Guerre d’indépendance cubaine 1895 1898

samedi 25 février 2023.
 

- 24 février 1895 Début du soulèvement révolutionnaire anti-colonial

L’insurrection du 24 février 1895 et la guerre qu’elle déclencha, préparées de longue date dans les émigrations et à Cuba, donnent le sentiment de ne rien avoir laissé au hasard. Martí considérait que le signal de l’insurrection devrait être donné depuis Cuba et que le Parti Révolutionnaire Cubain se devrait alors de l’appuyer. En 1893-1894, les séparatistes de Cuba – leur réseau172 étant étendu sur l’île entière depuis fin 1892 – montraient des signes d’impatience. L’espionnage espagnol se montrait en alerte. Au même titre que des tentatives insurrectionnelles isolées, une offensive espagnole visant à démanteler ce tissu conspirateur, compromettrait tout le projet. Le Délégué du Parti décida alors de mettre à exécution le Plan de Fernandina, qui réglait le débarquement, si possible simultané, des chefs révolutionnaires et de leurs troupes.

Les autorités nord-américaines arraisonnèrent les navires cubains le 6 janvier 1895, ruinant apparemment l’espoir d’une insurrection prochaine. Cependant, Enrique Collazo et Mayía Rodríguez, chef de l’état-major de Gómez, soutinrent l’option du déclenchement immédiat de la Révolution, et donnèrent à Juan Gualberto Gómez l’autorisation du soulèvement pour la fin février. La « Junta de La Habana », après avoir reçu les rapports des émissaires envoyés dans les régions, fixa la date au 24 février 1895. La campagne militaire fut une campagne magistrale, quoi qu’en aient dit par la suite la propagande des « sauveurs » nord-américains ou celle des Cubains désireux de justifier la permanence de leur tutorat.

Du point de vue politique, la République en Armes, établie dans la « manigua » et destinée à assurer la continuité du projet démocratique lors de la transition de la guerre à la paix, allait acquérir une dimension exemplaire. Enfin, du côté de l’émigration, elle assura d’abord son rôle d’auxiliaire des révolutionnaires, avant qu’Estrada Palma n’infléchisse sa politique. Ce sont ces trois aspects – le militaire et le politique à Cuba, l’émigration essentiellement aux Etats-Unis – que nous allons aborder à grands traits, afin d’en mettre en relief les caractères essentiels, dans les lignes qui suivent.

1) Périodisation

Du point de vue tactique, la guerre de 1895 fut menée en deux temps. La première phase se joua dans les régions. Il s’agissait d’une part d’asseoir la Révolution dans les régions-clefs et particulièrement l’Oriente. Il s’agissait par ailleurs de permettre et de protéger les débarquements des contingents de renfort et des dirigeants politiques et militaires de la Révolution.

La deuxième phase débuta avec la fin de la Campagne d’Invasion, qui avait amené les « Mambis » jusqu’à l’extrémité occidentale de l’île. La guerre acquérait alors une dimension nationale. Le soulèvement en Occidente ne remplit pas les espérances initiales : non seulement il ne fut pas massif, mais il fut de plus limité par des arrestations ou des disparitions précoces173. Dans la province de Las Villas, il y eut également des défections ou des contretemps dus à la répression et à l’intervention du Parti Autonomiste.

En Oriente, en revanche, l’insurrection se révélait un succès éclatant. Dans les premières semaines, Guillermo Moncada et Bartolomé Masó en furent les garants. Face à la réponse armée espagnole, et aux tentatives de déstabilisation et de conciliation du Parti Autonomiste – conformément à ses interventions en 1893-1894, et qui aboutirait au Manifeste, publié dans El País du 5 avril, condamnant l’insurrection – il fallait assurer la résistance. Mais dès le 29 mars 1895, Maceo arrivait à Cuba. Crombet accostait le 1er Avril. Le 11, Máximo Gómez et José Martí débarquaient à Playitas.

Leur retour sur le territoire national fut déterminant : il provoqua en quelques semaines l’intégration de centaines de combattants et un fort soutien populaire174. Le 5 mai, Martí, Gómez et Maceo se réunissaient dans la propriété de La Mejorana, afin de planifier le cours de la Révolution dans ses versants politiques et militaires. Il fut accordé que Maceo regagnerait l’Oriente, y organiserait l’Armée afin de prendre la région. Máximo Gómez partirait pour le Camagüey afin d’y renforcer l’insurrection et de préparer les bases avancées de l’Invasion prochaine.

La Campagne d’Oriente débuta le 6 mai, sous le commandement unique d’Antonio Maceo. Du premier combat victorieux à Jobito, en passant par la bataille déterminante de Peralejo le 13 juillet – au cours de laquelle l’Armée de Libération défit une importante colonne espagnole commandée par Martínez Campos lui-même l’obligeant à se replier – jusqu’au terme de la Campagne, Maceo et ses troupes remportèrent victoire après victoire. L’Armée espagnole était contrainte de se maintenir sur des positions défensives : elle se révélait incapable, cette fois, d’isoler les troupes insurgées dans la région. Bien au contraire, début octobre 1895, l’Oriente était « mambí ».

Entre-temps, Máximo Gómez, après la mort de Martí le 19 mai 1895 à Dos Ríos, avait rejoint la province de Camagüey. Sa campagne circulaire se soldait positivement. Gómez put ainsi organiser le Troisième Corps de l’Armée de Libération, celui de la région de Camagüey. Il se consacra ensuite à préparer la route pour que Maceo puisse le rejoindre. Ce fut le cas en Octobre. Le 22 octobre, alors que Maceo était déjà en route, Gómez franchit la Trocha et partit vers Las Villas pour créer une diversion.

Le 24 novembre, Maceo, à son tour, franchissait la Trocha – la « passoire » préférée des auteurs que nous étudierons. Les deux Corps de l’Armée se réunirent au lieu-dit Lázaro López, le 29 novembre. L’Armée de Libération se composait alors de quelques milliers d’hommes. L’Invasion d’Occidente débutait, l’Armée de Libération entrait dans une période difficile. Envahir l’Occidente, c’était d’abord traverser la région de Las Villas, sur laquelle Martínez Campos s’était replié et dont il comptait faire un rempart infranchissable : plus de trente mille hommes l’occupaient.

L’inventivité – le génie – des stratèges « mambis », dont les audaces tactiques reposaient en partie sur la mobilité des bataillons et leurs « charges à la machette », révéla, mi-décembre, à Mal Tiempo, que l’Armée espagnole n’était plus invulnérable. Martínez Campos se replia avec son Quartier Général à Colón. Le 20 décembre, les Cubains pénétraient dans le centre de la zone de Matanzas. C’était un moment crucial pour l’Invasion : Matanzas, en effet, était une des régions de plus grosse production sucrière ; elle était par conséquent quadrillée par des infrastructures – voies ferrées mais aussi voies de communication – aux mains de l’Armée espagnole dont la présence était massive et les déplacements aisés.

Gómez et Maceo scindèrent l’Armée de manière à ce que ses différents Corps puissent se couvrir respectivement. Ils progressèrent ainsi jusqu’à la fin de l’année. Pour la nouvelle année, le 1er Janvier, l’Armée de Libération entrait dans la province de La Havane. Cette Campagne qui durerait jusqu’au 22 février, est caractérisée par l’extrême mobilité de Gómez, refusant les combats qu’il ne souhaitait pas. Pendant ce temps, Maceo progressait et dépassait Pinar del Río. Le 22 janvier 1896, le drapeau de la République en Armes flottait sur la ville la plus occidentale de l’île : Mantúa.


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