Protégez la gauche des idées de Manuel Valls !

vendredi 23 novembre 2007.
 

Non pas que ces idées soient très remarquables, ni très fouillées telles qu’elles ont (encore !) été exprimées sur France inter ce mercredi 21 novembre. Mais elles tirent à droite le PS alors que ce dont il a besoin, c’est surtout d’être tiré à gauche !

Ce qu’il manque au Ps c’est une équipe dirigeante capable de soutenir les mouvements sociaux en cours et leurs objectifs, pas de s’aligner sur la minorité de la gauche chéréquienne.

Suivre la direction actuelle de la confédération CFDT c’est s’aveugler et se minoriser : celle-ci avait déjà perdu 100 000 adhérents, de 6 à 8 % des voix aux élections professionnelles, connu une crise récurrente, après sa signature-trahison pour la loi Fillon de mai-juillet 2003, voilà qu’elle recommence, et abandonne, encore l’unité syndicale, les mouvements en cours... (Elle va encore en payer le prix, hélas pour le syndicalisme et pour nombre d’adhérents CFDT, pas consultés et qui ne sont pas d’accord).

Le Ps, c’est les 35 h, la retraite à 60 ans, la hausse du Smic, la défense de la Sécu, en un mot, dans l’Histoire, comme dans la pratique actuelle, c’est, ce devrait être la défense et l’élargissement des conquêtes sociales !

Pour Manuel Valls, il faut abandonner la retraite à 60 ans (pour laquelle il a pourtant encore lui même voté dans la « synthèse » de novembre 2005 et le « projet » socialiste de juillet 2006...), lâcher les 35 h et se « moderniser » en reprenant l’essentiel des thèses de la droite (sécurité, immigration, compétition, concurrence, etc.)...

Que le Ps se protége de ces idées courtes !

Manuel Valls ne doit pas savoir que les Français, dans la vraie vie, dans le réel, travaillent en moyenne 37 annuités et il fait semblant de ne pas savoir que leur proposer, leur imposer de travailler 40, demain 41 annuités, relève de l’escroquerie propre aux libéraux : cela revient à exiger des salariés un objectif inatteignable, qu’ils “sautent à la perche sans perche”, et donc que le niveau de leur retraite baisse...

Il paraît que cela s’imposerait à cause de l’allongement de l’espérance de vie : de qui ? De celle de quelques dizaines de milliers de cadres supérieurs bronzés et vitaminés grâce à leurs stocks option ? Pas celle de millions d’employés et d’ouvriers, de salariés usés par la violence au travail et qu’on met, pour 2 sur 3, au chômage à partir de 55 ou 57 ans... En 2003, l’espérance de vie, en France a reculé d’un mois... Et les naissances sont 2,5 fois plus élevées que celles prévues dans le rapport Charpin. On peut payer les retraites à 6O ans et à 55 ans dans les métiers pénibles, en faisant varier les cotisations sociales autant que de besoin : le COR a calculé qu’avec 0,36 % de hausses des cotisations sociales, patronales et salariales, c’était possible ! Mais le Medef-UIMM ne veut rien savoir, il ne se préoccupe que de distribuer ses 600 millions d’euros d’argent sale en liquide pour casser les grèves...

Manuel Valls ne doit pas savoir qu’après 55 ans, deux maladies sur cinq qui se déclarent sont directement liées au travail... Oh, comme les autres, il a des petites phrases, bien vagues, et sans portée, pour les « métiers pénibles » : mais alors qu’il s’acharne contre les 18 000 conducteurs de train, que propose t il pour les 1,1 millions d’ouvriers du bâtiment ? Du vide !

Le PS devrait proposer la retraite à 55 ans dans le bâtiment, la protéger dans le transport routier, pour les marins, les travailleurs à la chaîne... Manuel Valls a t il déjà regardé un ouvrier du bâtiment de 55 ans derrière son marteau piqueur ? S’est-il demandé pourquoi tant d’inaptitudes médicales à partir de cet âge ? Sûrement que Manuel Valls doit dire, comme la droite, que les « seniors » doivent travailler plus longtemps : mais s’est-il renseigné sur l’effet pratique de la loi Villepin d’avril 2006, concernant les CDE ? (contrat dernière embauche, ceux qui prévoient de remplacer la catégorie 5 des Assedic, entre 57 et 60 ans, par deux possibles CDD de 18 mois consécutifs : combien y en a t il de ces CDD depuis 16 mois en France ? Il y en... 40 !)

Manuel Valls doit encore argumenter sur le fait qu’en Europe, par exemple, en Allemagne ou en Grande-Bretagne, l’âge officiel de départ en retraite soit 65 ou 67 ans... mais il doit encore ignorer, que l’âge réel, de départ est en moyenne de 57 ans... comme chez nous... là-bas comme ici, les technos libéraux racontent des salades...

