"Mon fils a gagné la Palme mais... il est sans papiers !"

mardi 27 mai 2008.
 

Arrivée "total délire grave" dans leur collège parisien des héros du film primé à Cannes. Témoignages sur le vif.

de JEAN-NOËL CUÉNOD

Scènes d’hystérie collective devant un établissement scolaire désormais célèbre : le Collège Françoise-Dolto, sis dans le XXe arrondissement, quartier populaire, vivant et cosmopolite de Paris. Des centaines d’ados entre 13 et 17 ans guettent l’arrivée de leurs 24 copains, héros de Entre les murs, le film de Laurent Cantet qui a reçu dimanche soir la Palme d’or au Festival de Cannes.

"Wahoou ! Wahoou ! Les v’là, Les v’là."

A 14 h 10 lundi, les collégiens se ruent vers le car qui transporte leurs potes. Le véhicule parvient à se frayer un chemin dans cette rue des Pyrénées qui s’est instantanément couverte de jeunes qui hurlent, dansent, bousculent les porteurs de caméras complètement débordés.

La revanche des ZEP !

Les héros du jour parviennent tout juste à s’extraire du car. Ces ados de toutes couleurs de peau et de cheveux, de tous milieux, font l’expérience de l’adulation. Parvenues enfin dans la cour intérieure du collège, ces vedettes sorties d’un coup de l’anonymat répondent aux questions des journalistes. Comme des « vrais » !

Inspiré par le livre d’un ancien prof de ce collège, François Bégaudeau qui joue son propre rôle , ce film a pour acteurs une cinquantaine d’élèves qui ont suivi des ateliers d’impro-visation dans leur établis-se-ment, dont 24 se sont montrés particulièrement actifs.

Le Collège Françoise-Dolto est placé en zone d’éducation prioritaire, ces ZEP mal perçues par le public qui les associent à la pauvreté et à l’échec scolaire. Pour cette professeur d’espagnol et mère de l’une des collégiennes qui a participé à Entre les murs, cette récompense tombe à pic : « Enfin, on va parler des ZEP de façon positive ! Dans nos collèges, aucun élève n’est laissé de côté. On avance avec tous les jeunes, ensemble. Et vous savez, ils savent maintenant reconnaître un Murillo d’un Vélasquez ! »

Mais ce vedettariat subit ne va-t-il pas les déstabiliser ? « N’ayez crainte. Nous serons là pour leur rappeler qu’ils sont des élèves et non pas des vedettes. Dans quelques jours, ce sera le retour des épreuves ! »

Tout de même, être propulsé dans la sphère des stars n’a rien d’anodin. « Nous allons les accompagner afin qu’ils maîtrisent cette pression », précise un inspecteur d’académie.

« Ça va l’aider pour ses papiers ? »

Soucieuse de ne pas donner son nom à ceux qui l’interviewent, cette mère de famille sept enfants ! originaire du Congo-Kinshasa est partagée entre la fierté et l’inquiétude : « Mon fils fait partie de ceux qui ont tourné le film. Et cette Palme, je ne pouvais même pas y rêver. Mais voilà, est-ce que ça ne va pas attirer l’attention sur lui ? C’est que, voyez-vous, il a gagné la Palme avec ses copains... mais il est sans papiers ! Je dispose, pour ma part, d’un permis que je dois renouveler chaque année. Mais pour le moment, je n’ai aucun document pour mon fils. Nous voulions faire les démarches la semaine prochaine pour ses 18 ans. Vous croyez que le film va l’aider ? »


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