Manifeste de la Libre Pensée : Respectez notre liberté de conscience

mercredi 16 avril 2008.
 

La Fédération nationale de la Libre Pensée décide de s’adresser à tous les laïques et à leurs associations, car elle estime que la liberté absolue de conscience est aujourd’hui gravement remise en cause.

Le « nouveau » traité constitutionnel européen est en cours de ratification dans les 27 pays de l’Union européenne. Il est l’instrument de la mise en œuvre d’une Europe des clochers qui fera des religions les colégislateurs et les codécideurs de l’Union européenne. Par l’article 16-C, les Églises et les religions auront un statut privilégié leur permettant d’influencer grandement les décisions de la Commission européenne et du Parlement européen.

Cujus regio, ejus religio (Au peuple, la religion du Prince)

Cet article « gèle »aussi pour l’avenir tous les privilèges antidémocratiques des Églises au sein des pays de l’Union européenne en intégrant leurs statuts spécifiques nationaux dans le bloc constitutionnel européen, ce qui interdira aux peuples des pays concernés de supprimer les concordats, les Églises officielles et empêchera tout peuple qui le souhaiterait de décider la séparation des Églises et de l’État.

Pire encore, en donnant la personnalité juridique à l’Union européenne, elle ouvre la porte à la ratification de traités diplomatiques. C’est la possibilité d’un concordat œcuménique à l’échelle de toute l’Europe qui risque d’apparaître. C’est l’institutionnalisation de la domination religieuse sur tous les peuples d’Europe qui peut être à l’ordre du jour.

Contre l’Europe des Lumières qui vit au cours des siècles les peuples conquérir leur émancipation, le traité constitutionnel européen entend enfermer les peuples à tout jamais dans la prison religieuse imposée par leurs gouvernements, refaisant le Traité d’Augsbourg de 1555 qui décida que les peuples devaient avoir obligatoirement la religion de leur prince. La Libre Pensée rappelle que la laïcité, gage de la démocratie, c’est de faire en sorte que la religion, comme l’athéisme soient une affaire privée.

Où est le respect de la liberté de conscience des citoyens des différents pays en Europe quand on promeut des religions au rang de partenaires officiels des institutions ?

Nicolas Sarkozy, Commandeur des croyants

C’est dans ce contexte que l’on doit comprendre la portée réelle et la signification profonde des récents discours du Président de la République française à Rome, à Riyad et au dîner du Conseil Représentatif des Institutions juives de France (CRIF). Il déclare à Rome : « Un homme qui croit, c’est un homme qui espère. Et l’intérêt de la République, c’est qu’il y ait beaucoup d’hommes et de femmes qui espèrent. La désaffection progressive des paroisses rurales, le désert spirituel des banlieues, la disparition des patronages, la pénurie de prêtres, n’ont pas rendu les Français plus heureux. C’est une évidence ».

Il ajoute à Riyad : « Je ne connais pas de pays dont l’héritage, dont la culture, dont la civilisation n’aient pas de racines religieuses. Je ne connais pas de culture, pas de civilisation où la morale, même si elle incorpore bien d ‘autres influences philosophiques, n’ait un tant soit peu une origine religieuse... C’est peut-être dans le religieux que ce qu’il y a d’universel dans les civilisations est le plus fort ».

Il exige au dîner du CRIF que « nos enfants aient aussi le droit de rencontrer à un moment de leur formation intellectuelle et humaine des religieux engagés qui les ouvrent à la question spirituelle et à la dimension de Dieu »

Ainsi le Président de la République élève les religions au statut exclusif de l’espérance et de la transcendance, il dresse le prêtre, le rabbin, le pasteur et l’imam au-dessus de l’instituteur, en drapant les religions dans l’universalité, il fait œuvre de cléricalisme et de subordination du politique au religieux. Il affirme clairement que les athées et les libres penseurs ont quelque chose en moins que les croyants et que la laïcité ouvre la porte au totalitarisme.

Où est le respect de la liberté de conscience devant un tel mépris ?

La première égalité, c’est celle de l’Instruction publique

La Libre Pensée a établi dans les inventaires laïques qu’elle a dressés en 2006, sans qu’il n’y ait aucune contestation exprimée, que plus de 10 milliards d’euros étaient détournés chaque année des fonds publics pour financer les religions et leurs œuvres. Au mépris du principe démocratique qui veut que tous les enfants de la République aient le droit de recevoir une instruction au sein de l’enseignement public, les gouvernements successifs ont financé et financent encore l’enseignement privé à hauteur de 200 000 postes volés à l’École laïque au bénéfice essentiellement de l’enseignement catholique.

Ce sont tous les gouvernements de la Vème République qui ont favorisé ainsi outrageusement les concurrents de l’École publique. Intentionnellement, ils ont privé les établissements publics des moyens de dispenser un enseignement de qualité.

Où est le respect de la liberté de conscience des élèves quand on contraint des parents à mettre leurs enfants dans l’enseignement privé ?

Les cimetières aujourd’hui et demain... la cité ?

