La gauche, c’est qui ? quoi ? comment ? Vers où ? 1 Débat de l’été 2008 Vieu (PCF), Ferrand (MRC), Mélenchon, Lienemann, Quilès, Maurel

mardi 15 juillet 2008.
 

Quelle unité pour quelle gauche ? Débat Vieu (PCF), Ferrand (MRC), Mélenchon, Lienemann, Quilès, Maurel

Article publié dans Politis le 10 juillet 2008

Le rôle de la gauche est indissociable de sa forme d’organisation. Parti de toute la gauche ou front de gauche ? La question a animé le dernier banquet républicain de Gauche Avenir.

L’affiche était originale. Elle a d’ailleurs attiré plus de deux cents personnes, le 7 juillet, pour un dîner débat dans un restaurant chinois de Belleville. En invitant Jean-Luc Mélenchon, président de Pour la République sociale (PRS), Emmanuel Maurel, conseiller régional et membre, comme le sénateur de l’Essonne, du bureau national du PS, Marie-Pierre Vieu, jeune dirigeante du PCF et vice-président de la région Midi-Pyrénées, et Eric Ferrand, conseiller régional MRC, le club Gauche Avenir avait choisi de mêler les tendances et les générations.

Celles-ci ne pouvaient toutefois guère donner toute mesure en s’en tenant au sujet de la soirée. Demander « à quoi peut servir la gauche aujourd’hui » conduit forcément à des réponses concises. Elle « doit servir à organiser la riposte » à la série d’offensives du capitalisme libéral qui touche toujours les plus faibles, avance Emmanuel Maurel. « A changer la vie », assure Marie-Pierre Vieu. A « s’opposer résolument au sarkozysme », répond Eric Ferrand, qui ne souhaite pas que cette opposition « esquive le projet de gauche ». « Notre rôle est d’introduire dans l’histoire la maîtrise humaine sur les évènements, et nous n’avons pas d’autre outil pour cela que la démocratie », philosophe Jean-Luc Mélenchon, qui précise que face à la radicalité de la crise « on ne réglera rien si on ne commence pas d’abord par dominer et maîtriser les contradictions du capitalisme dans l’objectif de dépasser le capitalisme ». Y renoncer, avertit-il, c’est « renoncer non seulement au socialisme mais même à la République ».

C’est donc sur les moyens d’y parvenir que les échanges ont été les plus vifs. Quelle organisation des partis politiques ? Faut-il une nouvelle force ? De quelle nature ? Marie-Pierre Vieu fait part de ses interrogations. Elle justifie avoir signé l’appel de Politis, « une tribune qui marque la volonté de faire émerger l’alternative d’une gauche à vocation majoritaire et de prolonger toutes les expériences » des luttes de ces dernières années en France, mais aussi celles qui se sont fait jour à l’étranger, comme Die Linke en Allemagne.

Faut-il aller vers un grand parti de toute la gauche ? Les socialistes Marie-Noëlle Lienemann et Paul Quilès en avancent l’idée depuis près d‘un an. Sans faire l’unanimité au sein de Gauche avenir, le club qu’ils animent. Ce dernier, créé au lendemain de la défaite présidentielle, sur la base d’un appel de 18 personnalités, élus, syndicalistes, universitaires ou journalistes, est un club indépendant. Il est né du refus de l’alliance au centre, présenté alors comme l’avenir du PS, et de la volonté de reprendre l’offensive idéologique face à la droite. Il s’est attaché dés l’origine à fédérer des socialistes, des communistes, des républicains, des Verts, et des hommes et des femmes d’aucun parti. Et à « proposer aux principaux courants de la gauche une base idéologique à la fois fidèle à leurs histoires et moderne vis-à-vis des défis contemporains », qui a pris la forme, après maints échanges, d’un petit livre, Fiers d’être de gauche, présenté comme une « contribution pour l’unité de la gauche ».

Mais quelle unité ? Convaincu que les électeurs se reportent sur des « partis léninistes » chaque fois que la gauche va mal, Eric Ferrand, conseiller régional MRC, se prononce « pour une fédération qui rassemble ceux qui veulent gouverner » et refuse tout net d’« aller vers ceux qui se nourrissent de la désorientation des formations de gauche ». Marie-Pierre Vieu avertit : « La gauche est plurielle », et pas plus qu’elle ne pense que le rassemblement de la gauche peut se faire autour de son parti, elle ne croit qu’il puisse « se faire autour du seul parti socialiste ». En écho au « débat de fond » rappelé par Jean-Luc Mélenchon, elle constate « que l’ensemble de la gauche ne prétend pas dépasser le capitalisme, loin de là ». Avant d’ironiser : « Peut-on être libéral et de gauche ? ».

« La question de l’unité nous divise », admet Marie-Noëlle Lienemann. Persuadée qu’un Linkspartei à la française « arrangerait les sociaux-démocrates de droite », qui savent qu’avec « le système de la présidentielle ils ont entre leurs mains l’orientation finale » tant que ce « pôle de gauche n’aura pas les capacités et la force d’être le premier parti de la gauche », elle juge que le rassemblement de « toutes les forces de gauche dans une même structure » serait plus efficace pour donner à la gauche un centre de gravité conforme à l’image du peuple de gauche. Une position qui la conduit aussi à refuser, pour l’heure, une motion commune de la gauche du PS au congrès de Reims.

Cela suscite sur ces deux plans une forte réplique de Jean-Luc Mélenchon. Le sénateur de l’Essonne « adjure la gauche du PS de se rassembler » pour tenter d’obtenir que le PS rompe avec « la ligne démocrate » qui aboutit à « casser la gauche ». Et « si le congrès du PS n’aboutit qu’à un replâtrage de plus qui ne tranche rien, nous devons avoir comme proposition la constitution d’un front de gauche, d’un nouveau front populaire », lance-t-il. Car « le but de l’unité, c’est de rassembler le peuple » sur un programme qui soit un drapeau. Et de conclure, lyrique, que « lorsque l’inacceptable s’avance, la seule réponse, c’est "non" ».

Dans une ultime tentative de conciliation, Emmanuel Maurel assure que « le PS n’est pas au point du SPD » allemand. Selon lui, « la question ne se pose pas encore, aujourd’hui ». Mais demain…

Michel Soudais


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