Face à l’ordre mondial dont les Etats-Unis sont la clef de voute, une alternative raisonnée

vendredi 9 mai 2008.
 

LA BIFURCATION DANS L’ORDRE DU MONDE

L’ordre du monde, à condition politique constante, c’est-à-dire s’il n’y a ni guerre ni catastrophe écologique majeure, conduit mécaniquement à la suprématie économique de la Chine et de l’Inde. Mais cette situation ne signifie pas seulement un changement du classement. Plus exactement le changement de l’ordre du classement annule toute la construction de l’ordre mondial dont les Etats-Unis sont la clef de voute. Cet ordre a été maintes fois analysé. Il permet aux Etats-Unis d’être le consommateur final du monde en étant son emprunteur final. Certes cette vie à crédit permet à toute la machinerie économique mondiale d’avoir une locomotive. Mais elle a pour condition un approfondissement permanent du gouffre des dettes publiques et privées et la production d’une masse abyssale de capitaux fictifs.

Cette pente folle est admirablement illustrée par la crise des supprime qui est la crise des prêts faits a des gens dont on savait qu’ils ne pourraient pas rembourser et dont on comptait aussi recycler la faillite. L’immense masse monétaire ainsi continuellement abondée ne rencontre jamais l’épreuve de sa confrontation a la valeur réelle qu’elle est censée représentée. Je me souviens d’un calcul fait dans les années quatre vingt qui montrait comment pour obtenir la valeur acquise avec soixante dollars un américain aurait du payer cent trente. Je suppose que le ratio n’a pas dû s’améliorer.

Tout le système repose sur la confiance qu’on lui fait et davantage encore sur le fait que tout le monde ait intérêt à ce qu’il tienne et continue parce que tout le monde est impliqué. Jusque là c’est ce qui s’est passé. C’est encore ce qui se passe quand les fonds souverains viennent à la rescousse des canards boiteux de la finance des pays du centre tous liés les uns aux autres. Naturellement cette méthode a ses limites. Il faut bien que les avoirs qui se transfèrent d’un point à l’autre pour colmater les brèches ne soient pas à leur tour engloutis. De la sorte ce système fonctionne en permanence à la limite de l’équilibre. Il est en équilibre instable. Une pichenette peut le faire totalement dévier de sa trajectoire, le faire bifurquer.

Dans la crise actuelle la pichenette est venue de je ne sais quel acheteur qui a commencé à perdre pied dans son achat de maison à crédit. C’est le fameux effet papillon. Alors commence le processus qui confronte l’hyper puissance à la surévaluation absolue de sa position. Surtout quand à côté ont surgi des géants qui produisent l’essentiel des biens réels et qu’ils ont constitué des marchés intérieurs capables de sinon de prendre le relais, du moins d’amortir plus que puissamment les chocs extérieurs. Face à un ensemble humain comme la Chine dont la classe moyenne consommatrice actuelle est égale à la population totale de l’Europe et dont elle a l’équivalent de pouvoir d’achat, les anciens différentiels d’avantages qui permettaient à la voiture de tête du convoi de garder sa place ne fonctionnent plus. Pire. Dans les conditions actuelles, techniques, productives, scientifiques, comme dans le domaine crucial de l’échange monétaire par quoi tout commence et tout finit, l’avantage partout a changé de camp. Dans ces conditions le seul avantage comparatif incontesté des Etats-Unis est sa puissance militaire. Dés lors certains, c’est-à-dire les néoconservateurs américains, ont décidé d’en user comme l’instrument en dernière instance du rapport de force.

L’ORDRE GLOBALITAIRE

Ce n’est certes pas la seule politique possible pour les Etats-Unis. Mais c’est celle qui s’applique aujourd’hui et nous implique tous. Cette stratégie est une géopolitique des tensions. Jamais autant qu’à présent ne s’applique la formule qu’elle porte en elle la guerre comme la nuée porte l’orage. Elle trouve son expression construite dans la théorie du choc des civilisations de Samuel Huntington. La solidarité de civilisation légitimerait un leadership sinon injustifié et de plus en plus visiblement contreproductif pour ceux qui s’y lient. On sait que les civilisations dans cette théorie ont pour fondement essentiel la religion. Les individus ainsi ne peuvent échapper ni a l’appartenance collective qu’ils n’ont pas choisi mais qui leur est donnée à la naissance dans leur groupe humain et constitue leur identité ultime ni au mouvement irrépressible de la foi qui partant de l’intérieur de leur être les rattache a cet ensemble. Cette vision globalitaire est rabâchée sur tous les tons et à tous propos non seulement outre atlantique mais chez nous par les discours dorénavant bien connus du président de la République française, a Latran, à Ryad et ainsi de suite.

UNE ALTERNATIVE RAISONNEE

Cette logique des violences n’est pas la seule possible. Plutôt que la préservation d’une suprématie finalement sans justification, plutôt que la compétition sans fin des moins disant sociaux et humains qui va avec, on peut imaginer sans difficulté que faire, qui soit à portée de main. Tout commence par le fait que cesse d’abord la course à l’ouverture sans fin des flux et transferts. Les ensembles économiques intégrés du monde ont intérêt à la clôture pour se constituer en marché intérieur maitrisé. Que cela soit synonyme d’une moins grande consommation d’objets au total pendant une phase de transition ne peut que soutenir la transition vers une économie durable et obliger à repenser le modèle du contenu du développement. Mais cela signifiera une relance des productions et des consommations de base de bien réels et l’apurement de la monstrueuse bulle de l’économie fictive.

Pour rester sur l’objet de ma note je finis en faisant remarquer que ce modèle géopolitique tourne le dos à la logique du fractionnement sans fin des empires et des nations à laquelle la politique de puissance des Etats-Unis conduit aujourd’hui. Le séparatisme, la maladie de l’ethnicisation des Etats et de l’augmentation encouragée de leur nombre y prennent fin. C’est le contraire de ce qui est voulu au Tibet, aux marches de la Russie et ainsi de suite. Pour ne rien dire de ce qui est provoqué actuellement en Bolivie et comploté au Venezuela où des mouvements indépendantiste bidons sont chargé d’abattre ceux qui s’opposent à l’empire.

Jean Luc Mélenchon

Note complémentaire des gestionnaires du site :

Le paragraphe ci-dessous, placé en tête d’article (après le sous-titre LA BIFURCATION DANS L’ORDRE DU MONDE) a été enlevé par nous pour mieux entrer dans le sujet. Ceci dit, il participe utilement de la logique du texte :

"J’utilise le mot bifurcation plutôt que celui de transition à dessein. Dans le vocabulaire courant une transition peut être douce. Elle peut être graduelle. Rien de tel à l’horizon. Une bifurcation est un changement de trajectoire. A l’ordinaire, au volant, une bifurcation peut conduire à un point extrêmement éloigné de celui que l’on visait au départ. Dans le vocabulaire qui s’applique aux systèmes en mouvement la bifurcation peut induire un changement complet de tous les paramètres à l’œuvre et donc du système lui-même. Je ne suis pas assez féru de sciences dites dures pour faire une description assez correcte de ce phénomène pour en tirer une analogie irréprochable. Mais le mot me parait mieux adapté pour désigner la soudaineté et la profondeur du phénomène qui se présente".


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