Manuel Valls ne doit pas savoir que la France n’a jamais été aussi riche : il cite les 15 milliards de cadeaux aux riches de Sarkozy, mais il ne cite pas les 80 milliards d’euros qu’ont encaissé en plus les 500 premières familles de ce pays en 2006 par rapport à 2005 (ce sera davantage cette année !). Manuel Valls ne cite pas les 100 milliards d’euros de bénéfices du CAC 40, les 12 à 13 milliards de Total, les 3 milliards de manque à gagner de la Sécu par rapport aux stocks option, aux parachutes dorés, aux retraites des privilégiés... Qu’est ce que c’est à côté, les 90 millions d’euros qui sont en jeu à la Sncf ? epsilon, pourquoi ne pas le mettre en évidence ?

Manuel Valls parle de la Dette, dans notre pays qui est le premier au monde en matière d’épargne : va t on mettre comme priorité de faire rembourser par les enfants des pauvres la dette aux enfants des riches ? Ou augmenter les impôts des riches et des sociétés ? Le Ps devrait clairement dire : nous allons faire une révolution fiscale et redistribuer les richesses : priorité aux impôts républicains directs et progressifs sur les fortunes et les sociétés, et recul des impôts injustes de type indirects et proportionnels.

Pour la fonction publique : un fonctionnaire ca ne coûte, pas, ca rapporte ! Le Ps devrait le dire haut et fort et ne pas paraître hésiter devant la défense d’une fonction publique rénovée, renforcée. Il faut encadrer le marché par les lois de la république, et non se soumettre à sa sauvagerie, il faut défendre une économie mixte et pas une société de marché, mais ça, Manuel Valls cela lui écorcherait sans doute la bouche de le dire alors que c’est ce que le peuple de gauche aimerait entendre des dirigeants de la gauche. Ça changerait le rapport de force donnerait un débouché contre Sarkozy, personne ne va croire ni laisser dire que c’est un gauchiste sectaire comme Besancenot qui peut l’être tout de même !

Manuel Valls parle vaguement d’augmenter les salaires : mais de façon tellement vague que personne n’y croit, il ne chiffre rien, n’explique même pas que les profits aient pris 160 milliards d’euros aux salaires et que tout le mal, toute la crise de notre société, de ses banlieues, de ses hôpitaux, de ses écoles, vient de là... Tellement de travailleurs pauvres, de chômeurs, d’exclus, que seule la répression, la prison, l’autoritarisme de la droite paraît l’autre solution... mais Manuel Valls n’a pas ou plus d’idée sociale ambitieuse, il veut abandonner le nom de « socialisme », se propose comme premier secrétaire pour traîner encore plus le parti à droite, à ce qui lui ferait perdre sa base...

La base de notre parti, elle était dans la rue hier, ce sont les 93 % d’actifs qui sont salariés, qui produisent les richesses de ce pays et n’en reçoivent pas la part qu’ils méritent. Les 700 000 manifestants du 20 novembre et les millions de grévistes, c’est la partie la plus intelligente, la plus consciente, la plus mobilisée de la gauche, celle qui porte les victoires possibles, demain... celles auxquelles notre parti devrait porter toute son attention, qu’il devrait soutenir, encourager, aider, appuyer, au lieu de la désespérer...et il y avait une majorité de banderoles pour les 37 annuités, bien plus que dans les états-majors...

J’ai rencontré, hier, dans la manifestation parisienne, un militant socialiste du 92, qui est venu me voir, et qui m’a dit « - Gérard, ou est ce qu’on va ? Ils ne rendent compte de rien à Solferino ? Ils ne voient rien ? Ils se bouffent le nez, mais ne soutiennent pas... au moins dans le temps on savait se mouiller, être opposants, appuyer les luttes, mais là... c’est mou, on passe à côté, on ne répond pas ou mal. Dans nos sections, ça roupille, pas de tracts... ». Je lui ai dit que ce n’était pas tout à fait vrai, il y avait des sections socialistes, même des fédérations qui appelaient à manifester, qui soutenaient, mais que ce qui sortait du national était d’une faiblesse insigne... on pouvait, on devait mettre Sarkozy en échec, Celui-ci ne devrait pas « tenir » cinq ans, on devait soutenir les 35 h tout comme la retraite à 60 ans, c’était une conquête socialiste, bon sang... Je lui ai dit que je ne comprenais pas pourquoi on ne menait pas une campagne contre les caisses noires antigrève des 600 millions d’euros en liquide du patronat... Je lui ai appris que le Code du travail serait totalement cassé le 4 décembre prochain à l’Assemblée nationale, si on ne faisait rien, et... « on » ne fait rien... Je lui ai dit que le rapport de force pourtant n’était pas mauvais, que le salariat de notre pays etait d’un immense courage, mieux que ses dirigeants... que cette semaine de grève le prouvait et que Sarkozy aurait à payer le prix de ce rapport de force, que celui-ci allait évoluer et grandir encore, qu’un « grand espoir c’était le privé »... comme en mai 68... On est tombés d’accord, comme cela doit être le cas de 70 ou 80 % des socialistes qui ne savent plus ou se mettre quand Valls développe le genre d’idées qu’il a développé sur France inter du 21 novembre, le lendemain d’une si belle grève !

Gérard Filoche, le 21 novembre 2007


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