Développement durable : « Une énorme inconnue : le financement » (CGT)

mercredi 19 décembre 2007.
 

Bernard Saincy est l’animateur du collectif développement durable de la CGT. Dans cet entretien, il revient sur le bilan du Grenelle de l’environnement et sur l’approche du développement durable faite par la CGT.

D&S : Quelles ont été les priorités défendues par la CGT lors du Grenelle de l’environnement ?

Notre objectif principal était que le Grenelle débouche sur des mesures concrètes, réalisables et socialement justes. Concrètes car l’urgence environnementale ne peut se satisfaire de vagues déclarations d’intention ou pire d’effets de communication. Réalisables car aux programmes d’action doivent être associés des moyens précis et notamment financiers. Socialement justes car si tout le monde doit faire un geste pour l’environnement celui-ci ne peut être que fonction des capacités contributives de chacun. Dans ce cadre, la CGT a mis en avant plusieurs priorités. La première a été de faire admettre le principe (et la nécessité) d’une démocratie environnementale et d’une démocratie sociale renouvelée cela grâce à l’attribution de droits nouveaux environnementaux pour les salariés. Au niveau sectoriel, nous avons porté plusieurs propositions en matière de logement, de transports, d’énergie, de santé environnementale et de biodiversité. Nous avons par exemple soutenu l’idée d’un grand programme de rénovation thermique des bâtiments en insistant pour que celui-ci soit accompagné socialement (nombre et qualité des emplois dans le secteur et prêts bonifiés pour aider les foyers). En matière d’énergie, nous avons porté la diversification du bouquet énergétique allant du nucléaire aux énergies renouvelables (à développer) et surtout un effort considérable en matière de recherche pour améliorer l’efficacité énergétique et réduire les émissions de CO2. Concernant les transports, nous avons, en commun avec les ONG participant au Grenelle, défendu le développement des infrastructures ferroviaires et fluviales au détriment de la route ainsi que le financement des transports collectifs par notamment la mise en place d’une taxe (éco-pastille) sur les véhicules fortement consommateurs d’énergie et émetteurs de CO2 et d’une redevance kilométrique sur les camions.

D&S : Quel bilan la CGT tire-t-elle de ce Grenelle ?

Il y a eu des avancées. La tenue et la forme du débat entre les cinq collèges représentés (ONG, syndicats, collectivités territoriales, patronat, Etat) en est une comme les multiples points d’accord qui sont apparus entre syndicats et ONG. D’autre part, les programmes en matière de rénovation thermique, de transport, de protection de la biodiversité vont dans le bon sens comme les orientations prises en matière de démocratie environnementale et sociale. Sur ce dernier point des négociations devraient s’ouvrir avec le patronat pour définir les contenus des droits nouveaux environnementaux des salariés (dont le droit d’alerte) et leurs modalités d’utilisation au sein des Comités d’entreprise et CHSCT. Sur la santé environnementale, nous sommes très déçus. Mais au global, il demeure une énorme inconnue : le financement de ces mesures. Il est bien évident que l’appréciation finale que la CGT peut avoir du Grenelle en dépend et nous y verrons plus clair sur ce point essentiel dans les semaines qui viennent qui seront consacrées au sein des groupes de suivi à cette question. Ces débats s’annoncent difficiles puisque les organisations patronales et agricoles n’ont eu de cesse jusqu’à présent de réclamer des compensations sous forme d’exonérations fiscales du moindre de leurs efforts.

D&S : La CGT a longtemps eu une image « productiviste » et peu soucieuse d’écologie. La CGT a-t-elle changé sur ce point ?

La CGT a toujours été peu ou prou à l’image des salariés. Elle a été productiviste lorsqu’il s’agissait pendant les trente glorieuses de répondre aux besoins sociaux de masse. Cette position a évolué : la réponse aux besoins sociaux est toujours d’actualité mais la croissance nécessaire pour y parvenir peut être d’une autre nature, plus sobre en énergie et en ressources rares et plus respectueuse des écosystèmes. Pour la CGT, le développement durable par exemple est devenu officiellement un objectif revendicatif en 1999 lors de son 46ème Congrès confédéral. On peut penser que c’est récent. Et ça l’est ! Mais il en est de même de la perception par le plus grand nombre des salariés, de la gravité de la situation environnementale. Il y a donc toutes les raisons de redoubler d’effort en la matière. La CGT s’en est donné les moyens en matière d’expertise et de formation pour ses militants en créant début 2001 un collectif de travail confédéral sur le développement durable associant ses organisations territoriales et professionnelles.

Propos recueillis par Eric Thouzeau


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