Assurance-chômage : la perpétuelle chasse aux pauvres du gouvernement

jeudi 7 mars 2024.
 

Les premiers retours sur la réforme de l’assurance-chômage de 2019 viennent d’être publiés. Sans surprise, elle a durement touché les plus précaires. Peu importe pour le gouvernement, qui compte bien continuer.

Si la brutalité sociale d’Emmanuel Macron et de ses gouvernements successifs avait un nom, ne cherchez plus. Elle s’appellerait assurance chômage, cela est certain. Depuis sept ans et son arrivée à l’Élysée, le chef de l’État et ses Premiers ministres se sont attaqués, acharnés, sans scrupule, à détruire les droits des chômeurs. Un par un. Le montant de l’indemnisation, la durée d’indemnisation, la durée du travail pour ouvrir des droits, les contrôles des allocataires.

Tout, ou presque, y est passé. Et toujours dans le même sens. Celui de la réduction méthodique des droits des chômeurs. Parce qu’avec l’assurance-chômage, le « en même temps » macroniste se transforme en une quatre voies rectilignes. L’autoroute de la brutalité sociale.

« On a l’impression d’avoir tout écrit et tout dit sur le sujet, tant les droits ont été attaqués ces sept dernières années », écrit, dans Mediapart, la journaliste Cécile Hautefeuille. Voilà des années qu’elle couvre, comme Politis, les attaques successives des gouvernements d’Emmanuel Macron sur l’assurance chômage. Et, sept ans plus tard, il faut bien le reconnaître, on ne sait plus trop quoi écrire quand plus rien, sauf la violence sociale, ne justifie les réformes du gouvernement. Même eux, ne se donne plus la peine, ou presque, de les justifier.

Prenons un exemple. Fin 2022, le gouvernement annonce une nouvelle réforme de l’assurance chômage. Nouvelle, car, déjà, une première réforme drastique était entrée en vigueur pas plus tard qu’un an auparavant. Pour justifier cette nouvelle attaque, le gouvernement s’appuie alors sur la conjoncture économique. Une assurance « plus stricte quand trop d’emplois sont non pourvus, plus généreuse quand le chômage est élevé », explique Emmanuel Macron.

C’est ce qu’on appelle la contracyclicité. Un modèle par ailleurs contestable tant raisonner en termes de marché du travail « national » n’a que peu de sens économiquement. « Autour de moi, j’ai des doctorants qui ne trouvent pas tout de suite un poste de maître de conférences à la fin de leur doctorat. Et on devrait leur faire subir une baisse de leur assurance-chômage parce qu’il y a des tensions de recrutement dans le secteur de l’hôtellerie ? C’est extrêmement brutal comme raisonnement », expliquait, dans Politis, Mathieu Grégoire, sociologue du travail, spécialiste de la question.

Mais peu importe. Le gouvernement, au prétexte d’un taux de chômage légèrement en baisse, a durci les droits des chômeurs, réduisant notamment de 25 % la durée d’indemnisation.

Discours simpliste et obsession

Sauf que, manque de pot pour un président de la République obsédé par son objectif du plein-emploi, moins d’un an après l’entrée en vigueur de cette réforme, le taux de chômage repart légèrement à la hausse. Et les projections de l’Insee ne sont pas bonnes. On parle même d’un taux de chômage atteignant les 8 % début 2025. En réaction, le gouvernement choisit-il de protéger les chômeurs ? Absolument pas. Ni une, ni deux, il annonce, de nouveau, vouloir durcir les règles. En contradiction, donc, avec le discours qu’il portait il y a tout juste un an.

Derrière ce matraquage figure, toujours, la même idée. Celle des ‘chômeurs assistés’.

Derrière ce matraquage figure, toujours, la même idée. Celle des « chômeurs assistés », aussi appelée les « chômeurs profiteurs ». Une illusion mainte fois démentie par différentes études et chercheurs. Rappelons ainsi que, fin 2022, parmi les plus de 5 millions de personnes inscrites à Pôle emploi, seulement 40 % étaient réellement indemnisées. Et près de la moitié de ces dernières travaillent déjà en touchant, en complément, une allocation. Mais malgré ces chiffres, ce discours simpliste fonctionne, après un martèlement médiatico-politique sur ces « assistés » qui videraient les caisses publiques.

