Forum thématique sur les Socialistes et l’individu : L’égalité d’autonomie, un outil de réconciliation de la société avec ses individus (Régis Juanico, député de la Loire)

dimanche 30 décembre 2007.
 

Les inégalités sont à la source de l’individualisme

Considéré comme utopique, même dans notre propre camp, le combat pour l’égalité est aujourd’hui mis de côté alors qu’il est le seul moyen de parvenir à reconstruire un vivre ensemble dynamique dans lequel chaque individu se sentirai membre d’un tout. Or notre société voit les inégalités se creuser sans cesse, que ce soient les inégalités de naissance, les inégalités dans les parcours scolaires, les inégalités dans l’accès au marché du travail mais aussi dans les conditions de travail ou la fin de carrière. Ces constats, nous les avons tous faits, mais apparemment, les solutions que nous avons proposé lors des dernières échéances électorales n’ont pas été suffisamment cohérentes et crédibles.

Le lien entre la société et l’individu est entretenu et prend son sens dans les protections et les garanties d’égalité de traitement que le collectif peut apporter aux individus. Ainsi, les nombreux quartiers, dans lesquels la promesse d’une égalité de traitement par la République de chacun de ses citoyens n’est plus respectée, sont de véritables laboratoires de l’individualisme. la loi du plus fort y règne, l’obscurantisme reprend la place que les services publics ont abandonné et le seul échappatoire réside dans la perspective de pouvoir déménager un jour futur.

Les structures collectives sont les outils indispensables de la transformation sociale

Ceendant, les comportements que nous décrivons aujourd’hui et auxquels nous avons à faire face dans notre pratique militante au quotidien ne sont pas une nouveauté en tant que telle.

Nous nommons « individualisme » une forme de repli sur soi, un prétendu rejet de notre modèle social, ainsi qu’une aspiration consumériste de nos concitoyens. Cette réaction s’est produite à chaque fois, dans l’histoire de nos sociétés, quand les structures collectives n’ont plus joué leurs rôles de protection face aux agressions, de protection face aux aléas de la vie et d’ascenseur social.

Et pourtant, les enjeux auxquels nous allons devoir répondre ne pourrons pas trouver d’issue sans solutions collectives. Le défi environnemental nous demandera forcément des investissements massifs dans la recherche, dans les transports et dans le développement des énergies alternatives. La crise du logement ne sera certainement pas résolue par les seuls promoteurs immobiliers et la pérennité de notre système de retraite par répartition ne sera assurée que si, collectivement, nous décidons d’en avoir la volonté politique.

C’est en cela que le défi qui nous est posé ne réside pas seulement dans des solutions d’ordre technique et pratique de mise en oeuvre de nouveaux mécanismes de solidarité et de cohésion. Nous sommes face à un rouleau compresseur idéologique que nous nous sommes, apparemment, résignés à ne plus combattre.

Au delà de simples propositions techniques, nous devons mener une bataille culturelle

Chaque jour, dans l’ensemble des médias, cette idéologie dogmatique qui consiste à dénoncer l’interventionnisme d’un Etat forcément mauvais gestionnaire et d’une dette publique forcément néfaste, nous prive, en tant que socialistes, des outils de redistribution collectifs indispensables à l’application d’un projet de transformation sociale. Au sein même de notre parti, cette entreprise de déconstruction intellectuelle a eu des effets bien visibles sur nos camarades, avec pour preuve la réussite de l’opération de débauchage menée par N. Sarkozy.

Nous devons mener, dans tout les lieux d’expression et par tout les médias, un combat idéologique, une bataille culturelle pour proposer une alternative à la société du « chacun pour soi » et du « tous contre tous » portée par la droite. Face à l’isolement des individus, à l’atomisation de notre société, il nous faut réincarner un lien social.

Si le socialisme est bien un individualisme, c’est à dire une pensée qui met l’individu et son émancipation individuelle au coeur de son projet, il est certain que les seules solutions pour y parvenir sont collectives.

Face à l’égalité des chances, l’égalité d’autonomie

C’est en cela que le mythe de l’égalité des chances qui ne consisterait qu’à faire en sorte que les chances soient égales sur la ligne de départ, sans prendre en compte les inégalités de résultat, ne peut nous satisfaire. On oublie trop vite la violence et les injustices de cette compétition, qui ne repose que sur la fiction du mérite. Cette conception vise à faire reposer l’échec de la promesse républicaine sur les seules responsabilités individuelles en occultant totalement les responsabilités collectives.

Cette pensée dominante doit être combattue pour prôner au contraire, une société dans laquelle chacun a le droit et surtout les moyens de faire ses choix de vie de manière autonome, et ce, tout au long de celle-ci. Cette égalité d’autonomie est une conception exigeante de l’égalité qui fait de l’égalité des droits un préalable, de la concrétisation de ceux-ci un souci permanent, de l’égalisation des conditions de vie une préoccupation essentielle. Concrètement, au lieu de se servir de nos structures collectives pour réparer les méfaits d’un système qui ne fonctionne pas, nous devons impérativement les utiliser comme outil d’amélioration en amont de nos conditions de vie.

Mais ce droit à l’égalité d’autonomie ne doit avoir pour autre devoir que celui d’assurer, pour la génération suivante, le même droit. C’est pourquoi cet horizon collectif ne peut pas reposer sur un donnant-donnant déséquilibré et stigmatisant, car ce principe théorise l’échec des solidarités collectives et entérine l’isolement de l’individu face à sa condition personnelle. Dans une société où perdurent les privilèges de naissance, notre combat socialiste est bien de promouvoir la solidarité entre les générations et de permettre, par exemple, à un jeune de sortir des schémas de reproduction sociale sans pour autant le stigmatiser et l’accabler en exigeant de lui ce que l’on ne demandera pas à un fils d’industriel.

Socialistes, nous devons donc nous fixer comme objectif de donner du sens à un projet collectif tout en parvenant à expliquer et à convaincre qu’un projet collectif ne signifie pas l’abandon de perspectives individuelles et d’accomplissement personnel. Cela devra passer par une égalité d’autonomie afin que chacun ait la possibilité d’assouvir ses ambitions, dans la pleine reconnaissance de ses capacités.


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