Pour un droit au logement... effectif (ATTAC)

jeudi 3 janvier 2008.
 

Les médias ont insisté durant toute la journée d’hier sur les files d’attente dans les mairies suite à la loi sur "le logement opposable". Voici un texte de la commission Logement d’ATTAC qui apporte une analyse de qualité sur le sujet.

Le désengagement de l’Etat

Au cours des années 1950/1975, l’Etat s’est engagé dans une politique volontariste de construction de logements sociaux. L’orientation a été reconsidérée dans la seconde moitié des années 70. En effet, la loi du 3 janvier 1977 (dite réforme « Barre ») a introduit l’aide à la personne au détriment de l’aide à la pierre.

Dès lors, le retrait de l’Etat n’a cessé de se confirmer : au cours des années 90, moins de 45 000 logements sociaux ont été construits chaque année. Il est à noter la part croissante des logements intermédiaires, destinés de fait aux classes moyennes, qui représentent plus du tiers des logements sociaux construits récemment.

Livrés aux lois du marché, le foncier et l’immobilier privés font l’objet d’opérations spéculatives. Les augmentations massives des prix ont eu des incidences directes sur l’évolution des loyers dans le parc locatif. Constante durant ces vingt dernières années, la flambée des loyers atteint actuellement des sommets : les loyers ont vraisemblablement doublé en vingt ans.

Des difficultés de plus en plus importantes pour se loger

Désengagement de l’Etat et spéculation foncière et immobilière ont contribué à aggraver les difficultés d’accès et de maintien dans le logement des ménages modestes touchés de plein fouet par le développement du chômage et du travail précaire et la baisse du pouvoir d’achat. 4 millions de personnes sont actuellement sans logis ou mal logées, dont plus de 200 000 sans logis.

Les habitats de fortune, et en particulier le camping à l’année, l’utilisation de caves, de garages, et l’aménagement de cabanes aux marges des zones urbaines, se multiplient. 100 000 personnes vivraient ainsi dans des campements, plus de 40 000 seraient installées dans des constructions provisoires qui ne sont pas sans rappeler les bidonvilles de l’après guerre. Bien que sa capacité ne cesse d’augmenter, le dispositif d’hébergement social est saturé en permanence.

Si le mal logement frappe directement les ménages disposant des revenus les plus modestes, les difficultés d’accès à l’habitat concernent aussi une partie des « classes moyennes ». L’augmentation massive des loyers, notamment dans le parc privé, tend à accroître le taux d’effort des locataires. La part moyenne des revenus consacrés au logement atteint près de 25% ; la moyenne lisse les extrêmes qui peuvent atteindre plus de 40 %. Les mesures annoncées récemment par le président de la République, et en particulier l’indexation des loyers sur l’indice à la consommation et la réduction à un mois de loyer le dépôt de garantie, n’inverseront pas cette tendance.

Indicateur significatif des difficultés des ménages en matière de logement, le nombre des procédures d’expulsion a évolué de manière notable : inférieures à 88 000 en 1997, plus de 100 000 ordonnances d’expulsion ont été prononcées au cours des dernières années

Faute de répondre aux exigences de solvabilité de plus en plus élevées des bailleurs privés, les ménages, et notamment les jeunes, trouvent difficilement à se loger. L’inaccessibilité du parc privé provoque un report de la demande sur le logement social : plus de 1,2 millions demandes de logement social restent en souffrance, dont plus de 340 000 en Ile de France. Dans le parc social, le taux de mobilité a chuté en dessous de 10%.

Rénovation urbaine et vente du logement social

Les programmes de rénovation urbaine ont accentué la pénurie de logements sociaux. La programmation de construction est largement inférieure aux destructions prévues. Par ailleurs, les démolitions concernent en majorité des grands logements alors que l’on reconstruit avant tout des appartements de moins de trois pièces. Enfin, les loyers des nouvelles constructions sont nettement plus élevés.

Restant très modeste, la programmation de construction de logements sociaux pour les années à venir, de l’ordre de 100 000 unités/an [1], ne résorbera pas l’insuffisance. D’autant que le solde net de logements sociaux pourrait être amputé par la vente d’environ 40 000 logements par an et la destruction d’habitats à loyer modéré dans le cadre des projets de rénovation urbaine.

Fidèle au slogan du candidat Sarkozy, le gouvernement en place prône le développement de l’accession à la propriété. La politique du « tous propriétaires » risque fort de favoriser une nouvelle flambée des prix du foncier et de l’immobilier, d’accroître notablement l’endettement des ménages, et de contribuer au développement des copropriétés en difficultés.

La loi de 2007... inapplicable en 2008 ?

La loi du 5 mars 2007 a réaffirmé le droit au logement et a prévu l’instauration de voies de recours amiable et juridictionnel. Les commissions de médiations devraient être mises en place dans chaque département dès le 1 janvier 2008. De toute évidence, le calendrier retenu ne sera pas respecté.

Visiblement, la création des commissions de médiation au premier janvier 2008 et leur fonctionnement effectif semblent compromis dans le plus grand nombre des départements. Problème majeur, les contingents préfectoraux ne permettront pas de reloger les ménages considérés comme prioritaires par les commissions de médiation et, en fin d’année, par le juge administratif.

Premières propositions

L’article 31 de la charte sociale européenne révisée ainsi que la loi du 5 mars 2007 ont consacré le droit au logement et imposent une obligation de résultat. Aussi, ce droit doit devenir une réalité pour tous dans les meilleurs délais. Favoriser l’accès au logement impose l’élaboration d’une politique reposant sur deux principes majeurs : le renforcement du rôle de la puissance publique et l’accentuation de l’encadrement du marché privé.

Un premier train de mesures concrètes contribuerait à rendre le droit au logement effectif, en particulier :

* l’encadrement des prix du foncier et de l’immobilier ;

* le plafonnement des loyers ;

* la réquisition des logements vacants ;

* le développement de la location solidaire dans le parc privé ;

* la création d’un service public du logement ;

* l’application stricte de l’article 55 de la loi SRU ;

* la construction d’au moins 250 000 logements sociaux par an ;

* l’abandon des projets de vente massive de logements sociaux ;

* la cessation des expulsions locatives sans relogement ;

* l’arrêt des démolitions de logements sociaux décents ;

Trop souvent, la faiblesse ou l’absence de revenus provoquent la perte de l’habitat et empêchent le relogement. Aussi, envisager de favoriser l’accès au logement amène à prévoir une augmentation des bas revenus.

En la matière, la puissance publique a, là encore, de sérieuses obligations. Les articles 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, 11 du Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels et 30 de la Charte sociale européenne révisée précisent que les Etats signataires sont tenus de prendre les mesures nécessaires à l’accès à l’emploi et au maintien d’un niveau de revenus suffisants.

Le retour au plein emploi, l’éradication du travail précaire et l’augmentation des bas salaires amélioreraient sans aucun doute les conditions de vie des ménages modestes et leur accès au logement. La revalorisation des minima sociaux paraît incontournable. Toutes inférieures au seuil de pauvreté, les allocations versées ne permettent pas de vivre décemment, et encore moins de régler un loyer et les charges afférentes. Au mieux, elles autorisent une pauvre survie.

Il s’avère donc urgent de consolider les protections de base, notamment le SMIC et les minima sociaux, et d’indexer leur progression en fonction de l’évolution de la richesse nationale.

Notes

[1] Hors logements financés en PLS ; Depuis plusieurs années, les associations mobilisées souhaitent que cette catégorie de logement ne soit plus considérée comme logement social du fait des loyers pratiqués.


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