Social-sarkozysme : un nouveau pas est accompli (par Denis COLLIN)

samedi 26 juillet 2008.
 

L’épisode de la réforme constitutionnelle n’aura fait que mettre en évidence ce que nous affirmons dans ces colonnes depuis longtemps : l’interpénétration accélérée de l’UMP et du PS et par conséquent de la droite et de la gauche. Car évidemment l’épisode du vote de Jack Lang pour la réforme de Sarkozy n’est absolument pas anecdotique.

Commençons par dire clairement les choses : Jack Lang n’est pas un traître et pas plus ne le sont les quatre députés, Christophe Caresche (Paris), Jean-Marie Le Guen (Paris), Gaëtan Gorce (Nièvre), et Manuel Valls (Essonne), qui dénoncent dans Le Monde daté du 23 juillet, « l’anti-sarkozysme primaire ». Ils défendent leurs idées ... et celles qui ont cours dans le Parti Socialiste, depuis longtemps et peut-être avec encore plus de vigueur depuis l’adoption de la nouvelle « déclaration de principe ». Jack Lang n’a pris personne au dépourvu. Il a participé à la commission Balladur et en a largement approuvé les conclusions. En votant la réforme Sarkozy, il est au moins en accord avec lui-même ! Quant aux quatre députés qui ont respecté la discipline du parti mais estiment que le PS aurait dû voter pour la réforme Sarkozy, là encore ils ne disent rien d’inattendu. Manuel Valls dit bien fort depuis plusieurs mois qu’il faut en finir avec le sectarisme vis-à-vis du président et que le PS doit cesser de se dire « socialiste » pour devenir ouvertement une « gauche moderne » - ce qui est, notons-le, la formule des « socialistes » gouvernementaux comme Besson et Bockel.

Le sénateur Mélenchon proteste que les « socialistes » ont perdu la bataille de la réforme constitutionnelle parce qu’ils ne se sont pas placés sur le bon terrain. Selon lui, on aurait dû contrer Sarkozy en opposant une république parlementaire au système présidentiel au lieu de chipoter dans une querelle obscure sur les aménagements à apporter au présidentialisme. Dans l’abstrait, le sénateur de l’Essonne a raison. Le problème qui n’a pas dû lui échapper réside dans le fait que le PS est rallié depuis longtemps au présidentialisme et à la Ve république ! Certes PRS, le groupe des amis de Jean-Luc Mélenchon, réclame le retour une république parlementaire, et avec PRS on trouvera Dolez et Filoche, ce qui, au total regroupe moins de 10% du PS. En outre les socialistes ont occupé au cours du dernier quart de siècle la présidence pendant 14 ans et le gouvernement pendant 15 ans. S’ils avaient voulu réformer la constitution dans un sens parlementaire, ils en avaient largement le temps. C’est sous le gouvernement Jospin, auquel participait Jean-Luc Mélenchon en tant que ministre de l’enseignement professionnel, qu’ont été adoptées la réforme constitutionnelle ramenant à 5 ans le mandat du président et l’inversion du calendrier électoral, deux mesures qui ont accentué le présidentialisme et fait officiellement de l’Assemblée Nationale le bras armé de la présidence. Même la petite réforme proportionnelle du mode de scrutin tentée en 1986 et abrogée par Pasqua n’a jamais été remise sur le tapis. Il est vrai que le mode de scrutin uninominal à deux tours favorise le bipartisme et que bipartisme et présidentialisme ont partie liée pour éliminer du jeu entre un tiers et la moitié du corps électoral.

Lang et le club des quatre ont l’avantage de dire la vérité. Ils ont un seul désaccord sérieux avec la direction du PS : eux pensent qu’il n’est plus nécessaire de faire semblant, de jouer à l’affrontement bloc contre bloc alors que les politiques sont si proches. La direction du PS, au contraire, croit qu’il est encore nécessaire de simuler une opposition frontale à Sarkozy. Nous disons bien simuler car sur les dossiers vraiment importants, la réforme universitaire, la réforme des régimes spéciaux de retraite ou le traité européen, la direction du PS a soutenu sans faille le président. Mais Hollande et Ayrault, Delanoé et Royal, croient que le rideau de fumée d’une opposition bidon, d’autant plus dure dans les mots qu’elle est conciliante en fait, reste nécessaire. Ils estiment nécessaire de préserver une soupape de sûreté au cas où la bouilloire menacerait d’exploser. En outre, cela permet de préserver la possibilité de gagner les élections locales et de maintenir un sorte atypique de partage du pouvoir avec l’UMP.

Une dernière remarque. Quelque chose commence à frapper tous ceux qui observent les évolutions avec un peu de recul : la garde rapprochée de Mitterrand s’est massivement ralliée à Sarkozy. On avait eu le show-biz et le mitterrandisme friqué avant l’élection de 2007. On a eu Benamou et Attali. Anne Lauvergeon pdg d’Areva et fervente militante pour la privatisation de cette société vient aussi des équipes de « sherpas » de Mitterrand, comme Attali. On a maintenant Lang. Et puis le retour de Tapie qui rafle la mise grâce à ses appuis présidentiels, lui qui fut mis sur orbite par Mitterrand. Tout cela commence à faire beaucoup et peut-être les historiens devraient-ils se pencher sur la question.


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