Retraites : l’organisation de la misère

lundi 19 mai 2008.
 

L’avocat d’affaires de Neuilly et le châtelain réactionnaire qui préside aux destinées de notre pays poursuivent et amplifient, sur les traces de leurs prédécesseurs immédiats Chirac, Raffarin et Villepin, l’organisation de l’appauvrissement systématique du plus grand nombre des Français. Je voudrais simplement rappeler quelques faits bien connus en abordant le problème sous l’angle des retraites.

Depuis deux siècles, l’augmentation de la productivité a permis toujours plus de richesses en toujours moins de temps. Du début du XIXè siècle à la fin du XXè, la productivité horaire a été multipliée par 30, la production par 16, alors que le temps de travail était diminué par 2. Ce, sans que jamais les profits en souffrent, bien au contraire.

Du milieu du XIXè siècle à 1993, les retraites n’ont cessé de s’améliorer : retraites pour les fonctionnaires en 1853, retraites ouvrières et paysannes en 1910 (par capitalisation, déjà !), régime général par répartition en 1945. Des régimes spéciaux sont mis en place dans l’attente d’être rattrapés par le régime général (c’est beau l’Histoire de France). En 1972 (sous un gouvernement de droite), un seuil minimum de pension est garanti à tous les salariés ayant cotisé 37,5 ans. En 1983, l’âge de la retraite est baissé à 60 ans. Et puis le vent tourne. En 1993, les retraites du privé subissent un décrochage (programmé jusqu’en 2040) d’environ 20% par rapport aux salaires. Sans parler d’une décote de 10%, ramenée à 5% en 2003.

En 2003, la fonction publique est alignée sur le privé : augmentation des annuités, instauration d’une décote.

En 2008, les régimes spéciaux du public sont alignés sur le régime général. L’objectif réel des gouvernements successifs, aux ordres du patronat en la matière (comme dans d’autres) est sous-tendu par l’idéologie : laisser le champ libre au privé, développer la retraite par capitalisation. La capitalisation est un processus opaque, soumis à la spéculation des marchés financiers. L’épargne n’est qu’une perspective pour l’avenir, une créance honorée, ou non, trente ou quarante ans plus tard selon la richesse produite par le pays. Alors que la retraite par répartition crée de la solidarité entre les générations, la retraite par capitalisation est la proie de la finance internationale et détruit les solidarités. Contrairement à ce que tentait de faire croire Jospin, les deux systèmes ne peuvent cohabiter harmonieusement. Comme ailleurs, le privé écrase le public.

En 2007, les salariés qui ont fait valoir leurs droits à la retraite n’avaient que 37 annuités de cotisation. Dès lors qu’il leur faut 40 ou 41 ans de cotisation, la perte est sèche : un fonctionnaire dans ce cas ne touchera que 50% de son salaire au lieu de 74%. Un salarié du secteur privé né en 1934 disposait d’une pension équivalente à 84% de son salaire. Pour le salarié né en 1948, il s’agit de 76%. Celui qui est né en 1960 devra se contenter de 60%.

Lorsqu’ils prennent leurs retraites, 6 salariés sur 10 ne sont plus sur le marché du travail. En 2008, 40% des femmes seulement (contre 85% des hommes) ont pu faire valider les 40 annuités nécessaires à une retraite normale.

La France est chaque année plus riche. Proportionnellement, les salariés sont chaque année plus pauvres. Il y a 20 ans, les salaires représentaient 70% du PIB. Il n’en représente que 60% aujourd’hui. Les 10% volés aux travailleurs (160 milliards d’euros) sont allés à la finance, à la spéculation. Pour maintenir le niveau des pensions par rapport aux salaires d’ici 2040, il suffit de faire passer la part du PIB consacrée aux retraites de 12 à 18%. Représentant une petite partie de l’augmentation annuelle de la productivité, ces 6% de PIB correspondent globalement à 15% de cotisations sociales, une augmentation de moins de 0,5% par an. Quel exploit !

Je discutais récemment avec mon supérieur hiérarchique à l’université de Poitiers qui me disait que les collègues qui s’incrustaient au travail jusqu’à 65, voire jusqu’à 68 ans (c’est possible pour les professeurs) posaient un gros problème car ils étaient souvent malades, et longtemps. On touche là à une question sérieuse. Les réactionnaires qui nous vendent un accroissement de la durée du travail proportionnel à l’allongement de la durée de vie nous mentent. Cet allongement, si je puis dire, diminue, et ne va pas tarder à s’arrêter dès lors qu’un nombre toujours croissant de personnes âgées (je déteste le “ senior ” politiquement correct) devront s’user plus longtemps au travail. Pensons-y...

GENSANE Bernard


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