Bernard Teper contre les franchises médicales à Villefranche de Rouergue Compte-rendu de l’exposé et du débat

mardi 5 février 2008.
Source : ATTAC 12
 

Les caractéristiques des franchises médicales

La ministre, Mme R.Bachelot minimise les franchises : « qui ne peut donner 3 à 4 euros ?... »

En fait, les franchises sont injustes, dangereuses et inefficaces sur le plan économique :

* injustes : les premières datent de 1983 avec le forfait hospitalier qui, de l’équivalent de 2 euros à l’époque, atteint aujourd’hui 16-17 euros !

Partout où elles ont été implantées, les inégalités sociales de santé ont augmenté. Actuellement, leur total, qui est de 300 euros /an /personne en France, atteint 2040 euros aux Etats-Unis avec les inégalités les plus fortes.

* dangereuses car elles provoquent un retard d’accès aux soins dans une partie de la population ( ceux qui ont le moins de moyens, ceux qui sont les plus malades)et, des pathologies qui avaient reculé progressent à nouveau.

* inefficaces ; on met en avant le trou de la sécurité sociale qu’il faut bien combler ; c’est devenu un dogme : Ph. Douste-Blazy en 2004 : il y a déficit, il faut donc diminuer les dépenses. Or, le trou n’a cessé d’augmenter ! Car, quand on augmente les franchises, on augmente les dépenses de santé : retards pour se faire soigner donc des pathologies plus lourdes, recours plus fréquents aux urgences médicales qui sont plus coûteuses...

Pourquoi les franchises ?

« Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt. » dit un proverbe chinois.

Quelques chiffres destinés à éclairer et relativiser :

En 2007, le « trou » de la Sécu était de 14 milliards d’euros sur un budget global ( les 4 branches confondues) de 390 milliards ; comparativement, le déficit de l’Etat , sur un budget ( tous ministères confondus) de 280 milliards d’euros est bien supérieur.

Mais, avec un budget aussi élevé (1e masse financière), la sécu constitue un enjeu financier majeur.

Un rappel, les remboursements reposent sur la sécu et les complémentaires santé ou mutuelles.

Quand il y a franchise, le remboursement sécu diminue, la part des complémentaires / mutuelles augmente dans un contexte de concurrence entre mutuelles et assurances privées.

Les franchises favorisent ainsi l’entrée des grandes firmes multinationales de l’assurance santé qui, dans le système de remboursement des soins, veulent la partie la plus rentable conformément à l’objectif : « privatiser les profits, socialiser les pertes ».

La privatisation avance après la phase intermédiaire d’étatisation de la Sécu, ce qui constitue une rupture majeure avec le système mis en place en 1945 : en 1945, était mis en place un système solidaire reposant sur la Sécurité Sociale gérée par les représentants élus des assurés sociaux ; or ce système a été cassé par étapes , d’abord ( de 1967 à1995) dans le sens d’une étatisation : du peuple vers l’Etat, puis d’une privatisation : le gouvernement Jospin de 1997 à 2002, a transformé le Code de la Mutualité solidaire en Code assuranciel. Ainsi, même des gouvernements de gauche sont allés sans le même sens que la droite, simplement plus doucement.

On peut rappeler que le 1e forfait hospitalier date du 1e gouvernement socialiste( 1983).

Les franchises vont continuer parce qu’il faut privatiser le système de remboursement des soins, pas à cause du trou de la Sécu !

En 1995, le gouvernement Juppé a crée les ARH, Agences Régionales d’Hospitalisation dont le but est de fermer des services rentables dans les hôpitaux publics pour les transférer dans des cliniques privées. Ainsi, la privatisation concerne la petite chirurgie (à 92-95% !), la radiologie, la maternité...et cette évolution va accentuer les écarts entre catégories.

Le secteur santé/ protection sociale est aujourd’hui la priorité des attaques des ultra-libéraux.

Qu’en est-il du « trou » de la Sécu ?

Il est fabriqué pour culpabiliser l’ensemble de la population et accélérer la privatisation/ marchandisation de la santé.

Sachant que les abus ont été chiffrés de 1 à 3 milliards d’euros, la responsabilité majeure du déficit revient à la diminution des cotisations sociales due à la baisse de la part des revenus du travail dans la richesse nationale produite. Ainsi, de 1980 à aujourd’hui, la part des revenus du travail a baissé de 10 points au profit des revenus du capital ce qui représente, pour l’année 2007, 170 milliards d’euros ( 10% de 1700 milliards qui est le montant du PIB, richesse produite en 1 année) ! Imaginons tout ce que l’on pourrait faire avec 170 milliards d’euros : augmenter les retraites... ! Pour combler le déficit, il suffirait de revenir à la répartition de la richesse produite d’il y a 25 ans !

