient Auguste, titre conféré par le Sénat en janvier 27, date officielle de la naissance de l’Empire. Octave se dit Augustus (saint ou sacré) et non Divus (divin) come César. Mais pour la République, dont le sort est scellé, c’est de toute façon la fin.

Une conclusion en forme d’interrogation

L’Histoire demeure cette alchimie mystérieuse par laquelle le vieux donne du neuf. La répétition lui est étrangère. Il s’ensuit qu’il est assez illusoire de penser tirer les leçons du passé pour affronter un futur incertain. Cela n’empêche pas de faire la part des choses, et d’essayer, au-delà du circonstanciel, de dégager du déroulement des événements des enseignements de portée générale. Pas évident, mais on ne s’avance pas beaucoup en disant qu’il est plus facile de connaître le passé que l’avenir. Penchons-nous donc, de ce point de vue, sur l’histoire de la Rome antique.

Quelles sont les conclusions de l’analyse qui précède ? Un capitalisme inabouti fait pendant à une prolétarisation inaboutie : le monde de la République romaine est animé d’une dynamique en forme d’impasse. Celle-ci donne naissance à un prolétariat, mais en tant que plèbe ; elle donne naissance à un capitalisme, mais qui vit dans les pores de l’Etat. La plèbe est démunie de moyens de production, mais ne vend que rarement sa force de travail ; le capitalisme ne repose pas sur la création de richesses, mais sur des prélèvements. Les éléments fournis par la décomposition de l’agencement social existant s’entassent dans un cul-de-sac. En deux mots, ne sont assurées, ni les conditions de la reproduction du système, ni celles de son dépassement.

Nous ne pouvons, certes, en dire autant du capitalisme actuel. Mais sa plasticité, bien qu’incontestable, est-elle pour autant infinie ? L’hégémonie de la finance, si frappante aujourd’hui, n’est-elle, comme on le pense souvent, qu’un trait exceptionnel, une déformation monstrueuse de la mécanique à profit ? En réalité, avec la finance, on est au plus près de ce qu’est le capital, à savoir le miracle de la multiplication des petits pains, l’argent qui bourgeonne sans avoir à produire. Avec le fordisme, au lendemain de la seconde guerre mondiale, cet aspect a été relativisé. Mais il s’agissait d’une période tout à fait exceptionnelle, faisant suite à trente ans de crises, de guerres et de révolutions. Depuis, laissé à lui-même, le capitalisme revient à l’hégémonie de la finance comme à sa forme naturelle d’existence. Il retourne à la finance comme on retourne au bercail. Or, le revenu financier est très proche de la rente, et tous deux, qui ont connu dans la période récente un développement foudroyant, sont une façon d’exploiter un droit de propriété, propriété du capital dans le premier cas, de portions de la nature dans le second. Ils sont ainsi très proches d’un revenu parasitaire, lui-même très proche d’un simple prélèvement sur la production. Peut-on dire alors que sont assurées les conditions de la reproduction d’un système qui vit d’accaparements de la richesse existante, alors qu’il contribue si peu à la créer ? Ce que suggère l’étude de la Rome antique peut donc trouver une certaine résonnance dans ce que nous vivons aujourd’hui.

Par ailleurs, avons-nous accordé suffisamment d’importance à la crise des formes politiques sous l’égide de la finance ? Il y a toujours eu une certaine contradiction entre l’Etat démocratique bourgeois et les forces capitalistes clairement dominantes dans la société civile. Le premier se présente comme l’Etat du peuple tout entier et doit, de ce fait même, dégager un espace où - malgré tout - la parole du peuple compte. Les secondes ne connaissent que la loi du profit et les diktats des marchés. Mais, dans cette opposition, un seuil qualitatif vient d’être franchi. Les agences de notation font tomber les Etats, les marchés chassent les gouvernements (Grèce, Italie, etc.), la technostructure européenne domine plus que jamais, les budgets nationaux sont sous le contrôle des fonctionnaires européens, la révision des traités européens est décidée à Bruxelles, etc. Il ne s’agit pas simplement d’une prolongation des tendances passées, mais d’un véritable tournant. La question qui se pose est de savoir si, dans le long terme, le capitalisme peut subsister sans cet agencement si particulier, où la prégnance du capital sur la société civile se combine avec une autonomie relative de la sphère politique. Si ce n’était pas le cas, la plasticité du capitalisme s’avérerait moins grande que ce que nous aurions pu imaginer. Ce qui renvoie à la Rome républicaine, dont nous avons dit qu’elle était allée très loin, mais qu’elle n’a jamais pu changer de base, ce qui l’a mené à sa perte.

Isaac Johsua

* Suite : pour les parties II, voir sur ESSF (article 26549), Fin de partie : Rome ou comment finissent les régimes sociaux ? Retour sur l’Antiquité – Parties II

Notes

[1] Titre d’une pièce de théâtre de Samuel Beckett, créée en 1957.

[2] Comme je viens de l’indiquer, sauf indication contraire, toutes les dates sont celles du calendrier officiel romain et s’entendent comme étant avant J-C.

[3] André Piganiol, La conquête romaine, PUF, Paris, 1967, pages 133, 134.

[4] Peter Astbury Brunt, Conflits sociaux en République romaine, Maspéro, Paris, 1979, page 77.

[5] A. Piganiol, op. cit., page 395.

[6] P. A. Brunt, op. cit., pages 33, 54.

[7] François Hinard, La république romaine, PUF, Paris, 1992.

[8] P. A. Brunt, op. cit., page 33.

[9] La proportion d’esclaves est estimée à un tiers environ du total en milieu urbain (F. Hinard, op. cit. , page 90).

[10] P. A. Brunt, op. cit., page 55.

