Nos revendications précises (par Sophie Binet, vice-présidente de l’Unef)

vendredi 9 novembre 2007.
 

Concrètement, quelles sont vos revendications précises ?

- Trois éléments de la loi sur l’autonomie des universités nous posent problème.

> La réforme a modifié les pouvoirs de l’administration des universités, qui augmentent tandis que le contre-pouvoir étudiant diminue. Les conseils d’administration des facultés peuvent désormais choisir 10 à 20% d’étudiants membres, au lieu des 20 à 25% possibles jusqu’alors. D’après nos observations, 15% d’étudiants siègent en moyenne dans les nouveaux conseils, soit une baisse de 10%.

> La loi permet aussi de recourir plus facilement à des personnels contractuels. D’autant que le projet de budget ne prévoit pas la création de postes dans l’enseignement supérieur pour la première fois depuis 2004, année du mouvement des chercheurs. Ces contrats signifient que les universités supportent les paiements de salaires à la place de l’Etat, pour les fonctionnaires.

> Nous sommes aussi inquiets face au projet de transfert de propriété des locaux de l’Etat aux universités. La loi ne garantit pas la réhabilitation des bâtiments avant la transmission, prévue dans les cinq ans, facteur supplémentaire d’inégalité d’une faculté à l’autre.

En réponse à ces décisions, nous demandons une loi de programmation sur l’avenir pour l’enseignement supérieur, comme cela existe, par exemple, pour la Défense sur les cinq dernières années.

Les étudiants se mobilisent contre leur situation sociale encore dégradée. Si nous avons salué l’augmentation des bourses de 2,5% en juillet, nous affirmons qu’elle ne permet pas de rattraper la baisse du pouvoir d’achat. D’autant que les aides au logement n’ont pas augmenté. Enfin, nous demandons au gouvernement des actes forts pour permettre à de nouveaux publics d’accéder à l’université et à ceux qui y sont de réussir. L’objectif "50% des personnes d’une même classe d’âge en licence" aura alors des chances d’être réalisé.

Valérie Pécresse et François Fillon vous reprochent "des considérations politiques". La ministre affirme que le budget pour l’enseignement supérieur est en augmentation de "50%" dans les cinq prochaines années. Comment considérez-vous ces arguments ?

- Sur le premier point, il faut savoir qu’à chaque mobilisation étudiante, les gouvernements décrètent l’instrumentalisation des jeunes par la gauche ou l’extrême gauche. A ma connaissance, ce reproche n’a pas été fait aux cheminots en grève. C’est de la provocation gratuite.

Le gouvernement affiche bien une augmentation de budget de 1,8 milliard d’euros pour l’enseignement supérieur. Mais c’est factice, il est facile de maquiller les crédits. Sur la répartition de la somme, nous avons établi 500 millions d’euros d’exonérations fiscales. Dans une bonne comptabilité, cela devrait figurer à l’absence de recettes et pas en dépenses. En outre, ces exonérations d’impôts doivent financer la recherche privée, pas les laboratoires publics, ni les universités, encore moins les étudiants.

La soi-disant augmentation comprend aussi 470 millions d’euros d’arriérés, correspondant à des retards de paiement de retraites. Les facultés de Jussieu, Mulhouse et le Collège de France doivent bénéficier de 330 millions d’euros pour rénovations des bâtiments, la grande majorité des universités n’est donc pas concernée. Enfin, l’inflation a permis une hausse de 400 millions d’euros. Cette augmentation est bien un trompe-l’œil.

L’Unef envisage-t-elle de former un mouvement global avec la fonction publique, qui s’oppose aux régimes spéciaux de retraites ?

- Les étudiants sont sensibles aux questions de suppressions de postes dans la fonction publique, qui fragilisent l’Education nationale et vont toucher des étudiants qui préparent les concours. Dans le second degré, 3.000 emplois ne sont pas reconduits. Les étudiants se sentent concernés, d’autant que l’objectif à terme est l’allongement du régime général de retraite. Un étudiant entre dans la vie active à 27 ans en moyenne, les 41 ou 42 ans d’annuités prévues signifient un départ en retraite à 70 ans, sans période de chômage, ou un départ en préretraite avec une pension amoindrie. Pour l’instant, nous nous concentrons sur les problématiques étudiantes, mais nous sommes sensibles au climat social. Les questions de la retraite, de la franchise médicale, la politique d’immigration basée sur le chiffre, contribuent à faire monter la pression.

Propos recueillis par Sophie Besse (le jeudi 8 novembre 2007)


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