Retraites : d’une bataille sur les régimes spéciaux à une offensive de Sarkozy contre l’ensemble du salariat

jeudi 20 décembre 2007.
 

Il ne faut pas s’y tromper : c’est une véritable guerre contre le salariat que Sarkozy vient d’enclencher en s’attaquant aux régimes spéciaux de retraites. Une guerre car la bataille des régimes spéciaux ne s’arrêtera pas là. S’il gagne Sarkozy s’attaquera non seulement, dés 2008, aux retraites de tous les salariés mais à tous les acquis sociaux.

Une stratégie guerrière

Sarkozy lui-même le reconnaît : il fera d’abord donner « l’aviation », les médias, et ensuite seulement « l’infanterie », le vote de la loi. Avec son chef d’Etat-major, Fillon, c’est une véritable stratégie guerrière qu’ils développent contre les syndicats et le mouvement social. Rien n’y manque.

La tentative d’isoler l’adversaire en brouillant le clivage Droite/Gauche : ce n’est pas la Droite qui s’attaque aux acquis sociaux, mais un gouvernement qu’elle voudrait bien faire passer pour un gouvernement « d’union nationale ». C’est ce qui explique le débauchage de Kouchner, Besson et de leurs comparses.

Le choix du terrain : les régimes spéciaux que l’ « aviation » des grands médias a pris soin de pilonner quotidiennement au nom de l’ « équité ». Déminer le chemin de l’offensive en « cédant » aux revendications de tous ceux qui ne sont pas étudiants ou salariés. Il est vrai que leurs revendications ne devaient pas trop déplaire à Sarkozy : aucune entrave à l’installation des médecins libéraux, exonération totale (pendant six mois renouvelables) des cotisations sociales et patronales pour les marins-pêcheurs...

La division de l’adversaire : refuser une négociation globale de l’ensemble des retraites pour essayer de battre d’abord les salariés des régimes spéciaux et ensuite, seulement, affronter l’ensemble des autres salariés, du public comme du privé.

La provocation : multiplier le salaire de Sarkozy par 2,72 au moment d’imposer la baisse brutale des retraites des régimes spéciaux. La duplicité : attendre que les syndicat aient lancé leur mot d’ordre de grève reconductible pour faire des propositions de dernière minute et prendre l’opinion à témoin...

Les attaques latérales : l’UMP, l’UNI préparent des manifestations d’ « usagers » contre les grévistes des services publics et contre les étudiants qui se battent contre la loi Pécresse d’ « autonomie » des universités...

Le pilonnage médiatique

Ils attaquent chaque jour les régimes spéciaux de retraite au nom de l’ « équité » mais font silence sur l’essentiel.

Les retraites des régimes spéciaux ne représenteront que 1,62 % du montant global des retraites dans 20 ans. Une goutte d’eau dans l’océan. Affirmer que leur réforme permettrait de financer l’ensemble des retraites est une supercherie. Pourquoi n’en parlent-ils jamais ? Pourquoi les grands médias ne parlent-ils jamais non plus des « retraites chapeaux » des dirigeants d’entreprise, des fonds de pension des cadres supérieurs, des milliards de compensation versée chaque année par le régime général des salariés aux régimes des agriculteurs, des professions indépendantes, des curés ? Pourquoi ne parlent-ils jamais de l’âge de départ à la retraite des militaires ? Pourquoi cachent-ils que le taux moyen de liquidation des pensions des régimes spéciaux n’est pas le taux théorique de 75 % mais le taux réel de 62 % ? Pourquoi ne peut-on jamais lire dans leurs colonnes que les cotisations retraite d’un cheminot s’élèvent à 36 % contre 26 % pour un salarié du privé et que cela peut parfaitement expliquer qu’il puisse partir à 55 ans ?

La 3ème réforme des retraites

Sarkozy veut enfoncer l’idée que les régimes de retraites sont des vases communicants et que ce qui est pris à un régime est donné à l’autre. L’expérience montre que c’est totalement faux : ce sont les profits qui raflent la mise.

En 1995, les fonctionnaires et les salariés dont la retraite relève d’un régime spécial (cheminots, gaziers, électriciens...) ont fait plier Juppé, aussi droit dans ses bottes que prétend l’être aujourd’hui Fillon. Le résultat a été bénéfique pour l’ensemble du salariat. Les fonctionnaires et les salariés des entreprises publiques ont conservé les 37,5 annuités de cotisation et pendant les huit années qui ont suivi, aucun gouvernement n’a osé s’attaquer aux retraites des salariés du privé.

En 2003, les salariés de la fonction publique ont perdu la bataille. Non seulement les salariés du privé n’en ont pas profité mais ils ont, eux aussi, été victimes de la contre-réforme Fillon et du passage à 41 années de cotisations en 2009. S’il gagne contre les salariés des entreprises publiques, c’est une 3ème réforme des retraites (après celle de 1993 et de 2003) que Sarkozy imposera à l’ensemble du salariat.

Il a déjà annoncé la fin des mesures qui avaient permis aux salariés ayant commencé à travailler à 15, 16 ou 17 ans de prendre leur retraite avant 60 ans.

Le Conseil d’Orientation des Retraites lui a donné le feu vert pour augmenter la durée de cotisation. Il fera donc passer le nombre d’annuités à 41 ou 42 pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein. Alors que la durée moyenne d’une carrière est inférieure à 37 ans dans le secteur privé, l’augmentation de la durée de cotisation ne peut signifier qu’une chose : la chute dramatique du montant des retraites.

Le Medef veut en finir avec la réforme à 60 ans et veut faire passer l’âge de la retraite à 61 ou 62 ans. Ce qui signifie que même avec 42 années de cotisation, vous n’aurez pas droit à la retraite lorsque vous atteindrez 60 ans. Et, pendant ce temps là, les profits des grandes sociétés augmentent de 15 % tous les ans, les investissements productifs stagnent au bénéfice des investissements spéculatifs.

Tous les salariés, tous les salariés en formations, tous les salariés à la retraite sont concernés. Beaucoup de salariés à la retraite ou proche de cette dernière estiment qu’ils n’ont rien à perdre en cas de nouvelle réforme. Ils ont, malheureusement, tort. Si dans cinq ou six ans, les jeunes salariés s’aperçoivent que la retraite qu’on leur prépare est une misère, ils n’accepteront plus de payer des cotisations peur ceux qui seront alors à la retraite. La Droite s’appuiera sur cette aspiration pour diminuer, brutalement, le montant des retraites de ceux qui sont déjà à la retraite.

Tous les acquis salariaux menacés :

Denis Kessler, l’idéologue libéral, ancien vice-président du Medef vend la mèche dans « Challenge ». Après avoir assuré que les réformes prévues par le gouvernement pouvait donner une impression de « patchwork », il fait remarquait la profonde unité du programme de Sarkozy : « Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ».

Jean-Jacques Chavigné


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