Article envoyé sur notre site : La guerre des agro-carburants (Par Michel MENGNEAU)

vendredi 7 décembre 2007.
 

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La guerre des agro-carburants

Un événement international qui a commencé le 9 novembre est passé inaperçu de beaucoup d’observateurs. Il s’agit du conseil économique transatlantique -initiative d’Angela Merkel du temps de sa présidence européenne- qui a pour but de constituer un marché unique entre l’UE et les Etats-Unis. D’ailleurs on pourrait se poser la question pourquoi le fac-similé de Napoléon est allé faire des mamours quelques jours auparavant au zigoto étasunien chapeauté d’un entonnoir. A l’évidence, les circonstances de cette rencontre n’étaient pas fortuites.

Ce docte conseil, qui en réalité est ni plus ni moins qu’une sorte de protection contre l’explosion économique de la Chine, est présidé par Allan Hubbard, proche du zigoto, et Günter Verheugen auquel l’on a adjoint quelques commissaires de EU, dont surtout les deux indispensables ultralibéraux, Mandelson et Mc Greevy. Au programme de la réunion diverses questions allaient être à débattre, entre autres, les droits de propriété intellectuelle, les produits pharmaceutiques, l’allégement des charges des entreprises volontairement mélangé avec celles des consommateurs (on sait jamais, y-a des mal-pensants qui auraient pu dire : trop, c’est trop), mais surtout, le sujet d’importance était « la convergence vers des spécifications au niveau mondial pour le bioéthanol et le biodiésel » (sic).

Déjà, l’on pourrait s’interroger sur le qualificatif « bio » encore une fois utilisé à mauvais escient, il eut été plus honnête de parler d’éthanol et d’agro-diésel. Bref, comme ce n’est pas ce genre de prétendu détail qui gène nos instances dirigeantes, les magouillages commerciaux avaient pris une sorte de routine lorsqu’il y eut un couac, et quel couac ! L’union européenne ne voulait pas du poulet américain à la javel, sans doute une divergence récurrente et fondamentale pour la société de demain. En tout état de cause, la cause est défendable. On connaît la façon de faire des américains qui, ayant peur de tout, n’hésitent pas à faire n’importe quoi. Mais, lorsqu’il s’agit de promouvoir leur système capitaliste, là, rien ne les arrête. Malheureusement, l’EU est à la même enseigne, donc un conflit d’intérêts, qui n’était pas principalement celui des poulets, se profilait à l’horizon...

Hormis cette anicroche, les discutions allaient conduire cahin-caha les protagonistes de ce conseil sur la voie, le boulevard, l’autoroute menant au marché juteux des agro-carburants. Où tous le monde est d’accord, c’est que d’ici quelques années il n’y aura presque plus de pétrole. Comme il n’est pas envisageable ni concevable de se passer de bagnole, les agro-carburants vont être indispensables. C’est du moins la conception de l’avenir que veut nous imposer le système ultralibéral actuel. Chacun y va alors de sa petite recette, le maïs, l’huile de palme, le jatropha, la canne à sucre, j’en passe, d’autant que toutes les pistes ne sont pas encore défrichées.

Le monde agricole va être mis à contribution. Et quelles contributions ! La terre nourricière va devenir une filiale des grands groupes pétrochimiques avec des conséquences désastreuses dont on en ignore encore l’ampleur. Pourtant l’on imagine la mine réjouie et satisfaite du citadin friqué qui regarde s’écouler du jus de betterave en faisant le plein de son gros quatre/quatre gouffre à carburant et totalement inutile pour aller faire des emplettes au super marché d’à coté. Peu importe comment ça roule, mais pourvu que ça roule !

Cependant, certains signes avant coureurs des désastres qui nous attendent sont déjà perceptibles, comme l’augmentation significative du prix des céréales. Ce qui fait dire à des personnes nourries de louables sentiments que c’est une bonne chose puisque 40% de la population mondiale vit de l’agriculture. Raisonnement des plus simpliste ! Cette embellie ne va malheureusement profiter qu’à quelques uns, en particuliers les grands céréaliers auxquels il serait plus judicieux de donner l’appellation d’agro-industriels, représentant une infime partie de la société agricole. Je ne suis pas du tout convaincu que l’humble paysan du Sénégal qui fait pousser difficilement des plants de mil épars pour nourrir sa famille puisse profiter de cette hausse exagérée. Au contraire, si une période de sécheresse survient et qu’il lui faille acheter un peu de céréale pour sustenter ses nombreux enfants et son maigre troupeau cela va lui poser problème. Non seulement à lui, mais à l’ensemble des populations aux revenus modestes qui en voyant subitement le prix de certaines denrées s’envoler craignent un avenir sombre. La poche de nouille à bas prix qui permettait de ne pas trop tirer la langue en fin de mois pourrait devenir, si ça continu, un produit de luxe...