[11] Moses I. Finley, L’économie antique, Les éditions de minuit, Paris, 1973, pages 90, 94, 95.

[12] Voir Isaac Johsua, La face cachée du Moyen Age. Les premiers pas du capital, La Brèche, Paris, 1988.

[13] Guerres puniques : guerres menée par Rome contre Carthage.

[14] Mithridate (132 – 63). Le Pont, région située au sud de la Mer Noire, dans la Turquie actuelle.

[15] P. A. Brunt, op. cit., page 13.

[16] Louis Harmand, Société et économie de la République romaine, Armand Colin, Paris, 1976, page 80.

[17] Habitants de la ville de Tarente, dans le sud de l’Italie (Pouilles).

[18] aul-Emile, consul de Rome (230-160).

[19] L’Epire, région montagneuse des Balkans, partagée entre la Grèce et l’Albanie.

[20] Jean Rouvier, Du pouvoir dans la République romaine. Réalité et légitimité. Etude sur le consensus, Nouvelles éditions latines, Paris, 1963, page 92.

[21] Louis Harmand, op. cit., page 147.

[22] Né vers 58 av. J-C, mort entre 21 et 25 ap. J-C.

[23] L’une des îles des Cyclades, en Grèce.

[24] André Clerici et Antoine Olivesi, La République romaine, PUF, Paris, 1968, page 54.

[25] P. A. Brunt, op. cit., page 57.

[26] Roi de la dynastie Séleucide, qui a régné sur un Etat couvrant des parties de la Perse, de la Mésopotamie et de l’Asie Mineure.

[27] Peuple grec de la frontière occidentale de la Grèce antique.

[28] A. Piganiol, op. cit., page 388.

[29] Jérôme Carcopino, Histoire romaine. La république romaine de 133 à 44 av. J-C. César, T2, PUF, Paris, 1937, page 588. Au cours de la première moitié du IIe siècle, le sesterce vaut 2,5 as et 10 as font un denier.

[30] « Les guerres et les conquêtes eurent pour conséquences le massacre de la classe des propriétaires paysans », affirme A. Piganiol, op. cit., page 386.

[31] P. A. Brunt, op. cit., page 26.

[32] J. Rouvier, op. cit., page 87

[33] « Les soldats sont de petits et moyens propriétaires dans leur ensemble » nous dit J. Rouvier, op. cit., page 86.

[34] « L’appauvrissement progressif de la paysannerie fut certainement aggravé par les guerres et la conscription » dit P.A. Brunt, op. cit., page 31.

[35] A. Piganiol, op. cit., 437.

[36] Sur l’ensemble de ces points, L. Harmand, op. cit., page 148, P.A. Brunt, op. cit., pages 131, 173, 179.

[37] P. A. Brunt, op. cit., pages 16, 85.

[38] A. Piganiol, op. cit., page 171.

[39] A. Clerici et A. Olivesi, op. cit., page 65.

[40] A. Clerici et A. Olivesi, op. cit., page 80 et J. Rouvier, op. cit., page 62.

[41] P.A. Brunt, op. cit., page 175.

[42] A. Clerici et A. Olivesi, op. cit., pages 55, 56.

[43] A. Clerici et A. Olivesi, op. cit., page 103.

[44] F. Hinard, op. cit., page 99.

[45] P. A. Brunt, op. cit., page 14.

[46] P. A. Brunt, op. cit., page 31.

[47] P. A. Brunt, op. cit., page 67.

[48] F. Hinard, op. cit., page 19.

[49] Il faut entendre par là, non les juges, mais les détenteurs de l’autorité publique.

[50] P. A. Brunt, op. cit., page 25.

[51] J. Rouvier, op. cit., page 27.

[52] J. Rouvier, op. cit., page 100.

[53] A. Piganiol, op. cit., page 392.

[54] J. Rouvier, op. cit., page 213.

[55] J. Rouvier, op. cit., page 35.

[56] J. Carcopino, op. cit., page 606. Plaisance (Piacenza), ville italienne en Emilie-Romagne, plaine du Pô.

[57] F. Hinard, op. cit., page 87.

[58] M. I. Finley, op. cit., page 144.

[59] M. I. Finley, op. cit., page 55.

[60] A. Piganiol, op. cit., page 414.

[61] J. Rouvier, op. cit., pages 159, 160.

[62] J. Rouvier, op. cit., page 120.

[63] F. Hinard, op. cit., 110.

[64] A. Clerici et A. Olivesi, op. cit., page 108.

[65] J. Rouvier, op. cit., page 279.

[66] Le Latium, l’Etrurie, l’Apulie sont des régions italiennes, la première s’étend autour de Rome, la seconde correspond à l’actuelle Toscane, la troisième aux Pouilles.

[67] A. Piganiol, op. cit., page 410.

[68] Récit fourni par J. Carcopino, op. cit., page 513.

[69] J. Rouvier, op. cit., page 210.

[70] J. Rouvier, op. cit., pages 210 à 213.

[71] F. Hinard, op. cit., page 95.

[72] L. Harmand, op. cit., page 118. P. A. Brunt, op. cit., page 116. A. Piganiol, op. cit., page 433.

[73] P. A. Brunt, op. cit., pages 168, 169. Voir aussi P.A. Brunt, page 129, L. Harmand, op. cit., page 127, J. Rouvier, op. cit., pages 280 et suiv., 300, A. Piganiol, op. cit., page 448.

[74] P. A . Brunt, op. cit., page 170.

[75] A. Piganiol, op. cit., page 448.

[76] A. Piganiol, op. cit., page 462.

[77] A. Piganiol, op. cit., page 550.

[78] J. Carcopino, op. cit., 816.

[79] F. Hinard, op. cit., page 116.


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