Le Venezuela va-t-il envahir le Guyana (1) ?

dimanche 4 février 2024.
 

Ecoutez le commentaire partisan de Emilie Aubry dans son émission « le dessous des cartes » sur ARTE.

https://www.arte.tv/fr/videos/11286...

Un commentaire très orienté, donnant des informations très « approximatives »... « Nicolas Maduro dirige le Venezuela d’une main de fer depuis 2013 »

Emilie Aubry laisse penser que c’est une dictature féroce alors que de nombreuses élections ( 30 en 24 ans ) s’y déroulent depuis l’arrivée au pouvoir de Hugo Chavez selon un code électoral le plus sûr du monde – dixit le Président Jimmy Carter -. Il existe des partis d’opposition qui participent aux scrutins - lorsqu’ils ne les boycottent pas -. La presse est libre avec des radios, des TV et des journaux de toutes tendances quoique les plus nombreux sont ceux de l’opposition.

« .. se prépare-t-il à faire main basse sur l’Esequibo, une région riche en pétrole et en gaz appartenant à l’État voisin du Guyana ? »

Emily Aubry insinue que Nicolas Maduro est un gangster qui s’apprête à voler une partie du Guyana, elle affirme que l’Esequibo appartient au Guyana alors que justement cette région est l’objet du litige entre les deux pays.

Ce territoire faisait partie intégrante du Venezuela lors de son indépendance en 1811. Mais en 1840, profitant des difficultés du jeune État à contrôler ses frontières, le Royaume Uni s’approprie la région et l’annexe à sa colonie guyanaise. Une annexion jamais reconnue par le Venezuela..

« ...un pays paradoxal, l’un des plus pauvres d’Amérique du Sud alors qu’il possède les plus importantes réserves de pétrole de la planète » C’est faux : le Venezuela n’est pas un pays pauvre. Il possède du gaz , du pétrole, de l’or, des métaux de toutes sortes. Les pénuries des produits de première nécessité et l’hyperinflation sont deux problèmes récurrents qui ont pour origine une mauvaise organisation de l’économie du pays basée sur la rente pétrolière pendant des décennies et lorsque le prix d’exportaion du pétrole s’effondre comme en Avril 2020 c’est toute l’économie du pays qui chute .

Mais c’est aussi le blocus imposé par les Etats-Unis qui provoque les plus grandes difficultés économiques du Venezuela : 930 sanctions illégales qui excluent le pays des financements internationaux et l’empêchent d’acheter des médicaments, de la nourriture, de produire ou de vendre son pétrole.

Emily Aubry n’explique pas l’origine du litige qui existe entre le Venezuela et le Guyana depuis longtemps ni le rôle d’Exxon Mobil et des Etats-Unis... Au départ c’est donc un problème de frontière comme il en existe ailleurs.

Ainsi, la frontière entre le Surinam et la Guyane française fait l’objet d’un différent qui n’est pas encore réglé après plus d’un siècle de négociations et un problème semblable oppose le Guyana et le Surinam au sujet du tracé de leur frontière maritime. Derrière ces litiges il y a une odeur de pétrole…

L’Esequibo faisait partie intégrante du Venezuela lors de son indépendance en 1811. Mais en 1840, profitant des difficultés du jeune État à contrôler ses frontières,le Royaume - Uni s’approprie la région et l’annexe à sa colonie guyanaise. Une annexion jamais reconnue par le Venezuela. En 1841, un explorateur, Robert Hermann Schomburgk, arrive en tant que représentant du gouvernement du Royaume -Uni afin d’étudier la colonie et d’en fixer les frontières orientales et occidentales. Le résultat est une ligne de démarcation provisoire entre la Guyane britannique et le Venezuela connue sous le nom de ligne Schomburgk.

Cette ligne provisoire est fortement contestée par le Venezuela.

La controverse dure pendant des années et en 1899, un tribunal arbitral est convoqué à Paris pour régler la question. Les juges sont britanniques, américains et russes, pas un seul Venezuelien ! Les Etats-Unis, s’appuyant sur la doctrine Monroe, s’arrogent le pouvoir de représenter le Venezuela. Sans surprise, la sentence profite à la Grande Bretagne. Le Venezuela a continué à lutter contre ce vol judiciaire de la terre qui avait toujours fait partie de son territoire. Après de longues luttes diplomatiques, un accord est trouvé en 1966 à Genève, accepté par les deux parties : d’une part les conclusions du Tribunal de Paris de 1899 sont annulées, d’autre part le Venezuela et le Guyana sont obligés de « négocier à l’amiable et de bonne foi pour résoudre toutes les questions concernant l’Esequibo ».

