Rencontre Parti Socialiste et Travailleurs sociaux. Interview de Michel Chauvière (7,8,9 Etats généraux du social)

mardi 27 juin 2006.
 

En ce mois de juin, le parti socialiste a organisé à l’Assemblée Nationale une rencontre de responsables politiques, d’usagers et professionnels sur le thème : "formation et travail social". Ci-joint l’interview de l’un des participants, Michel Chauvière chercheur au CNRS et fondateur du collectif « 7,8,9 vers les états généraux du social », mis en ligne sur le site du Parti socialiste. Il insiste notamment sur la nécessité de maintenir les exigences de qualité dans la formation des travailleurs sociaux. Selon lui, les choix politiques de ces dernières années, comme la décentralisation d’une part de l’action sociale, nuisent aux besoins d’indépendance relative et d’initiative des travailleurs sociaux.

Qu’entendez-vous par travail social ?

Dans le cadre du travail de l’Etat, en grande partie confié à la direction générale des affaires sociales, il y a eu un phénomène historique de professionnalisation. Certaines personnes se sont peu à peu détachées et ont fait fonction de travailleurs sociaux, dans des domaines particuliers. Mais, ces derniers combinent leur action avec l’action de personnes qui ne sont ni travailleurs sociaux ni salariés. En effet, il y a toujours eu des phénomènes de bénévolat, d’actions associatives, catholiques, philanthropes, laïques ou communautaires. De plus, il y a toujours eu, aussi, une action sociale des élus.

Ainsi, si on considère le travail social de manière générique, il concerne toutes ces personnes qui agissent dans le domaine social. Mais, si on le considère de manière stricte, il s’agit uniquement de la part professionnelle de tous ceux qui travaillent le social.

Pourquoi craignez-vous aujourd’hui que les travailleurs sociaux soient victimes d’une déqualification ?

Le problème de la déqualification est de savoir comment nos pouvoirs publics accompagnent ou freinent la professionnalisation du domaine. Ont-ils des exigences élevées de qualification ou bien, au contraire, ce que l’on le craint, vont-ils laisser le système se déréguler en raison de son coût et d’une idéologie plutôt tournée vers l’individualisme ?

Mais, ce risque de déqualification est assez contradictoire en lui-même, car les gens qui se forment à des niveaux de plus en plus élevés, obtiennent des postes qui tendent un peu à se disqualifier. Autrement dit un certain nombre de gens, même élus de gauche, pensent que pour s’occuper de la misère des gens, il n’est pas forcément nécessaire d’avoir bac +5.

Quelles sont les pistes de réponses que vous formulez pour « sauver » le travail social de ces déviations ?

Il existe aujourd’hui un certain contentieux entre le PS et les travailleurs sociaux. Le problème principal vient du fait que les élus ont l’impression qu’ils sont les plus légitimes en matière d’intervention sociale. D’ailleurs, la décentralisation a considérablement renforcé leur prise sur toutes les questions sociales. On leur a notamment confié au niveau local de nombreuses compétences, comme la distribution du RMI. Les élus sont donc devenus les « pilotes », et possèdent les moyens financiers. Les travailleurs sociaux deviennent en quelques sortes leurs subordonnés.

Il faudrait donc que l’élu soit d’abord un politique avant d’être un employeur. L’élu doit développer ses responsabilités en amont, sur les conditions générales de possibilité du progrès social, et laisser, sur la base d’objectifs clairs, une marge de manœuvre aux travailleurs sociaux. Mais, aujourd’hui, il y a tout de même beaucoup suspicion.

Peut-on dire alors que le travail social a un bel avenir en France ?

Si on le prend au sens générique, il y a bien entendu de l’avenir puisque le travail social est « increvable ». S’il ne prend pas une forme professionnelle, il prendra toujours une forme militante. Le problème est de savoir si un certain nombre de jeunes gens qui rentrent dans ces centres de formation seront maintenus dans une sorte de sous-professionnalisation. La qualité ne vient pas seulement des procédures, mais aussi des hommes et des femmes qui s’engagent dans ces métiers et de ce qu’ils peuvent faire en leur âme et conscience. Il faudrait que les politiques acceptent de le reconnaître et de partager un peu le terrain. De plus, alors que le pilotage national donnait un sens à l’action sociale, aujourd’hui l’Etat se désengage progressivement et favorise une division du travail défavorable au travailleur social. Il faudrait mettre au point une redéfinition des rôles, sinon nous allons vers des confusions terribles.

Propos recueillis par Fanny Costes


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