Soirée aux cris de « sieg heil » pour trois flics bien notés d’Amiens

dimanche 10 février 2008.
 

Police. Suspension d’un brigadier et de deux gardiens de la paix pour propos racistes.

La fréquentation des débits de boissons et autres restaurants n’est pas une activité recommandée pour une poignée des 136 000 policiers français. Après le sanglant épisode du restaurant de Franconville (Val-d’Oise), où le 1er février un fonctionnaire en état d’ivresse est soupçonné d’avoir grièvement blessé par balle un ex-serveur, ce sont trois policiers d’Amiens (Somme) qui ont été suspendus pour avoir tenu des propos racistes et antisémites dans un bar de la ville.

Jeudi, la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, a condamné « avec la plus grande fermeté ces actes et propos intolérables ». Vendredi, ils étaient en garde à vue, en compagnie de deux autres personnes, au commissariat d’Amiens, où ils étaient interrogés par l’Inspection générale de la police nationale (IGPN, la police des polices).

« Surprise ». Les faits qui sont reprochés à ces cinq personnes remontent à la nuit du 1er au 2 février. Vers 23 h 30, le groupe fait irruption dans le pub My Goodness, qui à cette heure est bondé. « Il y avait beaucoup de brouhaha, mais mon client a remarqué les gestes des policiers, bras tendus. Passé la surprise, il a réalisé de quoi il en retournait », raconte Me Hubert Delarue, l’avocat du patron du bar.

Selon plusieurs témoignages, le groupe est entré dans le pub aux cris de « sieg heil », avant de trinquer en criant des propos violemment antisémites entrecoupés de saluts hitlériens. Les trois policiers - un brigadier-chef d’une quarantaine d’années et deux gardiens de la paix trentenaires - étaient en civil et avaient quitté leur service une demi-heure plus tôt, selon une source policière.

Le patron du bar, cité par Me Delarue, raconte que les suspects étaient passablement « énervés », mais pas « saouls », et se sont « lancés dans des diatribes verbales accompagnées de gestes en rapport ». « Ils ont tenu des propos racistes, antisémites et xénophobes. » Un des policiers aurait lancé : « Je suis prêt à foutre ma carrière en l’air pour éviter la colonisation de mon pays par les négros et les bougnoules. » « On est des flics, tu n’es qu’une sous-merde », et l’appartenance au « white power » figurent aussi parmi les propos racistes et néonazis rapportés par des témoins.

Deux employés d’origine africaine sont également pris à parti par le groupe. La tension monte dans le pub, où des consommateurs veulent en venir aux mains. « Mon client a tout fait pour temporiser et éviter d’autres débordements, affirme Me Delarue. Un employé leur a demandé d’arrêter ou de quitter le bar. [...] Le patron leur a demandé à son tour. Ils ont fini par partir en maugréant, tout en menaçant [le patron] de représailles si la chose s’ébruitait », a-t-il ajouté. Le procureur de la République d’Amiens a précisé avoir reçu vendredi une plainte du patron du bar pour « menaces sous condition » et avoir ordonné une enquête jointe sur cet aspect. Le My Goodness, situé dans un quartier animé, est un « établissement tout à fait correct, où il semble qu’ils [les policiers,ndlr] allaient parfois », a souligné le procureur. « Ils n’en étaient pas des piliers, mais ils ont été identifiés comme policiers par plusieurs clients. Par ailleurs, selon Me Delarue, les cinq hommes auraient tous fait état d’une qualité de policier » lors de leur passage dans le bar.

Des clients ont apporté leurs témoignages écrits au patron, qui les a transmis à la police, selon l’avocat. Le syndicat de policiers Alliance de la Somme s’est dit étonné par l’affaire, affirmant que, si les faits étaient « avérés, c’est inacceptable ». « Ils étaient bien notés et faisaient bien leur travail », a souligné Didier Courtin, secrétaire départemental du syndicat. « Deux d’entre eux avaient même été décorés il n’y a pas longtemps », a-t-il précisé. « On n’a jamais vu de comportements anormaux » de leur part.

« Déontologie ».Selon une autre source policière, les trois fonctionnaires étaient proches ou affiliés à la Fédération professionnelle indépendante de la police, un syndicat minoritaire d’extrême droite. Selon une autre source, l’un d’eux aurait fait des campagnes pour le Front national, un autre est marié avec une femme ayant été membre du Parti des forces nouvelles (extrême droite).

Pour Joaquin Masanet, secrétaire général de l’Unsa police, principal syndicat des gardiens de la paix, « des gens qui tiennent de tels propos n’ont plus rien à voir avec la police nationale, qui a un code de déontologie et affiche la déclaration des droits de l’homme dans chaque commissariat ».

JACKY DURAND


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