La séparation des Églises et de l’État, le respect absolu de la liberté de conscience, c’est l’inverse de la circulaire de Madame la Ministre de l’Intérieur en date du 19 février 2008, qui incite les municipalités à créer des carrés religieux dans les cimetières municipaux. Au mépris de toute la législation républicaine et laïque, Madame Alliot-Marie entend, sur ordre du Président de la République, démanteler la loi du 9 décembre 1905. On voit clairement, en fait, qu’il s’agit d’en finir avec la laïcité institutionnelle. Cette circulaire du Ministre de l’Intérieur abroge, de facto, la loi du 14 novembre 1881 qui a interdit les divisions confessionnelles dans les cimetières et l’article 28 de la loi de 1905 qui interdit d’apposer tout signe religieux collectif dans les enceintes des cimetières.

Avec la création des « carrés religieux », reverra-t-on en parallèle les fosses communes pour les mécréants ? On est en droit de s’interroger puisque le motif officiel est de « favoriser l’intégration des populations étrangères ». Il s’agit de favoriser le développement du communautarisme dans la société en divisant la population sur la base d’un prétendu multiculturalisme.

Que restera-t-il alors de l’égalité devant la mort et du respect de la liberté de conscience ? La laïcité, c’est l’art de vivre et de mourir ensemble au-delà des différences et dans le respect mutuel. Faudrait-il alors accepter demain que la mort sépare ce que la vie a uni ? La laïcité dans les cimetières publics est aujourd’hui remise gravement en cause et demain ?

La Libre Pensée rappelle qu’elle est à l’origine des funérailles civiles et de la laïcisation des cimetières. Ce combat pour le respect de la liberté de conscience des défunts, elle n’entend pas qu’il soit foulé aux pieds par des volontés communautaristes, d’où quelles viennent et quelles que soient les complaisances qu’elles suscitent.

Où est le respect de la liberté de conscience quand on enferme les défunts dans des communautés douteuses et présupposées d’appartenance ?

Le communautarisme contre la démocratie

La loi de 1905, c’est la séparation des Églises et de l’État, c’est le respect absolu de la liberté de conscience de toutes les citoyennes et de tous les citoyens, c’est la séparation de la sphère privée et de la sphère publique. Ce n’est pas le communautarisme qui, en Grande-Bretagne, conduit notamment le primat de l’Eglise anglicane à proposer l’introduction de la charia dans la loi commune, et ce n’est pas non plus la société divisée en « piliers » (catholique, protestant, juif, musulman et « laïque ») comme en Belgique, que certains, ici en France, appellent de leurs vœux sous le vocable de laïcité « ouverte », « plurielle » ou plus récemment « positive ».

La Fédération nationale de la Libre Pensée rappelle ce qu’elle déclarait dans un précédent Manifeste pour le centième Anniversaire de la loi de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905 : « La démocratie politique impose que la République ne connaisse que des citoyens et non des communautés. C’est la condition fondamentale pour assurer une véritable liberté de conscience. Or, à l’inverse de ce principe, nous assistons à une gigantesque offensive pour institutionnaliser le communautarisme dans notre pays.

Le communautarisme ne connaît pas les citoyens et n’organise que les sujets. La notion de droits est remplacée par celle de devoirs liés à une appartenance communautariste présupposée et incontournable. Malheur à celui ou à celle qui ne respecterait pas les obligations de toutes sortes qui sont l’apanage de la communauté !

Quand la République a été une nouvelle fois fondée en 1870, quand elle s’est affirmée en 1877 et en 1879, elle a instauré dans un même mouvement d’émancipation la laïcité scolaire et celle de l’État. Elle proclamait comme un principe intangible le respect de la liberté absolue de conscience.

Au même moment, elle reconnaissait la plus totale liberté syndicale en 1884, c’est-à-dire le droit pour les ouvriers de s’organiser en toute indépendance pour la défense de leurs intérêts contre ceux des exploiteurs. S’affirmait aussi dans le même temps la pleine et entière liberté d’agir des partis politiques, sans laquelle il ne peut y avoir de véritable démocratie.

Le communautarisme, de quelque nature qu’il soit (religieux, ethnique, linguistique, sexiste, etc..), est par nature contraire à la démocratie, à la laïcité et à la République. Il enferme les individus au lieu de les libérer. Mais la notion de communautés est également contradictoire avec l’existence des classes sociales dont les intérêts s’opposent ».

Où est le respect de la liberté de conscience quand les puissants de ce monde entendent enfermer les individus dans des « communautés d’appartenance » ?

Pour le respect de la liberté absolue de conscience, la Libre Pensée exige :

- L’abrogation de l’article 89 de la loi d’août 2004 (qui aggrave le financement public des écoles privées) !

- L’abrogation du Statut clérical d’Alsace Moselle !

- L’abrogation de toutes les lois antilaïques !

- l’application du principe : « Fonds publics à la seule École publique » !

- La restauration de la loi de 1905 !

- Aucun financement des activités cultuelles, notamment lors de la visite papale !

- Rupture des relations diplomatiques avec le Vatican qui n’est pas un État !

Paris, le 13 avril 2008


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