Abjection européenne (par Denis COLLIN)

jeudi 26 juin 2008.
 

Ainsi le 19 juin, le pseudo-« Parlement européen » [1] a approuvé une directive sur l’immigration, préparée par le conseil des ministres de l’UE. Cette directive parachève la destruction des droits fondamentaux et dit clairement ce qu’est cette prétendue charte des droits adoptée par le traité de Nice. En instituant une détention administrative pouvant aller jusqu’à 18 mois, en autorisant l’expulsion vers leur pays d’origine des mineurs isolés et en prévoyant une peine de 5 ans de bannissement, les pseudo-parlementaires sont descendus au dernier degré de la honte. Que tous les démocrates, tous les défenseurs des droits de l’homme se souviennent de cette date du 19 juin. Elle leur rappellera utilement ce qu’est cette « construction européenne », une coalition des classes dominantes dirigée contre les droits des peuples et des individus.

Même Hortefeux, avec une belle hypocrisie, a fait valoir que jamais la France n’irait pas jusqu’aux extrémités de la directive, pourtant concoctée par son gouvernement et approuvée par ses amis. La France ne devrait pas dépasser le délai de 32 jours de rétention et Hortefeux a estimé que le bannissement n’était pas conforme aux traditions françaises... Mais les socialistes espagnols, les amis de Berlusconi, le gouvernement allemand et les travaillistes anglais n’ont pas de ces pudeurs. Les niais qui pensaient qu’on pouvait s’appuyer sur l’Europe pour défendre les libertés en France en sont pour leur niaiserie. Le pompon de la tartufferie, une fois de plus, doit être remis au PSE. Les « socialistes » européens ont en effet refusé de voter en janvier une motion de rejet contre le projet de directive. Autrement dit, ils ont accepté l’enclenchement du processus qui a conduit à l’adoption d’un projet par le conseil des ministres et au vote du 19. Deuxième phase : après avoir fait mine de combattre le projet et déposé des amendements, ils ont finalement renoncé à défendre leurs propres amendements et une partie non négligeable d’entre eux s’est retrouvée dans le camp du PPE et de l’ALDE pour soutenir la directive.

C’est dans le même temps que tout est mis en œuvre pour effacer le vote des Irlandais. Ayant dit « non » à 53%, les électeurs de ce pays qui sont les seuls à avoir eu droit à la parole, ont exprimé ce que pensent les autres. Gordon Brown s’est refusé à un référendum qu’il savait perdu d’avance. Sarkozy avec la complicité active du PS, toujours fidèle au poste, a réussi l’opération « congrès » annulant le vote du peuple le 29 mai 2005. Ailleurs le référendum est soit interdit de droit (Allemagne) soit interdit de fait, les gouvernements s’étant mis d’accord pour empêcher que les peuples puissent se prononcer. Il s’agit donc de faire comme si les Irlandais n’avaient pas voté. On fait valoir la petite taille du pays, on reproche aux Irlandais d’avoir empoché les subventions européennes, etc.. Les grands dirigeants affichent un mépris incroyable à l’égard des Irlandais. Kouchner, toujours aussi prétentieux, propose qu’on laisse un peu de temps aux Irlandais « pour qu’ils se rendent compte de ce qu’ils ont fait ». Ces péquenots n’ont pas voté comme les intelligents du type Kouchner le leur avait dit ! Quelle honte !

Européiste peu enthousiaste, Hubert Védrine tente de garder les pieds sur terre et dénonce les jérémiades des dirigeants de l’UE :

« Inutile donc de déplorer que 4 millions d’Irlandais - 800 000 électeurs - puissent "bloquer" 450 millions d’Européens. Tout le monde sait que s’il y avait eu des référendums partout, le non l’aurait emporté dans plusieurs pays. Le désaccord entre les élites et la population est désormais flagrant. Cet épisode est le énième soubresaut, après ceux de 2005, de la fuite en avant intégrationniste et européiste d’après Nice. » (Le Monde du 19 janvier)

Mais évidemment Védrine se refuse à tirer les conséquences de ses propres analyses.

Entre ces deux évènements majeurs, il n’y a pas seulement une coïncidence, mais une profonde unité. Les « souverainistes » de droite qui se réjouissent du vote irlandais mais votent la directive anti-immigrés montrent une fois de plus qu’ils ont de la choucroute dans la cervelle ou que leur « souverainisme » n’a rien à voir avec la défense de la souveraineté populaire mais tout à voir avec la défense de « l’Europe chrétienne », ce qui est précisément le socle de l’UE. L’attitude des chefs de l’UE à l’égard des Irlandais a la même racine que leur attitude à l’égard des immigrés : la brutale arrogance des vieux pays impérialistes et colonialistes, une arrogance à la fois plus méchante et pitoyable pour des puissances qui ne sont plus que l’ombre de leur propre passé et se mettent frileusement à l’abri du parapluie militaire de l’oncle Sam. Les réactions de Morales et Chavez sont de ce point de vue parfaitement justifiées.

[1] Qui n’est pas un parlement mais une assemblée de bavards irresponsables destinée à couvrir d’un vague vernis « démocratique » les institutions oligarchiques de l’UE


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