Economie : la baisse du pouvoir d’achat est-elle une illusion ?

jeudi 22 mai 2008.
 

Elle est en tout cas la préoccupation n°1 des Français. À l’heure où les prix flambent et où les entreprises cotées font des bénéfices records, les conflits sur les salaires réapparaissent même dans le secteur privé. Le MEDEF n’a pourtant de cesse de répéter que la baisse du pouvoir d’achat n’est pas réelle mais ressentie.

Patricia Martin : Alors qui croire ?

Bernard Marris a rappelé vendredi dernier que le revenu salarial net moyen calculé par l’INSEE avait stagné de 1978 à 2002 et qu’il a baissé depuis cinq ans. Si l’on tient compte de l’inflation, en moyenne de 2% par an, le pouvoir d’achat d’une grande partie de la population a donc bel et bien été entamé depuis trente ans, d’autant plus que le poids du logement est sous-estimé dans l’indice des prix de l’INSEE. Celui-ci considère que les dépenses de logement représentent seulement 14% du budget d’un ménage, alors qu’en réalité, ce chiffre approche parfois la moitié du revenu ! De plus, on sait maintenant que les prix dans la grande distribution ont grimpé de 29% depuis le passage à l’euro et que certains produits de consommation courante ont encore augmenté de près de 40% depuis trois mois !

Le pouvoir d’achat a-t-il baissé pour tout le monde ? Non. Au cours de ces dix dernières années, le revenu déclaré des 5% des contribuables français les plus riches a augmenté de 11%.

Le revenu des 1% les plus aisés a augmenté de 19,4% et celui des 0,1% les plus fortunés de 32%.

Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que la croissance française soit devenue tributaire de la consommation et de la spéculation des classes aisées. Quant à ceux qui se lèvent tôt, les réformes structurelles de la protection sociale et du marché du travail aggraveront leurs situations, déjà difficiles. La moitié de la population gagne moins de 1480 euros par mois. 13,3% des salariés sont au SMIC et 7 millions de pauvres vivent avec moins de 718 euros par mois. Les classes moyennes ne sont plus épargnées.

Alors que la France subit une panne d’investissement, la baisse du pouvoir d’achat des classes populaires accentuera encore le repli de la croissance, qui sera inférieure aux hypothèses sur lesquelles la loi de finance a été construite. Les déficits se creuseront donc à nouveaux inutilement. Par conséquent, la hausse des salaires est non seulement une urgence sociale. Elle aussi devenue une nécessité macroéconomique.

La situation va-t-elle s’arranger en 2008 ?

Pas vraiment. Le gouvernement projetait d’augmenter la TVA. Il faudrait la baisser.

Les salariés du public vont encore perdre du pouvoir d’achat. Leurs salaires n’augmenteront que de 0,5% en mars et de 0,3% en octobre, soit 0,56% en moyenne annuelle alors que le niveau général des prix flirte avec les 3% et que certains produits flambent. Ces piètres augmentations serviront de référence dans le privé où les syndicats affaiblis n’obtiendront guère mieux. Toutefois, la dégradation des salaires est telle que certaines entreprises, face à la résurgence de conflits, commencent à renouer avec la bonne vieille augmentation générale indexée sur l’inflation et les gains de productivité.

Le dicton du jour : « La feuille de paie n’est pas l’ennemie de l’emploi », c’était de Jacques Chirac en avril 1995.

Série de questions à Lîem Hoang-Ngoc sur France Inter, chez Patricia Martin


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