Le monde selon Nicolas Sarkozy et Britney Spears... ou la culture selon Pinochio

mardi 6 novembre 2007.
 

A jamais collée aux baskets de Nicolas Sarkozy, la formule : « Travaillez plus pour gagner plus » vaut bien qu’on s’y arrête, quitte à laissez filer son fébrile géniteur.

En ces temps de concepts chocs et imagés, elle dispose d’un symbole ad hoc en la personne de Britney Spears. Voilà quelqu’un qui, dès la prime enfance, n’a cessé de s’adonner au labeur pour faire fructifier son compte en banque. Là-bas, on appelle ça le rêve américain. Toute à sa carrière, la bimbo labellisée Picsou Connection n’a guère songé à muscler cette partie de sa personne qu’elle dissimule occasionnellement sous une casquette de base-ball.

« Quelle personnalité française connaissez-vous ? » lui demanda naguère un journaliste (perfide) de Libération. « Aucune », répondit la blonde enfant. « Victor Hugo, ça ne vous dit rien ? », insista le mufle. « Non, je vous dis que je ne connais personne », conclut froidement l’ingénue.

Plutôt qu’à se construire - en lisant, par exemple - la belle aura passé sa courte existence à bâtir un empire de pauvre petite fille riche. Tant et si bien que, lorsque l’hiver fut venu, c’est en cigale écervelée qu’elle affronta les frimas du monde adulte. N’ayant guère de ressources en elle, elle puisa dans l’alcool et les substances illicites de quoi répondre au vide existentiel qui la menaçait. On connaît la suite, compilation de frasques et de mésaventures judiciaires.

Cet itinéraire d’une enfant pas si gâtée que ça est à rapprocher de certaines options de l’actuel président français. Lequel déclara un jour que chacun « a le droit de faire littérature ancienne, mais que le contribuable n’a pas forcément à payer vos études de littérature ancienne ». En conséquence de quoi il envisageait de réduire le budget de cette filière. « Le plaisir de la connaissance est formidable mais l’Etat doit se préoccuper d’abord de la réussite professionnelle des jeunes », ajoutait Nicolas Sarkozy. Lire, d’accord, mais avant tout produire et consommer.

Résumant les propos du sociologue Zygmunt Bauman, Courrier international constatait récemment que « Travailler plus pour gagner plus », « c’est plus qu’une formule : c’est une idéologie qui ne reconnaît que des individus - des êtres esseulés qui, en plus, n’auraient plus le droit de s’adonner au plaisir si français de la pensée ».

Au-delà du simple plaisir, il est d’autres enjeux : ceux qui consistent à s’enrichir, non pas en termes pécuniaires, mais d’une mémoire et d’une réflexion collectives indispensables à la « réalisation » d’un individu. Il est vrai que cela demande du temps et une certaine disponibilité d’esprit, que l’exigence carriériste ne favorise guère.

Pour autant, il serait parfaitement injuste d’assurer que Nicolas Sarkozy ne lit pas. A de multiples reprises, il a confié son admiration pour « Belle du Seigneur ». Ce roman que, selon le chef de l’Etat, l’auteur écrit « en 1968, alors qu’il est vieux et qu’il s’ennuie ferme au bord du lac de Genève ».

Seulement voilà : Albert Cohen a entrepris la rédaction de son livre dans les années 30. 1968 n’est que la date de sa publication. C’est là l’inconvénient des hommes pressés : de lecture, ils n’ont que celle des fiches préalablement rédigées par leurs conseillers.

de LIONEL CHIUCH


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