Pour le gouvernement, l’objectif de cet acharnement est double : faire des économies, déjà. Les réformes successives ont permis à l’Unedic, en charge de l’assurance-chômage, de dégager plusieurs milliards d’excédents. Le second, permettre aux métiers en tension – bien souvent les plus durs et mal rémunérés – de recruter sans avoir à améliorer les conditions de travail.

À ce titre, il est toujours bon de relire les conclusions de la Dares, l’institut statistique du ministère du Travail, sur les difficultés de recrutement que connaissent certains secteurs aujourd’hui : « Il semblerait que la forte poussée des tensions et l’apparition d’un désalignement inhabituel entre difficultés de recrutement et chômage en France sur ces cinq ans résultent moins d’un problème de formation, déjà existant, que d’un problème d’attractivité dans une trentaine de métiers. Si les actions d’amélioration de la formation (initiale comme continue) sont nécessaires pour résoudre les problèmes structurels de compétences, l’apaisement des difficultés de recrutement (et la baisse du chômage) pourrait donc aussi passer par l’amélioration des conditions de travail et/ou la revalorisation des salaires dans certains métiers. »

La semaine passée, un rapport intermédiaire, sous l’égide de la Dares, a été publié sur les premiers effets de la première réforme de l’Assurance chômage, celle de 2019. Il note, ainsi, que si retour à l’emploi il y a eu parfois, ce retour se fait bien souvent au détriment de leur qualité. La perte de revenu issue de cette réforme peut ainsi amener les demandeuses et demandeurs d’emploi « à accepter plus systématiquement les offres d’emploi qui leur sont proposées, au détriment de la qualité de l’emploi retrouvé ». Comme des CDD courts (moins de deux mois) ou des missions d’intérim.

Entre 390 000 et 690 000 personnes par an n’ont pas recours à l’assurance-chômage alors qu’elles y auraient droit.

Ce rapport met aussi en évidence que cette première réforme a particulièrement touché les plus précaires et les jeunes. Ainsi, ce sont ces deux populations qui ont, de loin, le plus subi le nouveau calcul du salaire journalier de référence (SJR) – autrement dit, le montant de l’allocation. « La part des personnes impactées par le changement de la formule de calcul du SJR varie selon les populations. Les cadres et les personnes qui perdent un CDI sont particulièrement peu affectés (19 %). À l’opposé, les allocataires qui s’inscrivent après un dernier contrat en CDD ou en intérim le sont particulièrement plus (respectivement 64 % et 87 %). L’âge est aussi un facteur discriminant : 68 % des moins de 25 ans sont concernés par le changement de mode de calcul du SJR, contre 33 % des 55 ans ou plus. »

Le rapport note toutefois que cette baisse de l’allocation a été contrebalancée par une hausse de la durée d’indemnisation. Une légère amélioration que le gouvernement, dans sa seconde réforme, s’est appliqué à immédiatement détruire en réduisant de 25 % la durée d’indemnisation pour tous et toutes.

Cet acharnement devrait donc se poursuivre. Gabriel Attal a déjà annoncé vouloir tripler les contrôles des allocataires pour arriver au chiffre – ahurissant – d’1,5 million de contrôles annuels en 2027. Une chasse aux pauvres délirantes alors qu’une étude de la Dares a récemment montré qu’entre 390 000 et 690 000 personnes par an n’ont pas recours à l’assurance-chômage alors qu’elles y auraient droit. Ce qui représente entre 25 et 42 % des salariés éligibles à cette allocation à la fin de leur contrat. Une manière, en fait, de toujours plus stigmatiser les chômeurs.

De nouvelles mesures sont également attendues sur la durée d’indemnisation, qui, selon un chiffrage consulté par Mediapart, pourrait être baissée d’encore 20 %, ou sur les droits au chômage des seniors. Le tout, quelques semaines seulement après avoir annoncé la suppression de l’allocation spécifique de solidarité (ASS), une aide pour les chômeurs en fin de droits. Une brutalité inouïe.

Par Pierre Jequier-Zalc


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