Malgré les prémices de catastrophes humanitaires et écologiques en devenir, les acteurs de ce conseil ont continué à plancher sur la régulation du principe de généralisation des agro-carburants. Mais comme il s’agit d’une très grosse galette à se partager, il y a eu un hiatus. Comme chacun veut tirer la couverture à soi, les protagonistes de la réunion se sont accusés réciproquement de fausser la concurrence par des subventions inéquitables.

En corolaire de cette guerre mercantile, la chose la plus paradoxale dans cette affaire c’est qu’il faille allouer des subventions en vue d’une augmentation de la productivité agricole qui, à n’en pas douter, va se faire à coup d’engrais, de pesticides, de généralisations d’OGM. Le processus est d’ailleurs enclenché car pour augmenter les surfaces cultivables la commission a dèjà supprimé les jachères. Pourtant, un peu de repos à certaines terres n’était pas inutile et cela permettait aussi à la faune de trouver des refuges relativement quiets. De surcroit, en prévision de l’explosion de la demande, la commission a mis sur le marché trois nouveaux maïs et une betterave OGM. On ne sait jamais, on pourrait manquer ! Pour parachever le tout, dans le genre hypocrite on ne fait pas mieux, alors que l’on voit des prises de positions « médiaticos » enthousiastes sur la réduction des pesticides, la commission autorise pour dix ans le fipronil, molécule active du « Régent R » de BASF. A n’en pas douter, pour contourner les interdictions de certains pays à l’encontre de cet insecticide systémique, on pourrait bien retrouver ce produit sous d’autres appellations. Les butineuses n’ont qu’à bien se tenir !

Parallèlement à la désagrégation de la quintessence naturelle du monde agricole, les industriels s’en donnent à cœur joie de voir les royalties grossir dans leurs escarcelles pour finir en toute allégresse la destruction de la nature. Greenpeace, qui n’est pas en reste pour dénoncer les exactions commises à l’encontre de l’écosystème, signale dans son rapport « Cooking the climate » la réduction à néant des espaces forestiers de la Malaisie et celui d’autres régions de l’Indonésie. Saccage perpétré pour planter des palmiers à huile afin de produire des agro-carburants que l’on doit à de grands groupes industriels parmi lesquels figurent en bonne place, Nestlé, Procter et Gamble, etc. Le même danger gagne l’Amazonie car l’on commence à voir des plantations exponentielles de canne à sucre au Brésil qui, avec une demande de plus en plus importante dans les années à venir, va devoir augmenter ses surfaces cultivables au détriment du plus grand espace naturel de la planète. Que dire du jatropha, si ce n’est que l’on a déjà commencé à lui inoculer des micro-organismes dans les graines afin d’augmenter ses rendements de 20 à 30%...

L’impensable, c’est que des technocrates à courtes vues appellent cela : « du développement durable ». Ainsi que je l’avais dèjà écrit, il s’agit ni plus ni moins d’une fumisterie !

A ce sujet nous sommes assez bien servis en France par le guignol médiatique qui nous sert de président de la République. Indispensable dans tout les médias, ce Mössieur s’est gaussé haut et fort de la réussite d’un Grenelle de l’environnement dû à son initiative. La belle affaire, déjà il n’a pas voulu parler du problème du nucléaire qui sans doute posait problème à la prépondérance de la France dans ce domaine, puis une série de « mesurettes » est venue conclure le tout. Je n’ose pas écrire que c’est l’arbre qui cache la forêt, car si ça continu il n’y aura plus d’arbre, avec toute les conséquences que cela induit sur la biodiversité. Une fois de plus nous avons affaire à une mascarade éludant les vraies questions (j’ai volontairement utilisé le terme mascarade car le masque étant à double face, on peut se cacher derrière en même temps qu’il permet d’ignorer les vérités du monde environnant, plutôt que tartuferie qui pourrait être considérée comme une insulte faite à Molière).

Moralité, de qui se moque-t-on ?

La vraie question est, le système capitaliste ultralibéral et hyper-productiviste actuel est-il la solution pour sauvegarder la planète d’une dégénérescence annoncée ? Pour ma part la réponse est indéniablement Non.

Et si l’on parlait de Décroissance ?


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