MESSAGE DU MARS - GAUCHE REPUBLICAINE AUX DELEGUES DE LA LCR REUNIS EN CONGRES

dimanche 27 janvier 2008.
 

Cher(e)s camarades

Le MARS-Gauche Républicaine a répondu positivement et avec plaisir et intérêt à l’invitation qui lui a été fait d’assister à votre congrès.

Avec plaisir parce que notre vision non sectaire de la politique, notre enracinement antilibéral et notre appartenance à une gauche résolument de transformation nous conduisent à une approche fraternelle de vos débats comme de tous ceux qui partagent ces convictions. En outre nous nous retrouvons au coude à coude dans la plupart des campagnes : contre le traité européen et pour une Europe démocratique et sociale, contre les mesures de Sarkozy, de la droite et du MEDEF.

Avec intérêt parce que vous savez que le cours et les conclusions de votre congrès vont intéresser bien au-delà de vos rangs. C’est donc notre cas. Et nous souhaitions par cette adresse vous indiquer sur quel thème central nous attendons vos conclusions.

En effet nous partageons avec vous une certitude : il faut un nouveau parti de gauche dans ce pays. Un point commun qui n’est pas mince et qui nous incite donc à attendre la façon dont vous allez le formuler à la sortie de congrès. Mais sans attendre, les déclarations de vos porte-paroles, vos écrits, vos tracts nous permettent aujourd’hui de vous indiquer nos interrogations sur ce qui délimiterait ce parti et donc de confronter nos positions.

Premier axiome : il serait anticapitaliste. On aura compris, et nous en avons déjà largement discuté ensemble lors de confrontations unitaires, que cela signifie que ce parti ne se contentera pas d’être antilibéral. Soit, même si nous avons la crainte que le terme anticapitaliste minorise à l’avance la place de ce parti tout simplement parce que le 20ème siècle a laissé toute la gauche, et particulièrement la gauche de transformation, exsangue de projet alternatif (et donc en définitive « supérieur ») à opposer à un système qui se base sur la distinction capital/travail et sur le marché. Mais comme derrière le libéralisme, nous définissons pour notre part le modèle dominant du capitalisme mondialisé et financiarisé, nous ne sommes pas certains que cette définition fasse clivage entre nous. D’ailleurs nous remarquons que la campagne présidentielle d’Olivier Besancenot a été une remarquable campagne antilibérale insistant avec talent sur la répartition des richesses et le scandale que constitue la migration de 10 points du PNB des revenus salariaux vers les revenus du capital non investi en 20 ans. Ce qui n’est pas à proprement parler anticapitaliste puisqu’il y a 20 ans la France n’était pas un pays socialiste... Si, pour reprendre les propos d’Olivier Besancenot il y a peu sur France Inter (lundi 21 janvier), anticapitaliste signifie que vous souhaitez proposer une véritable alternative, que vous remettez en question la répartition des richesses et que vous défendez un contrôle accru des salariés sur leur entreprise, nous pourrions tomber d’accord. Nous pourrons ajouter sans crainte de divergence ni prétendre à l’exhaustivité : la priorité absolue du bien public sur le marché et donc la défense et la promotion des services publics, l’égalité et l’émancipation comme moteur central de cette politique, l’élargissement de la citoyenneté...

