"On est face à un carnage" : l’appel de Médecins du monde pour un cessez-le-feu à Gaza

mardi 26 décembre 2023.
 

"On est face à un effondrement du système de santé, avec des institutions qui ne fonctionnent plus et des civils qui sont dans une situation de stress totale, explique Jean-François Corty, vice-président de Médecins du monde, dans Apolline Matin ce lundi sur RMC et RMC Story. L’aide humanitaire est sous-proportionnée. On est face à un carnage. C’est pour ça que la diplomatie française, l’Europe, les Etats-Unis, doivent insister pour qu’au Conseil de sécurité de l’ONU, un cessez-le-feu soit prononcé aujourd’hui. Sinon, on va vers une mort certaine de dizaine de milliers de civils. Cette situation est insupportable."

"La perspective de la journée, c’est la mort"

"La plupart des hôpitaux ont été détruits, des centres de santé aussi, décrit ce médecin, en contact avec ses collègues sur place. Des écoles où logent des familles sont aussi bombardées. Il y a près de 20.000 morts, avec une majorité de femmes et d’enfants. Nos équipes sont soumises au même régime que les Gazaouis. Elles ne peuvent pratiquement plus travailler. Il n’y a que quelques humanitaires, dont des collègues de Médecins sans frontières, qui arrivent un peu à travailler dans le sud. Nous avons du mal à faire entrer le matériel, à assurer la sécurité de nos équipes. Les humanitaires ne sont pas des martyrs. Nous avons déjà eu un mort et c’est plus d’une centaine de morts chez les Nations unies, quatre morts chez Médecins sans frontières. On ne peut pas travailler dans ces conditions."

"Ils sont aussi soumis à des épidémies de grande précarité, hépatite A, infections digestives, parce qu’ils ont des difficultés à avoir accès à l’eau et à la nourriture, ajoute Jean-François Corty. Ma collaboratrice, qui vient d’avoir un bébé il y a trois semaines, qui est sur place, son bébé tousse à cause des bombardements à proximité et de la fumée. Elle a du mal à le nourrir tous les jours. Elle lui fait boire de l’eau saumâtre. Et l’eau saumâtre, pour les enfants en bas âge, quand vous ne pouvez pas être soigné, c’est la mort certaine dans les jours qui suivent. Nos équipes, quand on les a au téléphone, on se dit chaque jour au revoir et peut-être qu’on ne va pas les avoir au bout du fil le lendemain parce que la perspective de la journée, c’est la mort, dans un contexte où on a faim, où on ne peut pas être soigné."

"Les hôpitaux, ce sont des morgues"

Selon le vice-président de Médecins du monde, "dans le sud, il reste deux, trois hôpitaux qui sont saturés de blessés et de malades classiques parce qu’on ne peut plus assurer les soins, comme l’asthme, le diabète, et on reçoit aussi beaucoup de morts". "Donc ces hôpitaux, ce sont des morgues, souligne-t-il. Il faut imaginer qu’on a officiellement 50.000 blessés, probablement plus. Et ce sont beaucoup d’enfants qui ont des brûlures, des membres écrasés, des infections importantes qu’on ne peut plus traiter avec des antibiotiques qui ne rentrent pas. La situation est catastrophique. C’est une journée de mobilisation mondiale, dans plus de 90 pays. Des associations et des Etats demandent un cessez-le-feu. Ce n’est pas un point de vue idéologique, mais opérationnel. L’aide est massivement prépositionnée en Egypte. Elle peut rentrer à Kerem Shalom et Rafah. Mais les conditions de sécurité ne sont pas requises. On ne veut plus avoir d’aidants, de soignants, d’humanitaires qui meurent sous les bombes. Il faut un cessez-le-feu pour que cette aide soit proportionnée, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui."

Après une semaine de trêve fin novembre, qui a permis la libération de certains otages du Hamas et l’entrée d’aide humanitaire, la reprise des combats a bloqué le soutien à la population gazaouie. "Ce sont quelques dizaines de camions qui rentrent chaque jour et qui ne touchent que le sud de la bande de Gaza. L’aide ne rentre pas dans le nord. Mais ce n’est tout de la faire rentrer, explique Jean-François Corty. Il y a un défi logistique, il faut trouver des endroits pour la stocker. Médecins du monde, on a fait rentrer un kit médical pour pouvoir soigner près de 20.000 patients sur trois mois, au moment de la trêve. Et on ne sait pas où il est ce matériel. On était en train de s’organiser, de reprendre un peu de souffle, mais les bombardements ont repris de plus belle, de manière indiscriminée. Aujourd’hui, nos équipes cherchent à manger et à boire avant de savoir comment elles vont pouvoir distribuer une aide qu’elles n’arrivent plus à localiser."


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