Contre la décodification du Code du Travail (Intervention de Marc DOLEZ à l’Assemblée nationale)

mardi 11 décembre 2007.
 

L’Assemblée Nationale a débattu, les 4 et 5 décembre, de la recodification du Code du Travail. Ci-après, l’essentiel de l’intervention de Marc DOLEZ.

Monsieur le Ministre,

J’aimerais entrer dans le vif du sujet en vous posant cette question simple : quelles sont les intentions réelles du Gouvernement ?

On ne peut pas avancer sérieusement l’argument de la simplification : là où il y avait 271 subdivisions, il y en a désormais 1890 ; et au lieu de 1891 articles, on en dénombre 3652 ! Le tableau de concordance qui figure sur le site du ministère fait 350 pages ; et l’utilisateur devra en permanence consulter les deux parties : législative et réglementaire du code.

En vérité, les choix de réécriture ne sont pas anodins.

D’abord, le plan du code a été totalement remanié. Il n’est ni plus simple, ni moins simple ; mais les dispositions relatives au licenciement économique, par exemple, qui auraient dû figurer dans la cinquième partie consacrée à l’emploi, figurent dans la première, relative aux relations individuelles du travail : la consultation du comité d’entreprise et l’élaboration d’un plan de sauvegarde de l’emploi ont-ils pour finalité première la défense de l’emploi, comme nous le pensons, ou le traitement social de licenciements déjà décidés par l’employeur ?

Quant à la décision de scinder les articles afin, nous dit-on, qu’il n’y ait qu’une idée par article, elle aboutit à faire figurer la règle et l’exception dans deux articles différents, et donc à les mettre sur le même plan. Elle conduit aussi à un éclatement en six articles, pas tous consécutifs, des dispositions relatives aux indemnités dues en cas de non-respect de la procédure de licenciement !

Cette réécriture ne s’est pas faite à droit constant. Selon la formule du professeur Braibant, « à droit constant, on ne réforme pas, on reforme » : tel n’est pas le cas ici.

Tout d’abord, on choisit d’éclater et d’atomiser le code du travail, en externalisant de nombreuses dispositions. C’est une orientation clairement assumée, qui figure en toutes lettres dans le rapport au Président de la République sur l’ordonnance du 12 mars 2007 : il y est indiqué que les dispositions générales figureront dans le code du travail, et les dispositions particulières dans les codes spécifiques. Alors que le code du travail devrait être le cadre unifié des relations salariales, on introduit une conception sectorielle qui ouvre la porte à un droit de travail variant selon les branches d’activité. On peut se demander s’il n’y aurait pas là les prémices d’un remplacement de dispositions nationales interprofessionnelles par des normes conventionnelles de branche.

Deuxième orientation particulièrement dangereuse : le déclassement de plus de 500 articles, qui passent du domaine législatif au réglementaire. Leur modification en sera facilitée. Elle se fera dans un grand silence, sans intervention du législateur, et pourrait même être opérée dès la recodification de la partie réglementaire. Surtout, ce déclassement revient à mettre employeurs et employés sur le même plan, alors que le code du travail régit un contrat par nature inégalitaire, impliquant la protection du plus faible. Si le législateur a pris le soin de faire figurer dans la partie législative des dispositions relatives aux autorités compétentes, c’est bien pour protéger ceux qui travaillent dans cet état de subordination.

Nous ne pouvons pas ne pas voir dans ces deux orientations dangereuses, l’externalisation et le déclassement, la forte influence du rapport de Virville de 2004 et des propositions que le Medef avait formulées quelques semaines plus tard, un Medef qui rêve d’un contrat de travail assimilable au contrat civil, plaçant l’employeur et le salarié sur le même plan, et qui aspire à l’individualisation des relations du travail et à la primauté du contrat sur la loi. Face à ce que d’aucuns appellent une décodification, à ce chaos imposé au corps social, pour reprendre l’expression du professeur Teyssié, qui prévoit qu’il faudra quatre à cinq ans aux acteurs du droit social pour s’approprier le nouveau code, la sagesse serait de rouvrir sérieusement le chantier.

Toute recodification doit être basée sur la volonté de redonner au travail salarié un socle de protection clair, fondé sur le respect de la loi et de sa fonction régulatrice ainsi que sur la confiance des travailleurs et de leurs organisations syndicales. Ces deux conditions ne sont pas réunies. Parce que vous n’avez pas cette sagesse, parce que vous voulez mener cette ratification parlementaire au pas de charge et parce qu’à l’évidence, cette décodification prépare une destruction systématique, notre opposition à ce texte sera résolue.


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