Deuxième axiome : ce parti serait indépendant du Parti Socialiste et de ses alliés et des institutions. Les vrais désaccords commencent là. Là aussi reprenons l’interview d’Olivier avec le même média : cela ne signifie pas que ce nouveau parti refuserait le principe d’une participation gouvernementale mais qu’il ne peut en être question tant que le rapport des citoyens à la politique serait inchangé, tant que la démocratie ne se ferait pas « du bas vers le haut ». Il faudrait sans doute un débat profond entre nous de ce que signifie cette notion qu’Olivier Besancenot traduit comme « libertaire » car pour notre part les errements totalitaires du 20ème siècle nous incitent à la méfiance sur tout ce qui peut ressembler à une remise en question de la démocratie représentative. Soulignons également que l’apologie de la « démocratie représentative » peut cacher bien des démagogies et l’absence en réalité d’un programme alternatif comme l’a prouvée la campagne de Ségolène Royal. Mais faisons preuve là aussi d’optimisme : derrière un vocabulaire différent (Le Mars-GR défend une 6ème république synonyme de fin du Présidentialisme, de prédominance du parlement, de disparition ou de profonde mutation du Sénat, de non cumul des mandats et de limitation de son renouvellement, de statut de l’élu mais aussi de démocratie sociale...) considérons que là aussi nous pourrions nous entendre sur la façon de revitaliser la démocratie pour que tous puissent y prendre une bien plus large part. Reste la question de fond : comment passer de la situation actuelle à celle dont les conditions vous autoriseraient à prendre vos responsabilités au pouvoir ? Pour notre part, dans la situation de notre pays et des démocraties, nous n’imaginons pas que cela se fera sans la capacité de rassembler une majorité aux élections sur cette question. Nous assumons la nécessité d’un projet de rupture et nous savons que cela ne pourra se faire sans une mobilisation sociale mais nous ne passerons pas d’un coup de baguette magique et révolutionnaire d’une période à une autre. Et aujourd’hui nous ne pensons pas que tel doit être le clivage déterminant de ce nouveau parti qui renverrait en définitive au clivage révolution/réforme. Tout simplement parce que le clivage qui aujourd’hui sépare à gauche n’est pas (plus) celui-là : il est aujourd’hui question de l’abandon de l’idée même de transformation, aussi timide et réformatrice soit-elle, par ceux qui ont la majorité institutionnelle à gauche dans ce pays. Il est même question, disons le clairement, d’un risque majeur : de la fin de la gauche telle que nous l’entendons dans ce pays depuis 220 ans (inutile, nous pensons de vous rappeler que la distinction gauche/droite naît lors des Etats Généraux de 1789). Il y a bien le danger d’un basculement vers, pour aller vite, un système démocratique à l’américaine avec deux grands partis qu’aucune réelle vision du monde ne sépare. Voilà le danger. D’autant plus que cette vision de la gauche, au fur et à mesure qu’elle s’approfondit, se révèle depuis 15 ans incapable de battre la droite ! Or, paradoxalement, il existe encore dans notre pays des millions (pas des milliers) de citoyens qui n’acceptent toujours pas les méfaits du libéralisme et le désastreux retour en arrière qu’il implique. Etre à leur côté dans les luttes c’est bien mais nous savons, d’où d’ailleurs notre interrogation commune sur un nouveau parti, que cela ne pourra tenir longtemps sans débouché politique. Ce débouché doit-il consister à réunir ceux qui veulent « révolutionner le monde », ce qui n’intéressera qu’une minorité d’entre eux, ou simplement tous ceux qui ne satisfont pas du monde tel qu’il est et veulent le transformer. Avec cette fois la possibilité de réunir une majorité ? Vous connaissez notre réponse. Elle implique de ce fait à ne pas poser en préalable d’être « indépendant des institutions » en laissant cette crédibilité à d’autres mais à dire sa disponibilité pour construire une majorité sur un programme de rupture pour changer réellement la vie de nos concitoyens et de l’immense majorité de ceux qui vivent, souvent mal, de leur travail. Sans concessions mais réellement avec tous ceux qui le veulent. Voilà l’urgence.

Enfin 3ème axiome : considérant que les expériences avaient échoué parce que tentées par le haut (référence notamment à la tentative des collectifs unitaires), vous proposez de vous adresser là aussi aux « gens », à la « base » de préférence aux autres mouvements. En toute fraternité c’est un des aspects de votre projet qui nous inquiète le plus sur la façon dont vous considérez ce futur parti. Nous nous rappelons de temps pas si anciens où la LCR récusait ce type de pratique quand sous prétexte de « l’union à la base et non au sommet » ceux qui l’énonçaient ainsi camouflaient en réalité une politique de désunion et surtout de développement de leur propre parti. En outre cela semble ignorer que la LCR est un courant de pensée estimable certes mais clairement identifié qui ne peut imaginer à lui seul recomposer la gauche autour de lui en faisant fi de tous les autres qui, souvent, sont encore organisés en mouvement politique. Autrement dit, s’il faut effectivement être capable d’innover, de se tourner vers des franges de la société aujourd’hui peu concernées par les partis (dans le mouvement social, dans les quartiers, chez les jeunes...), du passé on ne peut faire table rase sous peine de paraître s’autoproclamer le seul mouvement politique à pouvoir en maîtriser et en développer le processus. Cela n’est pas possible, ne correspond pas aux nécessités de l’heure car inévitablement limité et peut même dévier vers un travers sectaire. Nous croyons à l’inverse qu’il faut effectivement poser la question d’une nouvelle force mais que cela ne peut supporter aucun raccourci. Cette force devra rassembler des milliers de citoyens aujourd’hui non engagés dans un parti mais on ne pourra faire l’économie d’une démarche ouverte vers tous ceux qui, de la gauche du parti socialiste à la LCR, en passant les communistes, les écologistes, les républicains de gauche que nous sommes et tous les acteurs des mouvements sociaux et altermondialistes se posent la même nécessité. Même si, nous en convenons les premiers, tout cela nous parait beaucoup trop long face aux urgences et aux attaques de la droite. Mais, chers camarades, vous avez aussi votre responsabilité dans les difficultés de ce processus. Car la situation vous place dans une responsabilité peut-être unique dans l’histoire de votre organisation. Nous espérons que les conclusions que vous prendrez pourra nous conduire à travailler rapidement avec vous et beaucoup d’autres à l’émergence de la nouvelle force qu’il faut à la gauche et dont notre peuple a besoin. C’est pourquoi, avec d’autres, nous proposons un premier jalon qui pourrait-être des Etats Généraux de la gauche antilibérale sur la question du projet dès le mois de juin.

Chers camarades voilà ce que nous souhaitions vous dire et les questions que nous nous posons sur votre proposition à l’orée de ce congrès fraternellement mais aussi en toute franchise.

Mars-Gauche républicaine le 21 janvier


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