21 février 1431 Ouverture du procès de Jeanne d’Arc la rebelle

mardi 21 février 2023.
 

Jeanne d’Arc, jeune, femme, passionnée et rebelle (Jacques Serieys)

Jeanne d’Arc, canonisée le 16 mai 1920

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1) Jeanne préfigure un rapport direct du croyant à Dieu sans l’intermédiaire des professionnels de la religion

« Jeanne ne remet jamais en cause son appartenance à l’Eglise, pas plus que la compétence de ses juges en matière de foi. Mais elle revendique son appartenance à une autre sphère spirituelle : elle se doit aussi d’être fidèle aux révélations divines qui commandent son salut.

Alors commence sa rébellion face aux clercs qui n’entendent pas laisser échapper leur pouvoir ou le partager avec une simple laïque.

N’oublions pas que l’Eglise est à peine sortie du Grand Schisme (opposition entre 1378 et 1418 entre les papes d’Avignon et ceux de Rome). Elle est aussi secouée par les idées démocratiques qu’a exprimées une minorité agissante lors des conciles de Constance (1414-1417) et de Bâle (1431-1449) : l’un des problèmes est de savoir quelle place doivent occuper les laïcs dans l’Eglise et comment se répartit la lumière divine entre les clercs dont les pouvoirs sont hiérarchiquement emboîtés.

Même d’ardents réformateurs comme Jean Gerson pensent que la lumière de Dieu descend de façon graduée du pape aux curés puis jusqu’aux laïcs. Toute liaison directe d’un individu avec Dieu est donc inquiétante car elle risque de menacer l’équilibre du corps mystique - l’Eglise- qui assure l’unité de la chrétienté...

Les juges s’acharnent donc pour que Jeanne décrive l’apparence de ses voix... Le scandale n’est pas dans l’existence de ce surnaturel dont personne ne doute, il est dans le fait qu’il apparaît impossible qu’un simple laïc, et à plus forte raison une femme, se trouve en présence de Dieu. Il ne peut donc s’agir que de sorcellerie. »

2) En portant des habits d’homme, Jeanne rompt l’immobilisme social hiérarchique

A un moment où l’apparence signe l’intérieur de l’être et où l’immobilisme est une garantie de l’ordre social, les autorités ne supportent guère ces inversions.

C’est le temps où, dans de nombreuses villes, des lois somptuaires fixent les types d’habits qui doivent être portés selon le rang de chacun : on doit reconnaître le statut social, le sexe, la morale, au premier coup d’oeil.

La transgression est condamnée, comme le sont les crimes contre nature. En ne se conformant pas aux exigences vestimentaires de son sexe, Jeanne... désobéit aux lois civiles et naturelles.

Le choix se pose bien finalement en termes de rébellion à l’ordre établi.

3) Jeanne préfigure un rapport direct au pouvoir par delà les hiérarchies féodales

Il y a un second domaine dans lequel Jeanne n’a pas hésité à se dresser contre l’ordre établi, à faire fi des moeurs de son temps. C’est celui de l’allégeance directe, spectaculaire, qu’elle choisit de manifester vis-à-vis de Charles VII.

A l’origine de sa démarche : un profond sentiment de la légitimité monarchique, particulièrement fort dans cette province frontière de Lorraine, sentiment qui sera conforté à la faveur des évènements militaires. Après le traité de Troyes de 1420, la châtellenie de Vaucouleurs est restée fidèle au souverain. Jeanne s’y est réfugiée avec les siens lors des sièges qu’ont menés les Bourguignons en 1425 et 1428. Elle a vu les enfants de Domrémy revenir "blessés et sanglants" de leurs affrontements avec ceux du village voisin, Maixey, passé "bourguignon".

4) La jeunesse de Jeanne d’Arc constitue aussi une transgression des codes sociaux de son temps

L’aspect peur-être le plus spectaculaire de l’entreprise tient à l’âge de Jeanne qui, dès treize ans, est investie de sa mission ; qui dès quinze ans se rend seule à Neuchâteau et qui, après une première tentative avortée, prend les armes et quitte Vaucouleurs à dix-sept ans sans jamais dévier des buts qu’elle s’est fixés. Dans cette société du XVè siècle où l’ascension sociale est si difficile, où chacun et chacune doivent rester à leur place, Jeanne Passe donc en météore, et au prix de sa vie.

Entretien avec Claude Gauvard, professeur d’histoire du Moyen Age à l’université Paris 1, auteure d’un ouvrage de synthèse connu "Crime, Etat et société en France à la fin du Moyen age"

Source : L’Histoire n° 210


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