Le socialisme municipal prospère malgré la crise du parti

mercredi 6 février 2008.
 

Un Parti socialiste peut en cacher un autre. Celui du sommet, en panne d’une vision renouvelée de la société, dont les leaders font entendre des voix dissonantes et dont les parlementaires sont incapables d’adopter une attitude commune lors de la ratification du traité européen, occulte une autre facette de la réalité. Celle du "socialisme municipal", que font vivre, à la base, des dizaines de milliers d’élus locaux (la Fédération des élus socialistes et républicains en compte 60 000) et qui pourrait constituer le terreau d’une victoire aux élections municipales et cantonales des 9 et 16 mars.

Encouragé par les élections législatives partielles du 3 février, marquées par le gain de la première circonscription d’Eure-et-Loir, François Hollande voit déjà la gauche reprendre trente villes de plus de 20 000 habitants, dont Quimper, Saint-Brieuc, Rouen, Dieppe, Le Havre, Caen, Cahors, Rodez, Chartres, Montauban, mais aussi Toulouse ou Strasbourg. Le pari du premier secrétaire - faire du PS le premier parti de France en terme d’élus - n’est pas complètement irréaliste.

Les édiles du PS, contrairement à la direction du parti, n’ont pas besoin d’organiser de forum sur "les rapports entre les socialistes et le marché". Ils ont lancé depuis longtemps des passerelles avec le secteur privé, dont les plus récentes sont les opérations "Vélove" à Lyon ou "Vélib" à Paris. Quant au rapprochement avec le MoDem, objet de polémiques virulentes rue de Solferino, il s’organise sans heurts à Dijon, Tours, Grenoble ou Paris. Privilégiant les transports publics et le logement social, les élus socialistes avancent des priorités plus lisibles que le programme de leur parti. Si les candidats du PS aux municipales semblent avoir souvent la faveur des sondages, ce n’est donc sans doute pas seulement en raison de la dégradation de la cote de popularité du président de la République.

Reste que ce double visage du PS - déprécié au plan national mais apprécié au niveau local - évoque une dérive girondine qui renvoie aux années 1950-1970, lorsque la SFIO, le Parti socialiste d’avant François Mitterrand, retranchée dans ses bastions, avait de facto renoncé à la conquête du pouvoir. "Pas question de se laisser enfermer dans une cohabitation permanente qui voudrait que la droite, au gouvernement, assure les fonctions régaliennes alors que la gauche, réduite à n’exercer que le pouvoir local, serait chargée de l’urbanisme ou de la petite enfance", prévient Hollande, bien placé pour savoir que "les victoires aux élections locales ou régionales ne conduisent pas forcément à la victoire aux élections nationales".

Gagner les municipales permettrait de requinquer un parti qui se définit volontiers comme "une social-démocratie d’élus", mais ne l’engagerait pas forcément dans une dynamique de rénovation. Ce qui manque au PS n’est pas tant de faire émerger une nouvelle génération de dirigeants, comme aux municipales de 1977, que de renouveler sa doctrine et d’actualiser sa stratégie de conquête du pouvoir. Dans l’immédiat, il lui faut surtout restaurer une forme de discipline interne.

La perte d’autorité de la direction nationale a engendré une prise d’autonomie qui s’est propagée à chaque échelon. Certaines fédérations défient ouvertement la rue de Solferino. En refusant par exemple de promouvoir des candidats issus de l’immigration ou, comme dans l’Hérault, en présentant aux élections sénatoriales Georges Frêche, pourtant exclu du PS pour ses propos sur les Noirs et les harkis. De la même manière, des sections de base ignorent les consignes venues d’en haut, comme en Seine-Saint-Denis, où les socialistes locaux cherchent à multiplier les primaires contre des maires communistes sortants.

Dès le lendemain des élections municipales qu’il espère victorieuses, Hollande souhaite que les socialistes réécrivent leur déclaration de principes et redéfinissent certaines de leurs règles de fonctionnement (calendrier et modes de désignation du candidat à la présidentielle, respect de la discipline de vote). L’idée d’un congrès extraordinaire, organisé avant le congrès ordinaire de la fin 2008, est évoquée mais il n’est pas sûr que le premier secrétaire parvienne à ses fins.

Au-delà de cet enjeu, le risque, pour reprendre la formule du député de Paris Jean-Christophe Cambadélis, est que le PS se retrouve au soir des municipales dans la situation d’un parti trop faible pour envisager de gouverner mais trop fort pour se remettre en question.


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