13 et 20 mars 1977 Raz de marée pour la gauche aux élections municipales

lundi 13 mars 2017.
 

1977. Les élections municipales se soldent par un triomphe pour la gauche qui remporte 55 municipalités de plus de 30 000 habitants et dirige 156 des principales villes de France. Dès lors, plus de 75% des Français croient dans la victoire « prochaine » de l’opposition. Elle aura lieu quatre ans plus tard lors de la présidentielle de 1981.

Entretien avec Jean-Marcel Bichat, engagé dans cette l’Union de la gauche à cette époque.

Les listes de gauche viennent de remporter une confortable victoire aux municipales. Y at- il des précédents sous la Vème République ?

La France a connu deux phénomènes similaires lors d’élections locales : avec les gaullistes, en 1947, et l’Union de la gauche, en 1977. En octobre 1947, le Rassemblement du Peuple Français (RPF), créé par De Gaulle, obtient 40 % des voix et devient le premier parti de France. Son déclin sera cependant rapide.Vaincu par le système des apparentements (1), le RPF n’obtient qu’une centaine de députés aux législatives de 1951, tandis que les municipales de 1953 se soldent par un désastre pour ce parti, victime de l’image violente de son service d’ordre.

Le raz-de-marée de 1977 est d’une tout autre nature.En mars 1976 déjà,à l’occasion des cantonales, le parti de François Mitterrand devient, pour la première fois depuis la Libération,la première force de gauche, gagnant 194 cantons et une dizaine de présidences de conseils généraux. Les municipales se traduisent par une déroute pour les giscardiens, de surcroît vaincus à Paris par le RPR.

Pour la première fois, des municipales ont lieu à Paris, dont le pouvoir s’était toujours méfié, depuis la Révolution et la Commune…

L’ancien Premier ministre, Jacques Chirac, poussé par son mentor, Pierre Juillet, y affronte pour l’occasion Michel d’Ornano, proche du président, Valéry Giscard d’Estaing.

La droite enlève la mairie de Paris, mais perd un secteur – les 2e et 3e arrondissements – au profit de Georges Dayan, l’ami de François Mitterrand. Chirac remercie Pierre Juillet qui lui rétorque : « C’est bien la première fois qu’un cheval remercie son jockey. »

En dépit de cette victoire prévisible dans la capitale, de nombreux élus de droite mordent la poussière…

Deux ministres sont en effet battus, les Radicaux Pierre Brousse et Michel Durafour, à Béziers et Saint-Étienne, tandis que 4 autres échouent dans leur tentative de conquête : le RPR,Antoine Rufenacht,dès le premier tour,à Rouen,les giscardiens, René Haby, à Lunéville, d’Ornano, à Paris, et Norbert Ségard, à Lille. La secrétaire d’État, Françoise Giroud, s’est retirée au premier tour,à Paris. Vingt-six députés de droite, pourtant maires de leur commune, sont battus : 16 RPR, 5 Républicains indépendants (giscardiens), 3 Réformateurs et 2 non-inscrits. Deux autres députés, dont le président de l’Assemblée, Edgar Faure (apparenté RPR), sont personnellement réélus, mais perdent la majorité au sein du Conseil municipal.

Quel sens la majorité d’alors accorde-t-elle à ces résultats ?

Le Premier ministre, Raymond Barre, reconnaît « un succès incontestable de l’Union de la gauche », tandis que Jacques Chirac considère « avec tristesse et lucidité, que la majorité a perdu la bataille des municipales. » Dès lors, la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) réclame l’organisation d’une grève générale par les syndicats et assure que le PS et le PC « ont le devoir de se porter immédiatement au pouvoir ».

Au final, quel est le bilan comptable de ces élections ?

La gauche gagne 55 municipalités de plus de 30 000 habitants et dirige 156 des principales villes de France (dont 72 PC et 81 PS). Plus de 75% des Français croient dans la victoire « prochaine » de la gauche. Interrompue le temps des municipales, la polémique antisocialiste reprend bientôt au sein du PC. Elle se fait même de plus en plus violente, et la rupture des négociations sur l’actualisation du Programme commun de gouvernement intervient brutalement à la rentrée suivante. « Unitaire pour deux », le PS « tient bon » et réaffirme haut et fort sa fidélité à l’Union de la gauche. Mais le PC considère désormais, à la veille des législatives de 1978, que le traditionnel désistement républicain au profit du candidat de gauche le mieux placé, au second tour, relève d’un passé périmé.

Propos recueillis par Bruno Tranchant

(1) Regroupement de listes pour le décompte des voix, à la représentation proportionnelle alors en vigueur.

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HISTORIQUE

Les gains dans les villes de plus de 30 000 habitants

23 gains PS au 1er tour : Castres,le Creusot,Pessac,Valence (sur le RPR) Angers, Brest, la Roche-sur-Yon (Républicains indépendants) Cherbourg,Dreux,Epinal,Roanne, Schiltigheim(CDS) Aurillac,Villeneuve d’Ascq (CNI.) Meaux (Parti radical) Beauvais,Chartres,Conflans-Sainte- Honorine,Mantes-la-Jolie,Romans, Saint-Herblain,Saint-Priest, Villefranche-sur-Saône (divers majorité)

10 gains PCF au 1er tour : Reims,Saint-Quentin (RPR) Châlons-sur-Marne (CDS) Athis-Mons (centristes) Houilles (modérés) Tarbes (indépendants) Villeneuve-Saint-Georges (diversmajorité) Montluçon (fédération des démocrates socialistes) La Ciotat (ex-PS) Sevran (PS)

16 gains PS au second tour : Chambéry,Hyères,Poitiers,Tourcoing (RPR) Montpellier (Républicains indépendants) Saint-Chamond (indépendants) Nantes (centre républicain) Albi,Bourg-en-Bresse,Rennes (CDS) Alençon,Saint-Malo (centristes) Villeurbanne (réformateurs) Belfort,Mâcon (modérésmajorité) Angoulême (sans étiquette)

8 gains PCF au second tour : Bourges,Chelles,Poissy (RPR) Grasse (Républicains indépendants) LeMans,Thionville (CDS) Béziers,Saint-Etienne (parti radical)


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