Exxon Mobil en embuscade, soutenu par les Etats-Unis

Exxon Mobil (2), société pétrolière étatsunienne, a découvert du pétrole sur terre et en mer dans le territoire contesté. Cela a mis fin à toutes les négociations à l’amiable en cours entre le Venezuela et le Guyana car la compagnie pétrolière a versé des millions de dollars au gouvernement du Guyana afin que celui-ci se retire des pourparlers, dénonce l’accord de Genève de 1966 et demande l’application de la décision du tribunal de Paris de 1899. Mais le plus dangereux, c’est que Exxon Mobil exhorte le Guyana à provoquer agressivement le Venezuela pour que celui-ci riposte et que le Guyana puisse se présenter au monde comme une « victime » du Venezuela. L’objectif est de provoquer une guerre frontalière qui donnerait un bon prétexte aux Etats-Unis pour envahir le Venezuela, provoquer un changement de régime et s’accaparer des richesses minières de ces deux pays. La flotte du commandement sud des États-Unis est déjà stationnée dans les eaux au large de l’Esequibo et le Guyana a officiellement exprimé son accord pour que des bases militaires états-uniennes s’y établissent. Le Venezuela recherche une issue pacifique Nicolas Maduro a organisé un referendum le 3 décembre dernier afin d’obtenir l’appui de son peuple dans cette démarche pacifique. Les résultats de ce scrutin ont confirmé la reconnaissance très majoritaire de la population, tous partis politiques confondus, à l’appartenance historique de l’Esequibo au Venezuela. Le 14 décembre 2023, un sommet réunissant le Président du Guyana et son homologue Nicolas Maduro, se tient à Saint-Vincent et-les-Grenadines. À l’issue de ce sommet, les deux pays campent sur leur position mais ils s’accordent « pour ne pas utiliser la force » et à « s’abstenir en paroles, en actes, d’intensifier tout conflit » selon une déclaration commune. Qu’en disent les habitants de l’Esequibo ? L’Esequibo est un grand territoire de 159 000 km² mais très peu peuplé ( 0,8 hb /km²). De nombreux autochtones de l’Esequibo se considèrent comme des Vénézuéliens, ou du moins comme ayant une double nationalité. Depuis le gouvernement Chávez, le Venezuela propose des projets conjoints qui profiteraient aux deux pays, en particulier à la population de l’Esequibo, tout comme il exploite efficacement et à l’amiable le gaz avec Trinité-et-Tobago sur les mers partagées. Notes (1) Ce territoire fut une colonie néerlandaise entre le XVII ème siécle et 1796. Il devint britannique de 1796 à 1816. A cette date, une partie fut restituée aux Pays-Bas. Aujourd’hui , il y a deux pays indépendants : le Guyana qui est l’ex-Guyane britannique, le Surinam qui est l’ex-Guyane néerlandaise. (2) Exxon Mobil est peut-être la compagnie pétrolière la plus criminelle du monde. Rappelons -nous la catastrophe du pétrolier l’Exxon Valdez en 1989, qui se solda au bout de 20 ans de procédure par le versement à l’Alaska d’une somme dérisoire de 507 millions de dollars. Un lourd contentieux existe entre le Venezuela et Exxon Mobil : à partir de 2006, le gouvernement de Chávez a entamé un cycle de nationalisations, avec le pétrole au centre. La plupart des multinationales pétrolières ont accepté les nouvelles lois pour la réglementation de l’industrie pétrolière, mais deux d’entre elles ont refusé : ConocoPhillips et ExxonMobil, elles exigeaient des milliards de dollars d’indemmnisations. Exxon Mobil n’ayant obtenu que 1,6 milliard, son PDG, Rex Tillerson, était furieux. En 2017, le Washington Post a publié : « Rex Tillerson s’est brûlé au Venezuela. Puis il s’est vengé. ExxonMobil a signé un accord avec le Guyana pour l’exploration pétrolière offshore en 1999. »


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