Rome bascule à droite. Après avoir perdu séchement les élections législatives (près de 10 points de moins), le Parti Démocrate de Veltroni a également perdu la mairie de Rome à l’occasion d’élections municipales partielles, au profit du candidat de Slivio Berlusconi, Gianni Alemanno...

La presse italienne analyse cette défaite comme "un tremblement de terre"... Il faut dire que cela faisait 15 ans que la municipalité de Rome était dirigée par la « gauche italienne »...

Si au 1er tour, M. Rutelli, avait 5 points d’avance (45,8 % contre 40,7 %) il était pourtant largement battu au 2nd tour (46,3% contre 53,7%) par son concurrent Gianni Alemanno, candidat du PDL (Peuple de la liberté), parti de Berlusconi.

Comme toujours dans ces cas là, l’analyse des résultats est un enjeu...

Certains y voient un désaveu du candidat, Rutelli, qui devait succéder à M. Veltroni (ce dernier maire sortant ayant fait le choix de se consacrer aux législatives)... Et force est de constater que l’électorat de gauche s’est largement abstenu !

En comparant les résultats des élections municipales et provinciales qui avaient lieu le même jour, il manque au candidat à la mairie 60 000 voix... Il faut dire que Rutelli, ministre de la culture, numéro deux du gouvernement Prodi sortant, s’il avait certes déjà était maire de Rome de 1993 à 2001, a un parcours qui n’aidait pas à mobiliser l’électorat de gauche : il a commencé au Parti radical, pour passer ensuite chez les Verts, pour finir ( ?) chez les centristes démocrates chrétiens de la Marguerite. Aujourd’hui il est surtout très lié au Vatican... Et cela a sans doute contribué à en rebuter plus d’un. D’ailleurs la participation au deuxième tour a chuté de 10 points, avec comme fait marquant, une perte de 100 000 voix par rapport au premier tour pour le candidat du Parti Démocrate.

Mais si l’électorat de gauche s’est peu mobilisé, c’est aussi le résultat de la situation nationale. Cette élection municipale s’inscrit dans le cycle politique des législatives qui ont vu la nette victoire de la coalition de droite menée par Silvio Berlusconi les 13 et 14 avril dernier. Situation nationale qui est dominée à gauche par l’opération de « recentrage » menée par Walter Veltroni avec son Parti Démocrate et son refus de toute alliance avec les autres composantes de la gauche (les Verts et les ex PC). Comme le brandissait sur une banderole déployée après leur victoire, les partisans du nouveau maire de Rome, Veltroni porte la responsabilité de la défaite : “Veltroni avec les primaires a fait chuter le gouvernement Prodi, avec les législatives a chassé les communistes du parlement, en présentant Rutelli a perdu Rome. Walter, saint immédiatement !”

Situation nationale qui est dominée à droite par Berlusconi qui a organisé depuis des années des alliances avec l’extrême droite italienne... et permis ainsi une porosité de leurs idées à toute la droite voire au-delà. Ainsi le vainqueur de la droite n’est pas n’importe qui.

Gianni Alemanno, futur maire de Rome, est un ancien néo-fasciste passé au parti conservateur Alliance nationale de Berlusconi... Ancien vice président du MSI - parti de Gianfranco Fini-, passé chez Berlusconi comme beaucoup d’autres transfuges, il a fait de la sécurité et la lutte contre l’immigration son principal thème de campagne. M. Alemanno a ainsi promis « d’expulser 20 000 immigrés en situation irrégulière ayant eu affaire à la justice », exploitant plusieurs faits divers survenus pendant la campagne impliquant des immigrés roumains. Pour la gauche et de nombreux observateurs l’insistance sur ces questions ont « joué un rôle essentiel », les mêmes expliquant que « la gauche n’a pas su y répondre de manière cohérente et convaincante ». C’est le moins qu’on puisse dire lorsque l’on se rappelle que c’est Walter Veltroni, le maire sortant, qui avait été le premier dénoncé "le péril roumain", fin 2007, après l’agression mortelle à Rome d’une femme par un Roumain d’origine tzigane. Le même Veltroni avait obtenu dans la foulée du gouvernement Prodi qu’il publie un décret autorisant l’expulsion d’immigrés appartenant à l’Union européenne. Quand au candidat, Rutelli, il a expliqué sa défaite par "l’instrumentalisation que le centre droit a fait du thème de la sécurité"... Quand on prend un néo-fasciste italien pour un homme de « centre droit »...Il y a de quoi être inquiet... Et « mieux comprendre » pourquoi son passé d’Alemanno -il a fait 8 mois de prison pour avoir jeté un coktail molotov- n’a pas permis de le faire battre alors même qu’il a largement tergiverser avant de refuser le soutien de La Destra, parti se réclamant du fascisme.

La bataille perdue de Rome devrait laisser des traces. Dans l’état-major du Parti démocrate, où comme l’a écrit le journal La Repubblica, "le PD court un risque mortel, un règlement de comptes au sommet sera inévitable". Pour les partisans du "recentrage" la crise est d’autant plus profonde qu’aucun sondage ne donnait le candidat de la droite vainqueur... Le Parti Démocrate était persuadé de gagner... Pourtant les résultats des législatives avaient déjà donné le ton ... Quand la gauche est idéologiquement défaite, qu’elle n’a rien à proposer, quand la droite est la seule à apporter des réponses à la crise fusent-elles les pires c’est elle qui est à l’offensive parce qu’elle parvient à capter une partie du vote populaire ...

... Faisons en sorte que cette leçon italienne ne se propage à toute l’Europe. Le risque existe car comme nous l’apprend le nouvel Obs, entre les deux tours des élections municipales, Gianni Alemanno, le candidat de droite a fait le déplacement à Paris, pour rencontrer entre autre Brice Hortefeux notre ministre de l’immigration et de l’identité nationale avec le projet de « créer une alliance sur les problèmes d’immigration »...à l’occasion de la présidence française de l’Union Européenne ! Il ne faudrait pas dans le même temps que la gauche française choississe la tragédie italienne comme modèle de "reconstruction" !