Alors, dans ces conditions, la seule solution pour le gouvernement et la Commission européenne est de museler l’information ; ainsi, le Collectif contre les franchises médicales est interdit à la radio et à la télé et ne peut guère se faire entendre que lors de conférences.

Quelles solutions pouvons-nous proposer ?

* 1 développer la prise de conscience de la population , la protection sociale étant la 1e préoccupation des Français. Mais il est difficile de communiquer sur les analyses sur le sujet. Seuls quelques journaux engagés ont alerté sur des dérives graves ; Le Canard Enchaîné du 14 fév.07 dans un article « La sécu paie deux fois les cliniques » et L’humanité du 13 déc. dernier : « Santé, des intérêts privés bien soignés... » ont révélé comment la CNAM ( caisse nationale d’assurance maladie) a mis en place un dispositif de caisses pivots réglant automatiquement, dans un délai de 4 jours et après un contrôle réduit au minimum, les factures télétransmises par les cliniques privées alors que parallèlement, les caisses primaires continuaient à régler les factures papier correspondant aux mêmes actes ! Les cliniques encaissaient donc 2 fois le paiement des mêmes factures ! (Trop-perçus de 24 millions d’euros). Globalement, on constate que tout est fait pour favoriser le privé .

* 2 amener militants et élus à changer de logique pour s’orienter vers une laïcité économique séparant radicalement sphère publique et sphère privée et créer de nouveaux outils d’intervention : un collectif local contre les franchises médicales...

* 3 Un système alternatif a été mis en place avec les Etats Généraux de la Santé et de l‘Assurance-Maladie qui prévoit un ensemble de mesures :

- transformer la logique de soins en une logique de santé en donnant la priorité à la prévention et en assurant son financement (car les maladies sont surtout chroniques)

- rétablir les 10 points de PIB au profit des revenus du travail

- décider du remboursement à 100% par la Sécu , supprimer les complémentaires santé et réorienter les mutuelles vers la gestion de la prévention

- rétablir la gestion de la Sécu par les représentants élus des assurés sociaux (lorsqu’on exonère de cotisation sociale, on pique en fait de l’argent à la sécu)

- réorienter l’industrie des médicaments et développer une recherche publique de médicaments financée exclusivement sur fonds publics

- agir sur l’implantation des médecins

par le développement de centres de santé avec des médecins non payés à l’acte mais responsables de la santé et du suivi médical d’un certain nombre d personnes,

par le recours à un numerus clausus régional pour les études et l’installation de médecins (avec un contrat de 5 ans dans la région)

- faire que l’argent public aille prioritairement aux établissements publics et rompre avec le leurre de la complémentarité public/ privé.

Aujourd’hui, 50% de la dépense de santé concerne 6% des citoyens (personnes âgées et pathologies lourdes) Ainsi, il est indispensable de s’organiser pour mener la résistance.

Questions/ réponses (débat animé par Joël)

1. La CMU, est-ce bien ou pas ?

Quand le gouvernement Jospin l’a créée, les personnes qui en bénéficient sont mieux qu’avant mais la CMU ne touche qu’une fraction des pauvres, c’est une forme de communautarisme social. La meilleure solution est l’universalisme des droits : tous les citoyens ont droit à l’accès aux soins remboursés à 100%, quand un droit est ouvert, il doit être ouvert à tous.

2. le problème des dépassements d’honoraires :

Actuellement, tout est fait pour favoriser le secteur optionnel qui permettra aux médecins des dépassements d’honoraires. L’objectif de Douste-Blazy en tant que ministre de la santé était de libérer les prix de la santé et de diminuer les remboursements ; la logique néo- libérale set de supprimer toute entrave .

3. Comment 10 points de PIB sont-ils allés vers le profit ?

Par la baisse des impôts, les exonérations de cotisations sociales, les niches fiscales(240), l’augmentation du chômage, le fait que les cotisations patronales ont diminué de 9 points en 5 ans...

4. Quel rapport entre la privatisation de la santé et l’Europe ultra-libérale en construction, avec le Traité de Lisbonne notamment ?

Le traité de Lisbonne constitue un carcan institutionnel pour favoriser la concurrence à tous les niveaux, la privatisation, la logique de profit...


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