Condamnation sévère pour les prisons françaises : rapport accablant du Comité européen pour la prévention de la torture

mercredi 12 décembre 2007.
 

"Traitement inhumain et dégradant." La formule, pensée et choisie comme un radical signal d’alerte, vient d’être à nouveau utilisée, à plusieurs reprises, par un rapport du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) rendu public hier. Employés pour la première fois en 2003 pour qualifier la situation de plusieurs détenus dans les prisons françaises, ces mots qui sous-entendent de graves manquements aux droits de l’homme avaient créé un choc.

"Entraves". Aujourd’hui, même s’il reconnaît certaines « améliorations », le CPT réitère sa condamnation. Lors de leur visite en France, du 27 septembre au 9 octobre 2006, les membres de cet organe de contrôle indépendant rattaché au Conseil de l’Europe ont été notamment frappés par le sort des détenus particulièrement surveillés (DPS). A l’unité d’hospitalisation sécurisée du centre hospitalier de Moulins-Yzeure (Allier), la délégation du CPT a constaté que "les détenus étaient systématiquement attachés à leur lit, sans interruption, le plus souvent avec des entraves aux chevilles et avec une main menottée au cadre du lit". Les demandes formulées par le personnel médical pour les enlever, "afin de permettre les soins dans des conditions médicalement acceptables, étaient systématiquement refusées par les surveillants et les policiers accompagnants".

A la maison d’arrêt de Fresnes (Val-de-Marne), le CPT a constaté que des détenus faisant l’objet d’une demande d’hospitalisation psychiatrique d’office devaient attendre deux à sept jours, voire plus, au service médico-psychologique, avant de pouvoir rejoindre un établissement. Pendant cette attente, « les patients présentant des états de souffrance aiguë étaient placés dans l’une des cellules d’isolement [...], obligés de rester nus en cellule, soumis à un contrôle visuel régulier du personnel pénitentiaire ».

Outre ces cas les plus graves, le rapport du CPT s’alarme des « abus de placement » des détenus à l’isolement. « La durée maximale d’une mesure de placement à l’isolement sur décision administrative est, en principe, de trois mois. Les constatations ont montré que, dans plusieurs établissements visités, l’isolement est fréquemment une mesure de longue - voire très longue - durée. » A la maison d’arrêt de Fresnes, les membres de la délégation du CPT ont rencontré un détenu à l’isolement depuis dix-neuf ans. Frappé par « l’état dramatique dans lequel se trouve la psychiatrie pénitentiaire en France », le comité s’alarme du manque de personnel médical, et notamment de psychiatres, alors même que le nombre de détenus atteints de troubles mentaux ne cesse d’augmenter.

La lecture du rapport montre que le CPT établit clairement un lien entre cette dégradation des conditions de détention, les dérives sécuritaires et le problème de la surpopulation. « La stratégie de l’administration pénitentiaire pour faire face au surpeuplement a été, à titre principal, de prévoir une augmentation de la capacité carcérale, qui devrait atteindre les 60 000 places en 2010. Des efforts ont certes été déployés pour développer des alternatives à l’emprisonnement. Cela étant, le CPT est d’avis que les résultats globaux de ces efforts ont été, dans l’ensemble, de faible envergure. »

Surnombre. En France, le nombre de personnes aujourd’hui sous écrou est d’environ 64 400, soit près de 12 600 détenus en surnombre. « L’augmentation de la population carcérale est aggravée par le nombre croissant de peines toujours plus lourdes prononcées », insiste le CPT.

de ONDINE MILLOT


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