Depuis 1968, on ne compte plus les manifestations. Les mouvements sociaux ont changé mais la traduction politique de ces luttes se fait toujours attendre (PCF Rouges Aigre vifs)

vendredi 13 juin 2008.
 

Les relations entre syndicats et politiques sont mouvantes, variables selon les pays, les partis... Contentons-nous ici d’un retour sur les quinze dernières années, en France. Il y a déjà matière à réfléchir.

Hiver 1993

C’est un lendemain de cuisante défaite pour la gauche. Jospin et Cambadélis sont déterminés à tout remettre à plat pour comprendre la rouste. Forces de gauche, syndicats, associations sont invités aux assises de la transformation sociale. Les associations viennent... Et la critique est sévère : l’Etat dirigé par les socialistes s’est déchargé de « la misère du monde ». Le monde associatif veut bien jouer un rôle dans l’organisation sociale, mais pas se substituer à une politique de lutte contre les inégalités. Le contentieux est posé publiquement et le PS interpellé. Il l’oubliera.

Hiver 1995

Avec un slogan poétique, qui ne demande rien mais exprime tout, la France d’en bas défile joyeuse et inventive  : « Tous ensemble, tous ensemble, ouais, ouais ! » Les utopistes sont debout... et les politiques aux abonnés absents. Alors Bourdieu prend la parole. Et il ne veut plus la rendre. Avec des intellectuels, des associations politiques, des syndicalistes, il crée les Etats généraux du mouvement social. Le message est double : le mouvement social doit prendre en charge le politique et le niveau d’organisation doit être européen. Le projet est ambitieux. Il échoue quand pointe la perspective de renvoyer Juppé à la maison.

Printemps 1997

Surprise : Chirac dissout l’Assemblée un an avant terme ! Peu de temps auparavant, les refondateurs communistes d’alors avaient pris l’initiative d’un appel, « Le mouvement social donne une chance à la gauche », signé par des centaines d’intellectuels et d’animateurs du mouvement social. Une diversité et une ambition que l’on ne reverra plus. Le PCF l’ignore : si ça vient des refondateurs, c’est beurk ! Aux oubliettes le texte, ses intuitions et les espoirs qu’ils portaient. La gauche plurielle accède au pouvoir. Ça commence mal et ça commence bien, c’est selon. Le mouvement des chômeurs de janvier 1998 est de ceux que l’on n’oublie pas. De nouveaux acteurs émergent : associations, syndicats et comités de chômeurs. Le mouvement est créatif, il bénéficie d’un vrai soutien. Mais Jospin ne cède pas.

C’est le début d’une liste de défaites (la privatisation d’Air France), de victoires amères (35 heures contre blocage des salaires et flexibilité). A la différence de 1981, la gauche au pouvoir trouve des résistances dans le corps social, parmi les syndicats. Mais elle n’entend pas. Elle passe... Et ça casse. La défiance monte. Jospin en fera les frais. La participation électorale aussi.

Pendant ce temps- là au PCF...

Robert Hue a lui aussi l’intuition que la gauche et le PCF se ressourceront de l’apport des « forces vives », comme on dit. Les tentatives pour faire entrer des acteurs du mouvement social (associations, intellectuels, syndicalistes) sur la scène politique vont se répéter. La liste « Bouge l’Europe », en 1999, fait place à une philosophe féministe, à un militant antiraciste, à un économiste... En 2000, lors du congrès de Martigues, le fondateur de la FSU, Michel Deschamps, un dirigeant de SOS Racisme, Nasser Ramdam, une militante homosexuelle, Michela Frigiollini, un architecte agité, Roland Castro, entrent dans le saint des saints : le conseil national du PCF. Aucun d ’entre eux ne va y rester. Le parti ne leur fait pas de place et le projet est trop limité : il ne fallait pas seulement ressourcer la politique, il fallait la chambouler. Hue n’a pas pu, pas su le faire. Le parti a continué sa (dé)route !

Contre ce champs de ruine, de méfiance, se constituent quelques lieux qui se veulent des espaces communs aux politiques et aux acteurs du mouvement social : Ressy, fondé par Jacques Kergoat, réunit des intellectuels et des syndicalistes et, un peu plus tard, la Fondation Copernic initiée par le même Kergoat. Là se retrouve toute la gauche qui cherche une alternative au libéralisme. Copernic a ainsi permis la rencontre, le débat entre syndicalistes de tous horizons, communistes, écologistes, militants d’extrême gauche ou de la décroissance... Mais la fondation ne peut seule s’opposer à la dérive des continents politique et social. Les bouts de terre qui les relient encore sont devenus bien fragiles ; très rares sont les syndicalistes qui participent encore à l’action politique, encore moins aux directions politiques.

Une nouvelle tentative de passerelle voit le jour en 2004, avec la création d’Alternative citoyenne. Une fois encore des acteurs du mouvement social vont franchir le Rubicon. Certains sont élus au conseil régional d’Ile-de- France (Claire Villiers, François Labroille, Malika Zediri). Mais ont-ils trouvé trouvé la clé d’une nouvelle relation entre politique/institution et social ? Ils vous diront sûrement non...

Dernier épisode de la saga : le Référendum sur la Constitution européenne

Prudemment, Sud, la FSU, l’Unef et puis la CGT ont participé, à leur manière, au rejet d’un texte on ne peut plus politique. La secousse dans la CGT fut rude. Pour les syndicats, mais aussi pour Attac, c’est la quadrature du cercle : comment porter un point de vue politique sans être un acteur du champ politique, sans perdre son autonomie ? Les questions sont légitimes. Les déboires de la gauche au pouvoir et les rapports de subordination du syndicat au parti ne sont pas si loin... Alors ? Toute la gauche doit inventer : la gauche sociale, intellectuelle et politique.

● Catherine Tricot


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