Sarkozy ouvre un boulevard au fondamentalisme catholique et à l’Opus Dei.

jeudi 3 avril 2008.
 

Une discussion contradictoire a été publiée dans le Figaro Magazine de la semaine du 26 janvier entre le Grand Maître du Grand Orient de France, Jean Michel Quillardet et Philippe Verdin, dominicain et auteur d’un livre d’entretiens avec Nicolas Sarkozy : « La République, les religions, l’espérance » aux éditions du Cerf (2004). Son contenu est pour le moins édifiant quant à la volonté de Sarkozy, s’appuyant sur la position antirépublicaine de responsables de l’ Eglise romaine, d’aller vers la remise en cause de l’article 2 de la lois de séparation des églises et de l’Etat de 1905 : « La République ne salarie et ne subventionne aucun culte... »

Citons les propos du Grand Maître du Grand Orient : « C’est la première fois dans l’histoire de la Vème République qu’un chef d’Etat va aussi loin dans la manifestation de sa foi, mais surtout dans la reconnaissance qu’il accorde au fait religieux. Le général De Gaulle, dont tout le monde se rappelle la foi pratiquante, a toujours gardé de la réserve dans ses propos, s’abstenant de communier ou de se signer lors de manifestations officielles. Nous assistons donc avec inquiétude à une nouvelle formulation des rapports entre la République et la religion... » Et plus loin : « On sent bien derrière de projet politique une idéologie américaine - ou tocquevilienne - visant à investir la religion d’une mission de lien social. Débarrassée de toute conception théologique, métaphysique, la religion que nous propose le président de la République est un nouvel opium du peuple, avec pour fonction la paix publique, notamment dans certains quartiers en difficulté... »

En amendant le cœur de la loi de 1905, à savoir son article 2, qui a par ailleurs été détournée par certaines collectivités locales, et pas forcément de droite, Sarkozy fera passer les associations cultuelles, gérant les biens immobiliers du clergé, et non habilitées à recevoir des subventions publiques, sous le régime général des associations sous régime de la loi de 1901, habilitées en revanche à recevoir des fonds publics. Et le tour sera joué... une loi de concorde civile qui a fait largement ses preuves depuis un siècle à séparer la sphère de la citoyenneté de celle de la vie privée, à laquelle la religion est renvoyée, notamment la théocratie catholique, sera détruite en son cœur.

Venons en maintenant aux motivations profondes d’un représentant de l’Eglise, le dominicain Verdin : « Le président de la République présente les deux grands défis du XXIème siècle auxquels le pays doit faire face. L’un est de survie : le réchauffement de la planète. L’autre c’est le retour du religieux. Que cela ne plaise pas aux Francs Maçons, c’est un fait. L’une des passions de Jean Paul II comme de Benoît XVI, est l’articulation de la foi et de la raison, dans la tradition de Saint Augustin. C’est cela le grand défi. Beaucoup de français qui n’ont pas obligatoirement grandi dans une éducation chrétienne, juive ou musulmane, tout à coup y reviennent. Pourquoi ? Parce que l’interprétation de la philosophie des Lumières s’est épuisée.... » Nous ajoutons au propos du dominicains, cette réalité politique que nous devons sans cesse rappeler, ces deux papes sont les premiers dignitaires de l’Eglise à être issus de l’Opus Dei.

Il ajoute : « Une spiritualité sans Dieu ! Il faudra que vous m’expliquiez ce curieux concept. Quand vous dites que la religion est uniquement un « jardin secret », je le récuse. Elle concerne mille domaines de la vie sociale. En outre la laïcité à la française est spécifique. Nos voisins européens vivent très bien sans cette laïcité timorée. »

Arrêtons-nous un instant sur ce développement philosophique qui résume en quelques phrases un programme parait-il plus moderne que notre laïcité séculaire républicaine, mais lui totalement réactionnaire et bi-millénaire.

La référence de Philippe Verdin à Augustin n’a rien de hasardeux. A l’heure qu’il est plusieurs livres et des émissions de télévision viennent d’être consacrés à cette pensée fondatrice des pères de l’Eglise, celle de l’évêque d’Hippone. Avec son ouvrage principal « La Cité de Dieu » (412-427) Augustin (354-430) réalise une séparation absolue, et à ses yeux fondatrice, entre la cité terrestre et la cité céleste, ce qui n’a rien à voir avec un quelconque régime de séparation : « Deux amours, écrit Augustin, ont donc bâti deux cités, celle de la terre par l’amour de soi même jusqu’au mépris de Dieu, celle du ciel par l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi. L’une se glorifie en elle-même, l’autre dans le seigneur... L’une dans la gloire redresse la tête, l’autre dit à son Dieu : « Tu es ma gloire et tu élèves ma tête. » Tout l’effort d’Augustin va consister à dévaloriser les « devoirs envers la cité terrestre » et plus généralement tout ce qui relève « d’une vie temporelle » qu’il convient de regarder avec mépris, afin d’arracher les hommes à la cité profane et de les convaincre de réorienter toute leur existence sur les finalités de « la cité céleste ». La pensée d’Augustin, au moment de la dislocation de l’Empire romain, est un ouvrage militant qui engage l’église chrétienne dans la conquête du pouvoir politique. C’est une réaction et un refus de toute sécularisation de la vie politique : on sait que l’église s’opposera fermement à l’affranchissement des esclaves et qu’elle combattra l’héritage de la cité grecque au sein de l’empire romain. Tout l’effort d’Augustin, préparant la domination politique du Christianisme, consiste à s’opposer frontalement à l’idée grecque que le royaume de l’homme est de ce monde, que la philosophie enseigne à y trouver sa place de citoyen du monde (kosmopolites, en grec) en participant à la gestion éclairée de la cité.

Verdin refuse le statu que la loi de 1905 donne à toute religion, celui d’une affaire privée, « un jardin secret », où l’Etat n’a pas à intervenir. En refusant cette conception républicaine, Verdin introduit le point de vue inverse, celui des Pères de l’Eglise et d’Augustin, à savoir que l’Etat intervient à nouveau dans les affaires de liberté de conscience. L’indifférence religieuse, le scepticisme, et l’athéisme sont l’expression d’une perversité morale absolue qu’il faut combattre. C’est exactement ce que nous dit le dominicain Philippe Verdin, 1600 ans après Augustin, lorsqu’il dit qu’il ne peut y avoir de spiritualité sans Dieu.

Ainsi la boite de pandore ouverte par Sarkozy en allant se prosterner devant le pape, se pavaner avec le titre de chanoine du Latran et remettre en cause les fondements de la laïcité républicain, donne à la hiérarchie catholique l’occasion de nous resservir les plats faisandés de ses positions fondamentalistes et réactionnaires.


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