J’ai une vingtaine d’années, je suis précaire, je n’ai pas droit au RMI, je bosse 3 mois par an et le reste du temps je vis avec le R-I-E-N

dimanche 14 février 2016.
 

J’ai un léger handicap neurologique, la dyspraxie. Selon wikipedia " La dyspraxie est une altération de la capacité à exécuter de manière automatique des mouvements déterminés, en l’absence de toute paralysie et de tout retard intellectuel. Le sujet doit contrôler volontairement chacun de ses gestes, ce qui est très couteux en attention, et rend la coordination des mouvements complexes de la vie courante extrêmement difficile, donc rarement obtenue"

Handicap non reconnu, travail sous pression

Au quotidien c’est assez gênant pour maitriser tout ce que l’on appelle,le langage non verbal, ou faire des choses manuelles complexes , mais comme c’est assez léger comme handicap ( pas de retards intellectuels, ni de troubles psy ) , c’est pas reconnu Cotorep.

Du coup , j’ai mis longtemps à maitriser les codes de l’entretien d’embauche mais finalement j’y suis parvenu, ensuite pour travailler, je fais assez mal mon boulot et malgré mes études je ne fais que des boulots manuels genre récolte de pommes ou manutention , en général, cela signifie plus de boulot pour les autres .

L’organisation du travail est faite pour faciliter le flicage des salariés entre eux, avec une idée phare : si vous bossez plus c’est parce que certains dans l’équipe ne font pas leur travail, du coup malgré toute la politesse que je m’efforce de garder vis a vis des mes collègues, eux me voient comme la chieuse à cause de qui on est sanctionnés.

Bref se mettent en place plein de petites techniques de harcèlement moral, pour que je démissionne ou pour que je travaille plus ou mieux. Parfois je reste calme, parfois je me défends verbalement ( surtout si c’est le dernier jour ) , parfois j’essaie de les politiser , mais ça foire, évidemment. Je ne peux jamais obtenir un aménagement du travail eu égard à mon handicap , et évidemment je ne suis jamais repris 2 fois par le même employeur.

Parfois je ne passe pas la période d’essai, parfois si et dans ces cas là je reste jusqu’à la fin de mon contrat ( lois du travail , et lutte anti-CPE et CNE oblige) .

Quelques idées pour vivre quand même

Du coup, pour vivre , je vole beaucoup au supermarché ( j’ai la peau blanche, ça aide, et puis je ne vole jamais de parfums, d’alcools, de matériels informatiques ou high tech de viandes, de chocolat, de DVD/CD, de cosmétique de luxe , de rasoir ou de fringues féminines, vu que c’est là ou la surveillance est concentrée.Je vais plutôt dans les supers à coté de quartiers bourges. Parfois si je vais en dehors de ma région ( j’ai 75 % de reduction sur les TER de mon département) je gruge le train.

Je ne me suis jamais fais choper malgré mon handicap. Ce qui veut dire que si je peux le faire, tout le monde peut le faire, la Sncf c’est dur mais voler à Leclerc est à la portée du premier venu.

Parfois je fais de la récup pour diverses choses, mais c’est de plus en plus dur, j’utilise les bibliothèques ou je vais lire les bouquins et journaux directement aux magasins de la gare ( la bas personne ne vous fais jamais chier ) ou à la Fnac ( idem),

J’ai vécu 1 an dans des communautés auto-gérées mais ça a fini par me souler vu que les fonctionnements étaient très corrompus, classistes , et discriminatoires, ça passe souvent par le non dit mais c’est très présent. C’est pourquoi que je pense que les " communautés" alternatives fermées sur elle même sont vouées à l’échec, il faut changer toute la société, on ne peut pas juste changer dans un petit groupe en Ardèche ou en Auvergne.

Dans cette communauté, très vite, des gens ont commencé à organiser des fêtes payantes, à faire de l’argent . De ce que j’en sais , ça se passe partout comme ça, les squats pour certains sont un investissement plus rentable qu’une boite de nuit, il n’y a pas à payer de taxes, et en plus ça permet de donner une image un peu rebelle à des soirées qui sont les mêmes que dans une discothèque.

C’est pareil pour la drogue, qui pour moi est pourtant un instrument de contrôle social ( voir l’héroïne au Pays Basque ).

Ces histoires de petit "bizness" en tout genre m’ont énervé vu que ça me fait plus chier de bosser pour un petit chef "alternatif" que pour un vrai patron capitaliste, au moins dans ce dernier cas les choses sont claires ; la pire chose que peut faire ton ennemi c’est d’avoir le masque de ton ami. Du coup , j’ai un peu de mal parfois avec certaines attitudes de rébellion "esthétique" genre les djeuns qui se croient rebelles parce qu’ils sont fringués en Goeland , et qu’ils n’écoutent que tel type de zique.

C’est ça , le problème de classisme, le fait qu’il y a dans ces communautés un vrai fossé entre les pauvres et les autres. D’ailleurs en France, on voit bien qu’il y a d’un côté des squats avec une majorité d’immigrés et de gens dans la merde, comme Cachan et de l’autre des squats d’artistes, majoritairement blancs, et deux types d’endroits avec deux populations qui ne se mélangent pas.

Du coup je vis parfois chez des potes, souvent chez ma famille. Mes parents sont immigrés même si en France je suis perçue comme une "française de souche" à cause de ma couleur de peau, mais les francos-francais mettent leur gosse à la rue dès qu’il a 16 ans, zéro solidarité familiale . Avant je squattais : j’ai vécu 1 an et demi en Espagne, où le squat est plus facile qu’en France. Comme ils n’ont pas de HLM, l’Etat ferme les yeux , au moins pendant 6 mois, histoire d’avoir la paix sociale. Avant j’étais en logement universitaire très bon marché .

Je souhaiterais m’investir plus politiquement ( ce qui était mon cas avant) mais à cause de mon handicap, je suis un peu discriminée même dans des orgas politiques. Par exemple, j’ai essayé de m’investir dans le mouvement anti LRU, en vain. ll y a des gens qui sont impliqués depuis longtemps, et peut être qu’ils veulent qu’on respecte ça, mais parfois, j’ai l’impression, que c’est dommage, que les décisions, soient discutées en petit comités, et que les commissions, ouvertes, parlent pendant des heures de petits détails à la con. En fait j’ai eu l’impression que les étudiants pensaient n’avoir besoin que d’eux pour lutter , le problème c’est que la privatisation de la fac c’est vraiment chiant pour tout le monde.

Donc, au niveau politique, je suis un peu desillusionné, et je ne sais pas pourquoi, c’est pour moi une source de frustration et d’angoisse plus importante que ma précarité professionnelle.

Finalement je me déplace beaucoup, là j’ai trouvé un boulot en Espagne dès le mois de mars, mais je suis motivée pour aider à tenter de commencer quelque chose, d’ailleurs j’aime ’idée de rendre nos luttes mobiles, puisque nous sommes précaires, c’est pas moins efficace , ce n’est pas forcément moins efficace que lutter sur le même truc, au même endroit pendant dix ans.


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