Des cheminots expliquent pourquoi ils tiennent à leur régime de retraite (article de La Croix)

mardi 20 novembre 2007.
Source : La Croix
 

Beaucoup de cheminots disent avoir accepté des conditions de travail particulières en échange de l’assurance de pouvoir partir plus tôt à la retraite

Oui, Cyril, 41ans, dont quinze à la SNCF, le dit tout haut. Il se sent « lé­gitime » à défendre sa retraite. Car, dit-il, « quand on est entré à la SNCF, on a accepté tout un tas de contraintes parce qu’on pensait qu’on partirait plus tôt. » Ce cadre, qui a été conducteur de train pen­dant neuf ans, en convient : on n’est plus au temps du charbon. « Mais, assure-t-il, il y a d’autres pénibilités. »

Les locomotives ont souvent près de 30 ans ; ce qui signifie qu’il y a fréquemment de petites pannes. « Or, explique Cyril, quand la machine s’arrête, non seulement le conducteur doit gérer la panne tout seul, avec le régulateur qui lui met la pression pour réagir vite, mais il doit aussi gérer les voyageurs, qu’il faut convaincre de ne pas descendre du train. C’est très stressant. » Et puis, fait encore observer Cyril, « à la SNCF, il y a 500 “acci­dents de personnes” chaque année.

En clair, cela veut dire que chaque conducteur fait face à au moins un suicide sur la voie dans sa carrière. Moi, j’en ai connu trois. » Enfin, précise-t-il, il y a les « décou­ chés » : « Un conducteur TGV qui fait Nice-Paris, dort en moyenne deux fois par semaine en dehors de chez lui. Quand on a des gosses, on ne les voit pas. » Certes, admet Cyril, les conducteurs de trains, qui représentent moins de 10 % des effectifs cheminots, dispo­sent d’avantages. En particulier, ils bénéficient des fameuses « bo­nifications », qui leur permettent grosso modo de partir cinq ans avant les autres cheminots. Christophe, lui, n’a pas de « boni­fication ».

Aujourd’hui permanent syndical, celui qui fut quinze ans « sur le terrain », en tant qu’agent de maintenance de l’infrastruc­ture, estime que ses collègues ont « un boulot aussi pénible que dans le bâtiment parce qu’ils manient la pioche et le marteau-piqueur été comme hiver » . Or, témoigne-t-il, les conditions de travail se sont beaucoup dégradées. « Quand j’ai été recruté, on ne travaillait jamais de nuit. Mais c’est de moins en moins le cas. » La preuve, poursuit-il : « J’ai un collègue qui a travaillé 70 nuits en 2006 ! » Qui plus est, « alors qu’auparavant le travail de nuit nous valait une prime de 15 €, la direction locale a dénoncé cet accord ! »

Résultat : « Le salaire d’un agent de voie dépasse rarement les 1 500 € net primes et nuits comprises », alors que, d’après la direction, le salaire net moyen de l’ensemble des che­minots atteint 1 958 €. Sophie, guichetière, est loin de cette moyenne, elle aussi. « Si j’étais à plein-temps, je gagnerais 1 500 € net, calcule-t-elle, y com­pris la prime que je touche parce que je parle deux langues. » Cette trentenaire, qui travaille depuis dix ans au guichet, assure, elle aussi, que les conditions de travail se sont dégradées. « Et encore, nuance-t-elle, moi je n’ai à pas me plaindre, je ne fais pas d’horaires décalés », comme c’est le cas pour 75 % des cheminots, selon la SNCF.

Temps de pause « fliqué », séance de travail « listée par ordinateur pour voir le nom­bre de billets vendus », les choses ont bien changé, selon elle. « La SNCF veut qu’on devienne des commerciaux. On nous donne des objectifs de vente à atteindre - tant de billets première classe à vendre, tant de billets + hôtels -, alors que les usagers, ce qu’ils veulent, c’est juste acheter un billet. Pour beau­coup d’agents, cela va à l’encontre de nos missions de service public, raconte encore la guichetière.

D’autant que, quand la direction décide d’une nouvelle politique tarifaire, on se retrouve seuls à en assumer les conséquences face aux usagers. Parfois, c’est difficile, il y en a même qui jettent des objets sur le guichet. »

de Birchem Nathalie

La Croix du 19 novembre 2007


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