Espionnage des journalistes : la France fait bloc aux côtés de six États européens

dimanche 24 décembre 2023.
 

La France, l’Italie, la Finlande, la Grèce, Chypre, Malte et la Suède veulent torpiller la 1ere loi européenne visant à protéger la liberté et l’indépendance des médias en Europe, militant pour autoriser la surveillance des journalistes au nom de « la sécurité nationale ». Le syndicat de la Presse Pas Pareille relaye le résumé de cette affaire, et fait part de son inquiétude face à ces attaques.

Depuis plusieurs mois, la France fait pression sur ses partenaires européens pour légaliser la surveillance des journalistes en cas de menace pour la « sécurité nationale » ou dans le cadre d’enquêtes liées à une trentaine de délits (terrorisme, sabotage, arnaques ou contrefaçons). Concrètement, les appels, les e-mails et les échanges sécurisés entre les journalistes et leurs sources pourraient être interceptés — en toute légalité — par les services de renseignement

Or, ce lobbying a fait ses preuves. D’après des documents internes à l’UE que nous avons obtenus, la France est parvenue à embarquer six autres gouvernements européens dans ses visées liberticides. Cette alliance a convaincu la majorité des États membres de voter en faveur du texte.

Selon nos informations, ce sont les ministères français de l’intérieur et des armées qui militent pour un tel espionnage. Pour rappel, depuis 2019, le gouvernement français, a multiplié les intimidations contre les médias enquêtant sur des secrets d’État. À commencer par Disclose, dont quatre membres ont fait l’objet d’enquêtes menées par les services de renseignement intérieur français.

Les gouvernements des États membres, les eurodéputé·es et la Commission européenne ont jusqu’à vendredi 15 décembre pour trouver un compromis sur ce texte. Co-rapporteur de la loi européenne sur la liberté des médias, le député européen Geoffroy Didier (PPE, droite) demande « solennellement à Emmanuel Macron et au gouvernement français de renoncer à leur projet qui consisterait à pouvoir espionner légalement les journalistes ». Réponse dans quelques jours…

­Après avoir été perquisitionnée et placée en garde à vue 39 heures par la DGSI en septembre, j’ai été invitée à témoigner par le Parlement européen, le 17 octobre dernier, des attaques contre la liberté de la presse en France. Au même moment, les eurodéputé·es venaient de finaliser leur proposition de loi, appelée « European Media Freedom Act », visant à renforcer les protection des journalistes. J’en ai donc profité pour rencontrer des sources au cœur des négociations qui m’ont alertée sur l’activisme du gouvernement français pour introduire une dangereuse dérogation au nom de la sécurité nationale.

Avec le collectif de journalistes Investigate Europe, un partenaire de Disclose et le premier à avoir révélé, l’été dernier, que l’Union Européenne s’apprêtait à autoriser la surveillance des journalistes, nous avons décidé d’allier nos forces pour enquêter sur la suite des négociations, qui se passent hors de tout contrôle démocratique. Très vite, nous avons été aidé·es dans notre enquête par le média d’investigation néerlandais Follow the Money.

C’est la première fois que je travaille sur une enquête qui peut avoir un impact direct sur ma vie et le travail de toute ma profession. Comme le dit mon confrère Harald Schumann, d’Investigate Europe : « l’impartialité est impossible face à une loi qui menace notre liberté ». Cela ne signifie pas que nous avons changé nos méthodes de travail, ni abandonné notre déontologie : nous nous appuyons sur des documents internes et avons demandé aux gouvernements d’expliquer leur position — la moitié seulement l’ont fait.

En revanche, nous avons choisi la date de la publication avec soin : elle intervient trois jours avant le dernier tour de négociations, vendredi 15 décembre, afin d’essayer de provoquer un sursaut européen. Pour lui donner un maximum d’écho auprès des décideurs européens, nous la publions avec onze médias partenaires : en Allemagne (Zeit Online), Autriche (Standard), en Belgique (EU Observer), à Chypre (O Phileleftheros), en Espagne (Infolibre), en Finlande (Iltalehti), en Italie (ll Fatto Quotidiano), en Grèce (Reporter United), à Malte (The Times of Malta), en Pologne (Gazeta Wyborcza) et au Portugal (Público).

Ariane Lavrilleux (Disclose),

avec le soutien de tous les médias membres du Syndicat de la Presse Pas Pareille (Mouais le mensuel, Inf’OGM, L’Empaillé, L’Âge de Faire, Le Poing, les Autres voix de la presse, S !lence, Fakir, le 32, Le Chiffon, Rebonds, No Go Zone, La Brique, Le Petit ZPL...)

https://blogs.mediapart.fr/sppp-syn...


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